L’homme est toujours très actif et tenter de parler avec Yves Courage au téléphone n’est pas toujours simple. Non pas qu’il soit désagréable, c’est même tout le contraire ! Il vous répond systématiquement et avec le sourire. Mais il est toujours débordé. Finalement, entre deux rendez-vous, il prend le temps de remuer ces vieux souvenirs…

Yves, peux-tu revenir pour nous sur cette deuxième place de 1995 ?

« Ah cette édition 1995, c’est un souvenir que je garderai à vie ! Parce que c’est à la fois mon meilleur souvenir mais également le plus terrible… D’ailleurs, même si l’on m’en parle souvent, j’évite d’y repenser… Nous avions la voiture la plus rapide, nous devions gagner ! Mais il y a tellement de petits grains de sable qui sont venus se mettre entre nous et la victoire…

Tout d’abord, j’ai été un peu faible à l’époque. Je me suis laissé influencer par mon entourage et j’ai engagé deux nouvelles C41 alors qu’une deuxième C34 était prête dans l’atelier. Avec le recul, nous n’avions pas de retour concernant la fiabilité du moteur Chevrolet. J’aurai du engager la deuxième C34 au lieu d’une C41…

Après de bons essais, nous étions bien partis en début de course et puis la pluie est arrivée. Bob était nerveux. Il trouvait que les conditions étaient vraiment dangereuses. Mario a pris son relais et il s’est avéré qu’il roulait plus rapidement que Bob dans ces conditions. C’est difficilement imaginable. Est-ce cela qui explique son accident ? Je n’en sais rien. Tout ce dont je suis sûr, c’est que s’il m’avait dit par la radio, à quel point l’impact avait été rude, nous aurions rentré la voiture directement dans le box, sans réfléchir car toute l’équipe aurait pu être mobilisée. Car nous n’avions vu qu’une image très furtive à la télé avant qu’il ne rentre aux stands. Au contraire, nous avons tenté de réparer sur la voie des stands mais avec une suspension cassé, cela prend beaucoup de temps. Nous n’aurions pas du perdre tant de temps sur cette intervention. Malgré tout, tout restait possible et nous avons pu remonter notre écart progressivement. Nous devions toujours gagner. »

Et c’est alors le changement du capot arrière qui tourne mal…

« Je me dois de revenir sur ce point précis. Effectivement, nous avons procédé à un changement de capot qui a pris trop de temps. En fait, depuis quelques heures, une personne qui se prétendait représentant de l’un de nos sponsors japonais me harcelait sans relâche. Il voulait absolument que l’on change ce capot car à son goût, il manquait un sticker Meitec. Je lui avais déjà refusé net ce changement à plusieurs reprises. Nous savions que depuis l’accident de la veille, le point d’ancrage du capot était simplement rafistolé et qu’un changement serait compliqué. J’avais donc pris sur moi de refuser ce changement et de dialoguer avec le partenaire après la course le cas échéant. Au pire, on aurait pu mettre deux coups de chiffon rapides, coller un sticker sur le capot déjà en place et relancer la voiture sans perdre de temps. En tout état de cause, il valait mieux qu’un sticker manque sur la voiture victorieuse plutôt qu’il soit présent sur la voiture classée deuxième. Bref, je pense l’incident clos et je dois m’absenter du stand pour rejoindre le paddock. Cette personne en a alors profité pour harceler le chef de voiture et lui intimer l’ordre du changement de capot. Ce qui a été fait. Et comme nous pouvions le redouter, cela a pris trop de temps… Cette personne a commis une véritable faute mais nous n’avons pas perdu la course sur ce simple fait. La petite excursion de Mario dans l’herbe au matin a aussi arraché deux ou trois petites choses sur la voiture. »

Vous êtes tout de même revenus dans le tour de la McLaren victorieuse…

« Un souvenir incroyable ! Un peu comme ce qu’un acteur doit ressentir sur scène, j’imagine. Toute cette foule qui criait pour nous soutenir, c’était, c’était…

Mais nous n’avons pas pu remonter ce dernier tour de retard. C’est un tel regret ! Cela aurait pu changer toute la destinée de l’équipe… »