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Tico Martini : “Une petite équipe ne peut plus rivaliser contre les grosses”

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Rendre visite à Tico Martini revient à rencontrer un monument du sport automobile international. Sans lui, la monoplace actuelle ne serait certainement pas ce qu’elle est, sans oublier qu’une multitude de pilotes lui doivent beaucoup. A 80 printemps, Renato “Tico” Martini est toujours aussi passionné. Il suffit de se rendre dans son atelier pour s’en convaincre sachant que l’ULM et la musique font aussi partie de ses activités quotidiennes. Lors de notre visite chez Onroak Automotive à Magny-Cours, Tico Martini est revenu avec nous sur une partie de sa longue carrière de constructeur.

 Comment êtes-vous arrivé à Magny-Cours ?

 « Je travaillais avec Bill Knight en Angleterre où je m’occupais d’une piste de karting au début des années 60. Bill a décidé d’ouvrir une école de pilotage en France. Son fils avait fait l’école Jim Russell en Angleterre et cela lui avait plu. J’ai été recommandé par Gérard Crombac dès l’ouverture du circuit de Magny-Cours. Au départ, l’école s’est appelée Jim Russell. Nous avions acheté la méthode d’enseignement avec des Lotus 18. Je suis arrivé à Magny-Cours en 1963. A l’origine, j’étais juste venu régler un problème sur une voiture et j’y suis resté. Cela fait maintenant 52 ans que je suis là (rires). A cette époque, c’était le désert total. Il n’y avait qu’un ruban de goudron dans un champ de blé. C’est d’ailleurs une chance inouïe qu’il n’y ait eu aucun blessé grave. Bill a ensuite décidé de renouveler le parc des Lotus par des Merlin mais le changement n’a pas été concluant et j’ai donc proposé de construire une voiture. »

IMG_4060 C’est donc ainsi qu’ont été lancées les Automobiles Martini ?

 « Il y avait à l’origine six ou sept autos avec un simple arceau en guise de sécurité. C’était l’année des débuts de la Formule France qui avait des 1300 Gordini. Mes voitures étaient juste destinées à l’école de pilotage. J’avais fait une Formule 3 pour le Volant Shell. Voilà comment en lançant une petite série on se retrouve à construire plus de 1000 monoplaces (rires). Je suis en quelque sorte le seul qui ait survécu jusqu’au bout. J’ai réussi à survivre là où beaucoup ont abdiqué. Lorsque j’ai commencé, il y avait beaucoup de petits constructeurs. Une partie de mes autos étaient montées près du circuit et les châssis dans mon garage. »

 Tout s’est ensuite vite enchaîné…

 « Ma toute première voiture ressemblait fortement à un karting avec des suspensions bien particulières et un moteur de Triumph Bonneville 650. La voiture tournait à l’éthanol et elle était équipée de pneus de scooter. Je roulais contre des BRM et des Cooper F1 et j’ai gagné. Malheureusement, à la fin de saison le RAC a changé les règles. Après l’époque Formule France, il y a eu la Formule 3 puis la Formule 2 où j’ai dessiné le premier croquis en vacances sur la plage. Dès la première année, on gagne le Championnat d’Europe avec la MK16 (MK pour Martini Knight) et Jacques Laffite. On produisait beaucoup de voitures. Moi, c’était la passion et pas l’entreprenariat. »

IMG_6138 Il y a ensuite eu une association avec Hugues de Chaunac ?

 « Hugues était l’un de mes clients. Malgré mon peu de passion pour l’entreprenariat, je suis entré à 50% dans le capital d’ORECA. Hugues a dû insister pour que j’investisse. Nous nous sommes séparés lorsque ORECA est parti s’installer au Paul Ricard. Depuis, Hugues a bâti une entreprise extraordinaire. »

 La Formule 1 était déjà inaccessible à cette époque ?

 « C’est pour moi une triste expérience car nous n’avions pas de moyens avec la MK23. René Arnoux avait tout gagné à nos côtés mais après quelques GP, tout s’est arrêté. J’étais loin de me douter qu’il fallait autant de moyens. L’aventure s’est donc poursuivie en Formule 3 et Formule 2 avec de nombreux titres. On a notamment remporté le championnat de F3 avec Sébastien Bourdais en 1999. C’est un peu plus tard que Guy Ligier est arrivé dans l’échiquier. C’était au début des années 2000 et Guy était la retraite. L’idée de départ était la construction d’un 4×4 pour la route. J’ai décidé de vendre l’entreprise à Guy mais je suis resté bien actif. Finalement, la première auto a été la JS49 pour rouler en VdeV. »

IMG_4033 Jusque là, les Automobiles Martini étaient peu présentes en prototype…

 « J’ai pourtant mis en chantier un sport prototype la dernière année de la Coupe Alfa Romeo sans avoir que le championnat allait s’arrêter. Deux autos ont été fabriquées avant une transformation pour la course de côte avec un moteur BMW. Il y a eu ensuite l’épopée Spider 905 où plusieurs constructeurs étaient présents avec Orion et WR. C’était un vrai prototype avec le pilote placé au centre. »

IMG_6151 Quel est votre regard sur le sport automobile actuel ?

 « L’époque moderne a rendu le sport automobile trop professionnel. J’ai toujours adoré le côté amateur. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Une petite équipe ne peut plus rivaliser contre les grosses. Il m’est arrivé de rouler avec une Brabham que je mettais sur une remorque pour me rendre sur les circuits. Sur place, on cherchait des gens pour nous héberger. Sur la piste, nous pouvions rivaliser avec les grosses équipes. C’est juste l’évolution logique des choses. Un jour, on a vu débarquer un camion-atelier sur un circuit et l’année suivante, tout le monde en avait un. Si on arrive à contenir le coût des autos, c’est plus compliqué avec tout ce qui est autour. »

 Y a-t-il un pilote qui vous a marqué ?

 « Beaucoup sont devenus de vrais amis. Il est impossible d’en sortir un seul. Faire rouler des Jacques Laffite, François Cevert, René Arnoux, Didier Pironi ou Alain Prost, pour ne citer qu’eux, cela marque à vie… »

Un grand merci à Tico Martini pour son chaleureux accueil ainsi qu’à Christophe Profit d’avoir permis cette rencontre.

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