Blancpain GT Series

Stéphane Ratel : “On m’a pris pour un fou…”

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Il a inventé le GT1, le GT3, le mix Pro/Am, la BOP, il a remis sur pied la planète GT à un moment où personne n’y croyait, il a lancé la Blancpain Endurance Series, il a aussi mis sur pied les courses GT en ville. Donner un CV complet de Stéphane Ratel est tout bonnement impossible sans oublier quelque chose. Le fondateur de SRO Motorsports Group est de tous les combats et de toutes les campagnes depuis 20 ans. En deux décennies, Stéphane Ratel a réinventé le GT moderne pour lui donner ses lettres de noblesse. A l’aube d’une édition 2015 des 24 Heures de Spa qui va voir en découdre près de 60 GT3, le maître du GT est revenu avec nous sur ses débuts en sport automobile et sa passion du GT.

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 A quand remonte votre passion du sport automobile ?

 « Aussi étrange que cela puisse paraître, la première course que je suis allé voir, je l’ai organisée. Ce n’était pas dans les gênes de ma famille. Une fois mon permis de conduire en poche, j’ai roulé en Golf GTI avant de craquer pour une Porsche 911 SC d’occasion achetée à un certain Jacques Tropenat, aujourd’hui délégué médical FIA. Au moment de signer l’achat de la voiture, j’ai remarqué des photos de la Porsche roulant sur circuit. Quand d’autres seraient partis en courant, inquiet d’une telle utilisation de la voiture que je m’apprêtai à acquérir, j’ai demandé à Jacques de m’emmener au Club Porsche de France dont je suis devenu alors le plus jeune membre à l’âge de 19 ans. J’ai alors roulé sans la moindre ambition, juste pour le plaisir ! J’ai ensuite reçu la documentation de la Porsche 944 Cup mais je n’avais pas les moyens de faire de la course automobile. Le temps a passé, je suis parti à l’armée comme officier de renseignement dans une escadrille de l’armée de l’air puis aux Etats-Unis afin de finir mes études à San Diego » 

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 Il y avait déjà l’idée de travailler dans l’automobile…

 « En arrivant en Californie, j’ai immédiatement découvert qu’il existait un marché de voitures de sport européennes importées aux Etats-Unis quelques années plus tôt vendues à des prix de 35 à 50% moins cher qu’en Europe. C’était une petite niche mais rentable. A cette époque, j’étais étudiant et rapporter ces autos en Europe m’a permis de gagner mes premiers deniers, surtout que nous étions à la fin des années 80, époque de la bulle spéculative sur les voitures de sport et de collection. Leur prix augmentait entre l’embarquement par container à Los Angeles et le moment où j’allais les chercher à Rotterdam ou à Anvers. Mais ce qui devait arriver arriva et au début des années 90, des autos mises en vente aux enchères ne sont pas parties, la bulle a éclaté et le marché s’est effondré. Je me suis retrouvé avec beaucoup de voitures qui ne valait plus grand-chose et pas mal d’amis dont j’avais fait des clients et des clients devenus amis. L’un d’entre eux avait un carnet d’adresses encore plus beau que le mien et avec une bande de copains, nous avons eu l’idée d’un Cannonball qui irait de Paris à St Tropez via St Etienne. Il y avait une vingtaine d’autos et la plupart de mes clients du moment avaient fait le déplacement. Nous avons organisé un diner à Paris au terme duquel et à raison d’un départ toutes les cinq minutes, il fallait descendre les escaliers en courant, sauter dans sa voiture, et démarrer sur les chapeaux de roues. J’ai terminé deuxième au volant d‘une Ferrari Testarossa, arrivant sur le port de St Tropez avec 80 secondes de retard sur la Lamborghini Countach qui remportait ce concours informel. Tout le monde était emballé par cette initiative et voulait la renouveler mais l’un de mes amis m’a raisonné en me disant que c’était dangereux, pas vraiment légal et que nous ferions mieux de nous retrouver sur un circuit la prochaine fois. »

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 L’aventure en compétition a débuté avec Venturi ?

 « Le père d’un ami, séduit par l’idée de cette sortie sur circuit, m’a conseillé d’en parler aux gens de Venturi avec lesquels il était en contact et dont l’activité était en berne en cette période de crise. Je me suis rendu à Couëron pour rencontrer la sympathique équipe de Venturi. A l’époque, aucune GT n’était vraiment capable de faire du sport automobile, à l’exception de Porsche. Venturi m’a alors proposé de créer une auto spécifique pour le « Gentlemen Driver Trophy », concept nouveau et assez inédit que j’avais en tête, ayant alors compris que de nombreux amateurs suffisamment fortunés et amateurs de voitures de sport seraient prêt à faire de la course si nous leur proposions une formule clé en main avec des GT puissantes et belles.

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J’ai alors eu l’opportunité de présenter le projet à Monsieur Didier Primat, alors propriétaire de la marque Primwest et père d’Harold Primat, aujourd’hui pilote en Blancpain GT Series. Il en a accepté l’idée et crée la structure Venturi Compétition dont j’ai pris la direction. En plus de la partie organisationnelle et commerciale, j’ai été associé au développement technique de la Venturi 400 Trophy, allant jusqu’à me retrouver pilote essayeur en de nombreuses occasions. »

 Le concept a pris de suite ?

 « L’objectif initial était d’en vendre 24 en commençant la commercialisation par une présentation en janvier 1992 dans le cadre du prestigieux Palace Hôtel de St Moritz. A l’issue de ce qui fut de fait mon premier discours en public, 30 autos étaient commandées dès le premier soir. La 31ème étant vendue le lendemain matin à quelqu’un qui vivait en Israël et qui avait assisté à la présentation par hasard. Juste quelque chose d’improbable. A la même époque, l’objectif de Venturi était d’aller en Formule 1, ce qui se fit par la reprise de l’écurie Larousse, alors motorisée par Lamborghini. Une présentation conjointe Venturi Larrousse F1 et Venturi Trophy fut alors organisée au Musée de l’Auto à Pantin en présence d’un certain nombre d’hommes d’affaires et d’industriels français qui ont autant apprécié l’idée que la clientèle jeunes, jet set et internationale de St Moritz. C’est la rencontre improbable de ces deux mondes qui a créé la magie de ce « Gentleman Drivers Trophy by Cartier » ainsi nommé après qu’il ait reçu le soutien du prestigieux joaillier. C’est cette même clientèle qui a ensuite beaucoup contribué au renouveau du GT. Au final, plus de 70 Venturi Trophy ont été vendues. Un vrai carton ! »

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 Les 24 Heures du Mans étaient déjà dans le viseur ?

 « La première course a eu lieu sur le circuit Bugatti au Mans avec déjà une impressionnante grille de 55 autos. Le problème est que j’avais lancé cette nouvelle Série Internationale dont tout le monde parlait sans avoir déposé la moindre demande d’autorisation à la FFSA ou à la FIA, n’ayant alors aucune idée de la structure sportive d’un monde que je ne connaissais pas. Il a donc fallu renoncer au calendrier pan Européen initialement prévu et se recentrer sur les seuls circuits français ; étonnamment sans subir trop de désistement malgré une clientèle réunissant une vingtaine de nationalités avec chaque drapeau sur le toit des autos. Tous ont fait contre mauvaise fortune bon cœur en attendant de découvrir les grands circuits européens la saison suivante où le succès ne fit que se renforcer. En 1993, nous avons atteint jusqu’à 67 voitures au Paul Ricard et près de 60 en ouverture des 24 Heures du Mans. Nous étions deux pour tout gérer. On ne dormait que quelques heures par nuit pendant les weekends de course mais c’était un succès phénoménal. L’ACO était surprise de ce succès, surtout que notre première épreuve avait eu lieu, par un hasard de calendrier, le weekend suivant les 24 Heures du Mans 1992, triste édition ayant rassemblé l’un des plus maigres plateaux de l’histoire avec une vingtaine de voitures seulement. J’ai alors dit à l’ACO : « « si vous voulez que Le Mans redevienne Le Mans, alors il faut faire revenir les GT » Tout est alors parti de là. Pendant l’intersaison 92-93, j’ai discuté avec Alain Bertaut qui gérait la partie technique à l’ACO du nouveau règlement technique GT et tente de convaincre Venturi de construire une voiture conforme à ce nouveau règlement, ce qui ne fut pas trop difficile car pas mal de gens de chez Venturi étaient des anciens de l’aventure Rondeau et avaient une bonne connaissance des 24 Heures.

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Malheureusement, le programme F1 s’est arrêté du jour au lendemain car il coûtait trop d’argent et l’ensemble de l’activité sportive de la série s’est retrouvé sur la sellette avec l’envoi d’un nouveau représentant de l’actionnaire ayant mission de redresser les comptes de l’entreprise. J’ai bien cru que tout était terminé pour moi mais j’ai réussi à le convaincre de poursuivre le Trophy. Par contre, il n’était plus question d’aller au Mans sauf si j’arrivais à en financer le développement du programme indépendamment de Venturi. Je m’étais alors débrouillé pour vendre l’une des voitures de collection qui me restait sur les bras pour financer la construction de la voiture de développement puis vendre quatre voitures « Le Mans » pour récupérer mon investissement. Venturi a alors réussi à construire le proto de la 500 LM à temps pour la remise des prix de la saison 1992, nous avons repris le chemin du Palace Hôtel de St Moritz et vendu sept voitures dans la soirée. Le pari financier était réussi, le retour sur investissement doublé grâce à la vente d’une huitième voiture l’année suivante, mais il nous fallait maintenant engager sept voitures aux 24 Heures. Tout le monde m’a dit que c’était impossible de faire rouler sept autos aux 24 Heures du Mans, surtout avec un modèle à peine sorti de développement dirigées par un responsable de 29 ans qui n’avait jamais mis les pieds aux 24 Heures. On m’a pris pour un fou… »

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 Sauf que c’était possible…

 « Le Mans 1993 a été un vrai carton médiatique de part la présence de Christophe Dechavanne. C’était une star de la télévision. Il a fait la couverture de Télé 7 Jours et Paris Match. Toute la presse française s’y est intéressée et le public est venu en masse soutenir l’animateur vedette. Il y avait même un garde du corps à l’entrée du stand. C’était incroyable ! Nous avions 57 Venturi en ouverture des 24 Heures et 7 en course, dont 5 ont vu l’arrivée. A l’exception de la voiture de Christophe associé à Jacques Laffite qui disposait de la  structure indépendante du Jacadi Racing Team, Venturi compétition s’occupait presque directement de toutes les autres, rassemblant pilotes et budgets. Le succès était au rendez-vous mais il s’est posé ensuite un problème. Que faire des autos après Le Mans ? Où les faire rouler ? J’ai eu alors l’idée d’organiser une course en fin d’année réservée aux sept Venturi LM en invitant d’autres GT telles que Ferrari F40 et Porsche 911 3.8 RSR à se joindre à elles. Quelqu’un en a parlé à Patrick Peter qui a de suite été séduit par l’idée. Il avait déjà l’envie de recréer les 1000 km de Paris mais avec des autos modernes. On a donc organisé ensemble la première course GT qui marqua le point de départ du renouveau de la catégorie et dont l’histoire retiendra qu’elle fut remportée par le belge Michel Neugarten au volant d’une Ferrari F40. Enthousiasmé par cette première expérience, le Suisse Christian Haberthur appela Jürgen Barth, alors directeur du département compétition client de Porsche, qui sauta dans le premier avion pour venir nous rencontrer. Rendez-vous fut pris le lendemain pour déjeuner au restaurant du Club 55 à St Tropez. A l’issue du repas, l’association Barth Peter Ratel était née, et la série BPR lancée, le premier championnat d’Endurance réservé aux GT»

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 Place aussi à un championnat Lamborghini ?

 « Ayant quitté Venturi à la fin de la saison 1994 pour m’occuper du BPR et du team RFR Sport qui faisait courir une F40 LM en BPR et aux 24 Heures du Mans, j’avais gardé bon nombre de clients souhaitant se retrouver dans une série monomarque avec des voitures puissantes et prestigieuses. Après une tentative sans succès auprès de BMW pour la M3, Gérard Larousse avec lequel j’avais gardé un bon contact depuis l’aventure Venturi Larousse F1, m’emmena chez Lamborghini. La Diablo SVR est sortie en 1996 et 32 autos ont été vendues pour le nouveau « Lamborghini Supertrophy ». Personne n’avait osé faire une telle chose avec des autos équipées d’un moteur V12. Comme si le Lamborghini Supertrofeo d’aujourd’hui alignait des Aventador. La grille était tellement impressionnante que nous étions invités à rouler aux quatre coins du Monde, de Kyalami à Laguna Seca en étant même payés pour produire la série en ouverture du Grand Prix de Formule 1 à Melbourne ! »

 Beaucoup de bons souvenirs de cette époque ?

 « J’en ai énormément. Finir les 24 Heures du Mans en tant que pilote ou que team manager en fait partie. Le retour des GT au Mans est aussi une belle satisfaction tout comme piloter en voyant le soleil se lever sur le grand circuit des 24h. Plus récemment, il y a eu les courses du Championnat FIA GT à San Luis en Argentine et la première course du Championnat du Monde GT1à Abu Dhabi avec une extraordinaire grille de 24 GT1, qui rassembla six constructeurs, chacun avec deux équipes engageant deux autos. Personne n’y croyait mais nous sommes arrivés à lancer le Championnat et à le faire vivre pendant deux ans avec ces sensationnelles GT1 dont l’aspect tant sonore que visuel représente une apogée du GT contemporain. Certes, dans un environnement économique alors difficile et dans un contexte politique qui a vu le rapprochement de l’ACO et de la FIA et la création du FIA WEC, le Championnat du Monde GT1 n’a pas tenu dans le temps, malgré la tentative de continuation avec des modèles GT3 en 2012. Au final, ce fût un désastre financier qui mit SRO en bord du dépôt de bilan mais ce fût une belle aventure humaine et sportive dont je retire aujourd’hui les dividendes grâce à de nombreux contacts noués à travers le monde. »

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 On a tendance à oublier qu’il y a eu une relation assez étroite avec l’ACO…

 « Mes relations ont toujours été assez compliquées mais finalement cordiales avec l’ACO. J’ai contribué au retour des GT au Mans. En 1995, 80% du plateau était composé d’équipes du BPR. En 1999, j’ai également eu en charge l’organisation des deux manches européennes de l’ALMS avec Don Panoz et j’ai directement contribué au lancement de la série Le Mans dont je fus actionnaire avec Martin Birrane, Patrick Peter, Don Panoz et l’ACO de sa création en 2004 jusqu’à son évolution en International Le Mans Cup en 2011»

 Un regret ?

 « Le décès de Martin Bartek. C’est le drame de ma vie professionnelle. Sa disparition m’a beaucoup touché. C’était quelqu’un qui avait une passion débordante. »

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