Rester inactif une journée par an relève du domaine de l’impossible pour Romain Dumas. Alors que le pilote officiel Porsche pourrait passer une intersaison tranquille au coin du feu, on va le retrouver au départ du Dakar sur un Buggy avant le Rallye de Monte Carlo sur sa Porsche 911 GT3 RS 4.0 « RGT ». Entre le développement de Romain Dumas Rallye et son programme en Championnat du Monde d’Endurance de la FIA sur une Porsche 919 Hybrid, l’Alésien a connu une année 2014 bien remplie et celle qui arrive ne s’annonce guère plus calme. Lors d’une séance d’essais avec les Porsche de son équipe, Romain est revenu avec nous sur la saison écoulée mais aussi sur ses débuts chez le constructeur allemand et ses escapades hors Endurance…
La saison 2014 de Porsche Team a été positive ?
« Elle est supérieure aux attentes. Tout juste avant le Prologue, nous avions bouclé trois journées et trois nuits d’essais pour un total de 3500 km couverts durant ces 72 heures. Dans la foulée, le Prologue s’est transformé en conte de fée avec le meilleur temps malgré quelques pépins mineurs. La base du souci était les vibrations. Nous sommes allés de bonne surprise en bonne surprise avec une deuxième ligne pour l’ouverture du championnat à Silverstone. On s’est alors dit que les autres allaient accélérer mais la compétitivité de nos 919 Hybrid étaient bien là. A Austin et au Mans, on peut dire que l’on a mené avec un brin de chance. A Spa, nous étions dans le coup à la régulière. »
« Nos concurrents ont eu des problèmes, ce qui est tout de même assez rare. Comme beaucoup, on peut se dire qu’au bout du compte, c’est Audi qui gagne. Audi n’a pas pris de risque sur son modèle 2014 et cela a payé au Mans. Les gens étaient persuadés qu’on allait gagner Le Mans. Porsche a une telle image dans la Sarthe que personne ne peut comprendre que ça ne peut pas gagner à tous les coups. Pour Porsche, l’année est superbe et surprenante. Depuis Le Mans, l’auto a évolué et on a pu voir que sur la seconde partie de saison, les deux Porsche ont systématiquement été dans le coup. »
La victoire à Sao Paulo a été une délivrance ?
« J’avais l’impression d’être revenu en ALMS. On s’est battu sur 6 heures comme on se battait sur 2h45. Il n’y avait aucune notion d’endurance. C’est un peu le cas depuis 2008. Pour en revenir au Mans, si tu crèves à la Dunlop, tu peux dire adieu à la victoire. Par chance, on a un système hybride performant. La victoire à Sao Paulo a eu un effet important même si l’accident de Mark a coupé un peu l’ambiance. Au fil de la saison, Porsche a cru de plus en plus à une victoire. Entre Le Mans et Sao Paulo, Buemi/Davidson ont marqué 86 points et nous 84. Le Mans nous a permis de beaucoup apprendre. »
Le staff qui s’occupe des 919 Hybrid est important ?
« Le nombre de personnes qui s’investit chaque jour est supérieur à 200 personnes. On en retrouve seulement une dizaine qui étaient là du temps de la RS Spyder. Ce sont tous de gros travailleurs, le tout dans une ambiance surprenante. J’ai connu cela chez Penske, mais avec un total de 40 personnes. La plupart du personnel arrive de la Formule 1 et du DTM. Ils sont bluffants et ne s’arrêtent jamais. Rouler pour Porsche rend heureux. »
C’est maintenant une famille pour toi ?
« J’ai roulé pour la première fois en 2001 dans le championnat Le Mans Endurance Series avec Le Mans chez Freisinger Motorsport. Ensuite, tout s’est vite enchaîné avec Daytona, Petit Le Mans, Spa et quelques piges en FIA-GT. Fin 2002, Herbert Ampferer (en charge du Motorsport chez Porsche) est venu me voir pour me proposer un deal qui comprenait la Porsche Carrea Cup Deutschland, Petit Le Mans et Spa. Ampferer m’a dit : « si tu veux rentrer un jour chez Porsche, il faut que tu disputes la Cup allemande. » Il a ensuite rajouté : « si tu gagnes, je te fais un contrat dans le championnat que tu souhaites. » Résultat, j’ai gagné à Hockenheim dès le premier meeting (rire). Il y a eu ensuite la période RS Spyder qui pour moi reste une période inoubliable avec la victoire au général à Mid-Ohio, puis le titre en 2007 et la victoire à Sebring. »
Il y a ensuite eu un creux…
« Fin 2008, la crise est arrivée et Porsche souhaitait garder Penske dans son giron. J’ai donc poursuivi avec eux en Daytona Prototype mais Porsche s’est lassé. J’arrivais en fin de contrat et j’ai reçu une offre de Peugeot pour piloter la troisième auto aux 24 Heures du Mans. Pour moi, le timing était parfait. Hartmut Kristen (en charge de Porsche Motorsport à cette époque) me propose de disputer les 24 Heures de Daytona sur une DP et je demande en échange Le Mans chez Peugeot. J’en parle à Wolfgang Dürheimer qui refuse. Dommage car cette année-là, c’est cette 908 qui s’est imposée au Mans. VW Group reprend ensuite Porsche et je me retrouve chez Audi. Et là je gagne Le Mans. En 2011, je suis informé du programme LM P1 et fin 2014 la 919 Hybrid gagne sa première course. »
On sent la même passion pour ton team de rallye et tes autres expériences…
« J’ai de la chance mais elle n’arrive pas toute seule. Piloter toutes ces autos ne s’est pas fait du jour au lendemain. C’est une obligation de faire les choses du mieux possible dans le team. Nous ne sommes pas un constructeur et nous avons des moyens limités. Cependant, les résultats nous animent. J’ai le souvenir Jean-Pierre Malcher qui disait « le plaisir est lié aux résultats. » Je passe autant de temps que possible au sein de l’équipe. »
Pikes Peak restera aussi un grand moment ?
« Ne serait-ce que pour toute l’équipe, la réponse est oui. Nous avons perdu il y a deux ans pour 0.2s. Selon moi, cette 911 GT3-R est la plus belle GT3-R jamais construite. Après l’arrivée, j’étais écoeuré et même catastrophé. Je me suis alors dit que plus jamais je ne reviendrais. Puis, avant Noël, je me suis dit qu’il fallait y aller. Je souhaitais opter pour une Champ Car avec une bulle que l’on retrouve sur les bateaux, mais l’auto a été refusée. Il fallait donc trouver un autre modèle. J’avais établi une liste avec les plus et les moins. Le temps était compté…
« Je me rendais sur une séance d’essais à Lurcy-Lévis et je m’arrête prendre du carburant sur l’autoroute à deux heures du matin. Il me semble reconnaître la silhouette de l’homme qui prenait du carburant à la pompe voisine. C’était Norbert Santos. On se connaissait depuis bien longtemps même si on s’était perdu de vue. La Norma faisait partie de ma liste. Je voulais l’appeler pour Pikes Peak et lui voulait aussi m’appeler. Bref, une rencontre qui a satisfait tout le monde. Le problème est que nous étions en avril. Mettre le compresseur dans la Norma a été un peu galère en un laps de temps aussi court. Malgré un deuxième temps en essais, la course a été un calvaire. Deux participations, deux déconvenues. J’ai alors décidé de m’occuper de toute la préparation. L’idée était de mettre un moteur Porsche mais cela ne s’est pas fait. Fin février, toujours pas de moteur. On s’est donc tourné vers le moteur utilisé en 2013. Lors du premier essai sur le banc, 530 chevaux. Il a fallu l’installer, là aussi dans un temps minimum. Tout s’est fait en interne sans le moindre problème. La victoire a été une belle satisfaction. Pour faire tomber le record, il faut une quatre roues motrices. Pikes Peak, c’est le Nürburgring en prototype. »
La partie Romain Dumas Rallye se développe bien ?
« Romain Joffroy gère la partie ancienne car il connaît parfaitement ce genre d’autos. Le circuit est mon métier, mon équipe est plus de l’amusement même si tout est fait avec sérieux. Mes parents sont d’une aide précieuse. L’activité se développe petit à petit, notamment le label « RD Limited » qui propose plusieurs types de pièces. Les amortisseurs sont développés en collaboration avec PKM Consulting, les plaquettes de freins avec Endless et les arceaux avec Matter. Cela a demandé du temps de structurer l’équipe. Nous proposons des produits spécifiques aux Porsche présentes en rallye. Les versions 996 et 997 sont au catalogue mais nous avons montré que nous sommes aussi capables de gagner en VHC avec la Porsche 911 SC Gr4. »
« (rires). Là, je ne sais pas trop où je mets les pieds mais cette épreuve m’a toujours attiré. La rencontre avec Mécénat Chirurgie Cardiaque durant les 24 Heures du Mans a été enrichissante et nous avons décidé de relever le défi ensemble. Rouler pour une démarche associative est important pour moi. Cette idée me plaît. Maintenant, il n’y a plus qu’à… »
Les 24 Heures du Nürburgring seront au menu en 2015 ?
« A mon grand désespoir, non. Je vais me concentrer sur le programme LM P1 jusqu’aux 24 Heures du Mans. C’est pourquoi il n’y aura plus de rallye non plus après la fin janvier. »