Sur le papier, Porsche Team était favori mais Le Mans reste Le Mans. Les qualifications avaient donné le ton avec des 919 Hybrid 1 – 2 – 3 sur la grille de départ. On savait que ce serait dur pour Audi, compliqué pour Toyota et impossible pour Nissan. Porsche n’a pas tremblé avec un doublé des 919 Hybrid équipées d’un moteur 4 cylindres avec une hiérarchie établie en essais respectée à la lettre en course même si peu d’observateurs attendaient un succès de la #19 de Earl Bamber, Nick Tandy et Nico Hülkenberg. Pourtant, les “jeunots” ont donné un 17ème succès pour Porsche au Mans, 17 ans après le dernier. Va-t-on assister à une mainmise de Porsche dans le futur comme on a assisté à une nette domination d’Audi durant plus d’une décennie ? Rien n’est moins sûr même si Porsche a mis la barre assez haute en termes de développement, de moyens humains et financiers.

Plusieurs pilotes des trois camps nous avaient prévenu avant le départ avec un dialogue à l’unisson : “on va assister à un sprint et il va y avoir de la casse.” Le sprint a bien eu lieu mais pas la casse. Huit LM P1 hybrides (on fait l’impasse sur Nissan) au départ et huit à l’arrivée. Toutes les Audi sont pourtant allées plus vite que les Porsche mais les 919 Hybrid l’ont emporté, la faute aux petits soucis des Audi. Seule la #18 de Romain Dumas, Marc Lieb et Neel Jani (le poleman) a été retardée par des soucis de freins occasionnant deux sorties, sans oublier une crevaison, d’où la 5ème place finale à 4 tours. Marc Lieb aurait même pu tout perdre dans un accrochage impliquant plusieurs autos dès le samedi en fin d’après-midi. Sur la #17 de Bernhard/Webber/Hartley, c’est une pénalité d’une minute pour dépassement sous drapeau jaune qui a anéanti tout espoir de victoire. On a eu beau quadrupler les relais (pneus et pilotes), le retard n’a pas été rattrapé. L’équipage victorieux a pourtant lui aussi connu quelques alertes tout en étant chanceux lors des neutralisations. Au petit matin, on a profité d’un safety-car pour changer l’arrière de la #19 et l’utilisation des zones neutralisées a bien aidé. Le trio remporte les 24 Heures du Mans pour la première fois avec un pilote de F1 en exercice. “Challenge accepté” pouvait-on lire sur les tee-shirts d’une équipe Porsche aux anges.

Dr Wolfgang Ullrich : “Ce n’était pas notre course”

“On s’est battu comme des fous jusqu’au bout mais on ne peut pas gagner chaque année” confiait un Benoît Tréluyer tout de même heureux de monter une nouvelle fois sur le podium même si c’était sur la dernière marche. La température chaude du samedi a permis aux Audi de semer le trouble chez le cousin allemand. Dès le 1er tour, on s’est dit que les Audi en avaient sous la pédale mais finalement il aura été compliqué d’aller chercher les Porsche à la régulière malgré un Dédé Lotterer flamboyant. La #9 de Rast/Bonanomi/Albuquerque avait un bon coup à jouer jusqu’en fin de matinée, mais c’était sans compter sur un système hybride défaillant occasionnant une réparation longue de 17 minutes. Guère plus de chance pour les deux autres R18 e-tron quattro. La #8 de Duval/Jarvis/di Grassi a perdu 4 minutes sur un accident qui aurait pu avoir des conséquences bien plus graves. Quant à la #7 de Tréluyer/Lotterer/Fässler, elle a été retardée par une crevaison puis un pépin de capot moteur lui faisant perdre deux tours. André Lotterrer aura la satisfaction d’avoir été le plus vite sur un tour en établissant un nouveau record en 3.17.475.

Rupert Stadler, président du conseil d’administration d’Audi AG, a été l’un des premiers à venir féliciter la concurrence. “Nous avons vu du sport automobile de haut niveau” a déclaré Stadler. “Les spectateurs ont assisté à une course d’endurance extraordinaire dans lequel les deux soeurs du groupe, Audi et Porsche, ont combattu pour sortir vainqueur d’un duel passionnant. Nous ne pouvons que féliciter nos collègues de Stuttgart pour ce succès parce que nous savons exactement comment il est difficile de gagner cette course.”

“C’était impressionnant de voir que Audi et Porsche aient pu être au même niveau durant toute la course avec deux concepts totalement différents” a indiqué le Pr Ulrich Hackenberg, membre du conseil d’administration d’Audi. “Les deux marques du groupe avec des concepts différents étaient clairement plus rapides que la technologie déployée par Toyota. C’est exactement ce que nous voulons montrer en FIA WEC et au Mans.”

En passant de Neuburg à Weissach, le trophée des 24 Heures du Mans reste dans la même famille mais le Dr Wolfgang Ullrich ne repart pas du Mans avec un 14ème succès : “Que notre Audi R18 e-tron quattro ait été compétitive est positif. Malheureusement, chacune de nos trois voitures ont connu un incident crucial. Et lorsque l’on affronte un rival aussi fort que Porsche, on ne peut pas se le permettre. Evidemment, nous sommes déçus mais dans le sport il faut accepter la défaite. Ce n’était tout simplement pas notre course.”

Toyota Gazoo Racing déjà tourné vers 2016…

On a dit qu’elles avaient caché leur jeu et qu’elles pourraient suivre le train d’Audi et Porsche, mais à aucun moment les TS040 HYBRID ont pu faire la course en tête. Les deux Toyota ont rallié l’arrivée mais à 8 et 9 tours. Le point positif est qu’elles ont été fiables mais cela n’a pas suffi. Aucun pépin mécanique à noter. La seule alerte a été un contact d’Anthony Davidson sur la #1 avec une GT, lui faisant perdre 13 minutes. Pourtant, les essais d’intersaison avaient montré que le Toyota Gazoo Racing était dans la bonne direction sauf que quand Toyota a gagné 2s, les autres en ont gagné 5. Il va donc falloir travailler pour combler le handicap sur la deuxième partie de saison, mais le titre mondial va être dur à garder. Toshio Sato et ses troupes travaillent déjà pour 2016 avec une nouvelle auto en préparation dont il se dit que le moteur sera revu de fond en comble.

Mission accomplie pour Nissan au Mans…

Ce n’est pas nous qui le disons mais bien le titre du communiqué de presse envoyé par NISMO à l’issue des 24 Heures du Mans. Nissan voulait mettre une fessée à la concurrence avec sa traction, ses deux roues motrices et son look atypique. Au fil que l’échéance mancelle se rapprochait, le discours a fondamentalement changé chez Darren Cox et Ben Bowlby même si les deux croient dur comme fer au concept. Sur les trois GT-R LM NISMO au départ, une seule a vu le damier (non classée). De victoire, on est passé à voir l’arrivée. Les LM P1 ont été retardées par de nombreux soucis de jeunesse : portière ouverte, perte d’une roue, embrayage, boîte de vitesses, freins, etc… Les Nissan ont joué entre elles. Harry Tincknell, Michael Krumm et Olivier Pla ont été les plus rapides en piste, si bien qu’on ne comprend toujours pas pourquoi le tandem Cox/Bowlby les a séparés. Pour la fessée, il va falloir attendre 2016, mais surtout travailler. Les simulations n’ont pas donné le résultat escompté en termes de temps au tour surtout qu’il a fallu repêcher les trois autos à l’issue des qualifications. Reste maintenant à savoir quelle décision va prendre Nissan pour la suite de la saison.

Rebellion Racing au rendez-vous, ByKolles rate le coche…

En faisant débuter au Mans ses R-One équipées du moteur AER au Mans, Rebellion Racing ne pouvait guère espérer rééditer sa 4ème place de 2014. Il fallait donc rouler pour emmagasiner de l’expérience en vue de la seconde partie de saison. La transmission a joué des tours à la #12 et la #13 a été prise dans un accrochage, mais les deux LM P1 non hybrides ont vu l’arrivée, ce qui en soit est déjà une victoire vu le manque de kilomètres bouclés avant la Journée Test. La Rebellion R-One a fait preuve d’une belle fiabilité même si l’écart avec les hybrides est bien trop important pour faire un bon résultat au général. On va maintenant attendre de voir ce que le législateur va décider du point de vue réglementaire. La CLM P1/01 du ByKolles Racing a terminé non classée à 135 tours de la Porsche victorieuse.

Avec cette 17ème victoire de Porsche au Mans, le score entre les deux marques passe à 17-13…

Au championnat, Tréluyer/Lotterer/Fässler comptent 80 points, contre 60 à Tandy, 58 à Hülkenberg et Bamber. Lieb/Jani/Dumas sont à 1 point. Porsche prend l’avantage au classement Constructeurs avec 140 points. Audi en compte 124, Toyota 71 et Nissan 0.

Prochaine échéance au Nürburgring fin août…