Le Mans

Pierre Dieudonné : “On sort de deux décennies d’obscurantisme sur le plan technique”

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Fort d’un beau palmarès en peu de temps, le Belgian Audi Club Team WRT a noué des relations privilégiées avec Audi. Depuis sa création, le team de Vincent Vosse, René Verbist et Yves Weerts joue les premiers rôles dans tous les championnats où il est présent. Pourtant, on ne peut pas dire que les Belges atomisent la concurrence, si bien que c’est souvent l’équipe technique et les pilotes qui font la différence. Malmenées l’année passée, les Audi R8 LMS ultra sont à la peine sur cette première moitié de saison, en proie à un manque de vitesse de pointe, et pas seulement celles de WRT. Avant la grande échéance des 24 Heures de Spa, nous avons fait le point avec Pierre Dieudonné (directeur sportif) sur le team, le futur, les relations avec Audi, mais aussi et surtout sur son point de vue de l’Endurance actuelle.

img_1107 Quel est le bilan du Belgian Audi Club Team WRT avant d’affronter les 24 Heures de Spa ?

 « Nous avions trois Audi en Blancpain Endurance Series l’année passée et à nouveau trois cette année. En termes de structure d’équipe, un nouveau pas a été franchi cette année avec à nouveau trois autos et parfois quatre comme le week-end dernier en Blancpain Endurance au Paul Ricard. Cela demande un gros travail d’organisation et de préparation en amont sachant qu’il faut combiner avec la Blancpain Sprint Series. Il faut plus de personnel et mettre en place une organisation encore plus rigoureuse. Sur le terrain, l’équipe est scindée en deux avec Thierry Tassin qui est mon alter ego. En Sprint, nous avons en plus la maintenance de l’Audi du G-Drive Racing. »

img_2815 Et sur le plan sportif ?

 « Depuis le début du championnat, on ne peut pas dire que les statistiques plaident en faveur des Audi R8 LMS. Il y a eu deux victoires aux 24 Heures de Spa, une sur les autres meetings Blancpain Endurance Series. C’est guère mieux pour les pole avec seulement Albuquerque à Navarra en 2011. Le constat est le même pour les meilleurs tours en course. Nos pilotes font ce qu’ils peuvent pour faire la différence mais cela ne suffit pas. Les Audi manquent clairement de vitesse de pointe, comme c’était déjà le cas en 2013. L’équipe est bonne au niveau des ravitaillements et des équipages. On ne peut absolument pas dire que les Audi aient été avantagées à un quelconque moment.

 En Blancpain Endurance Series, nous ne sommes clairement pas dans le coup en performance pure. A aucun moment, nous n’avons pu jouer les premières places. McLaren et Bentley sont bien mieux que les Audi. Pourtant, nous avons ce qu’il faut. L’équipe est reconnue et solide. »

img_3173 Maintenant que WRT maîtrise parfaitement son sujet en GT3, à quand l’étape supplémentaire ?

 « Quelle pourrait être l’étape ? Le LM P1-H ? Cela demande beaucoup trop de moyens pour une équipe privée. Il faut garder les pieds sur terre. Il est clair que l’on a une histoire avec Audi depuis nos débuts. Il n’y a pas d’Audi R8 GTE donc la réponse est claire. La seule solution serait le DTM mais je ne pense pas que cela fasse partie des plans. »

 Quel est ton avis sur la convergence GT ?

 « On peut dire pour le moment que cette convergence est un échec car tout le monde campe sur ses positions. Le GTE se maintient tout comme le GT3. Comme toujours, il y a des conflits d’intérêts et surtout un conflit philosophique. Lorsque Stéphane Ratel a inventé le concept du GT3 tout en défendant le GT1, il y a eu une forte opposition des constructeurs pour la catégorie GT3 qui n’avait pas de règlement technique. A l’époque, Ferrari et Porsche ne voulaient absolument pas entendre parler de Balance de Performance. Malgré cela, la catégorie GT3 s’est imposée d’elle-même et c’est un succès incontestable. Aujourd’hui, la catégorie GT3 a pris la place des voitures de tourisme des années 70/80 où le GT n’existait plus. A la fin des années 80, la FIA a mis en place une limite de cylindrée qui a tué les championnats de tourisme. Stéphane Ratel a fait le succès du GT avec une grande variété de marques. On vit une période très intéressante. Tout le monde peut s’identifier aux autos. »

pe_9313 Quel regard portes-tu sur la catégorie LM P1 ?

 « L’ACO a fait un travail extraordinaire. Ils ont compris ce qu’il fallait faire et le font extrêmement bien. Pour preuve, les constructeurs affluent de plus en plus. Il y a pour eux une vraie cohérence par rapport à la vente des autos de route, ce qui reste avant tout le métier de base des marques. Les constructeurs ont compris l’investissement. Maintenant, nous sommes sortis du Moyen-Âge. La FIA a tordu le coup du Groupe C en voulant combiner les technologies F1 et Endurance. Il n’y avait aucune cohérence en partant dans des histoires de brides où il n’y avait pas le moindre intérêt technique.

 La catégorie LM P1 se doit de montrer le futur et nous sortons de deux décennies d’obscurantisme sur le plan technique. Le seul reproche que l’on peut faire est que c’est assez compliqué à comprendre. Il y a eu de gros efforts didactiques avec les films mis en place par l’ACO. C’est remarquable d’avoir abordé la chose pour aller vers le grand public. Il faut expliquer le pourquoi du comment. Au Mans, personne n’a parlé de 2MJ, 4MJ, 6MJ ou 8MJ. A quelques heures de l’arrivée, Porsche était en tête, Toyota a eu sa chance et Audi a gagné. Chacun a pensé avoir fait le choix le plus audacieux. Ce nouveau règlement est fort intéressant pour les ingénieurs avec une fenêtre technologique assez large. Cela rend au sport automobile et au Mans son rôle de banc d’essais. On ne peut plus justifier de dépenser autant pour le simple plaisir. Maintenant, on peut le justifier en ouvrant la voie à des solutions en adéquation avec les préoccupations futures. »

juliesueur_lm2014_course_043 Selon toi, la Nissan ZEOD RC est un échec ?

 « Il est vrai qu’elle n’a pas bouclé beaucoup de tours en course. Malgré cela, je suis impressionné de voir qu’une auto propulsée à l’électricité puisse atteindre 300 km/h sur un circuit long de plus de 13 km à une bonne vitesse moyenne. La voiture de course électrique est bien une réalité. »

 Avoir trois autos au Mans est inévitable pour l’emporter ?

 « C’est indispensable. On l’a vu avec Audi. On peut vite perdre une auto suite à un accident, une autre sur problème mécanique. Malgré cela, Porsche était en tête à quelques heures de l’arrivée. On doit leur tirer un grand coup de chapeau. Tout le monde disait que pour briller au Mans il fallait l’avoir fait au moins une fois et Porsche a prouvé le contraire. Comme quoi les outils de simulation collent à la réalité. Lorsque Ford a débarqué au Mans à la fin des années 60 avec des autos sorties des avions en provenance des Etats-Unis, ils se sont cassés les dents. Il faut avoir une vraie expertise du Mans comme peut l’avoir Audi. Chez Porsche, une partie du personnel arrive de la Formule 1 mais il semble que le transfert à l’Endurance a vite été compris. »

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