Cette semaine est celle des contrastes en Formule 1. Alors que Max Verstappen est confirmé pour 2015 chez Toro Rosso à moins de 17 ans, André Lotterer va faire ses débuts dans la discipline reine à près de 33 ans, ce qui fera du “Belge” le 5ème pilote le plus âgé du plateau derrière Raikkonen, Button, Massa et Alonso. Certains se demandent ce que vient faire le pilote Audi dans une Caterham habituée à rouler en queue de peloton, d’autres lui souhaitent bon courage pour cette opportunité unique.
Il faut remettre les choses dans leur contexte : vous êtes pilote professionnel, une star au Japon où vous avez tout gagné, pilote Audi en Endurance, Champion du Monde FIA WEC et triple vainqueur des 24 Heures du Mans. On vous donne la possibilité de piloter en course une Formule 1, qui plus est sur votre circuit, alors que que jusque-là vous n’aviez tutoyé la F1 qu’en tant que pilote d’essai Jaguar il y a plus de dix ans. Vous faites quoi ? Tous les pilotes rêvent ou ont rêvé de Formule 1. Entre LM P1, GT500 et Super Formula, André Lotterer a le bagage technique pour ce one-shot. On ne va pas lui demander de gagner la course dimanche mais bien de faire son maximum, ce qui n’en doutons pas sera fait. Alors Go Dédé !
On ne compte plus les pilotes qui sont restés aux portes de la Formule 1. Quelques-uns ont pu rouler en essais, d’autres ne sont même pas allés jusque-là. Si Stéphane Sarrazin, Franck Montagny et Sébastien Bourdais ont réussi, Nicolas Minassian, Christophe Bouchut et Soheil Ayari sont restés à quai. On ne comprend toujours pas pourquoi Romain Dumas et Manu Collard n’ont pas percé alors que le talent était là. Enfin si, on comprend pourquoi car la raison est d’ordre financière et politique. L’Endurance a permis à tous ces pilotes de s’exprimer pleinement puisque ceux cités précédemment ont un palmarès long comme le bras (et même les deux). La génération suivante n’a pas été épargnée non plus. On citera Tristan Gommendy, Guillaume Moreau, Julien Jousse, Franck Mailleux, Yann Clairay ou Jean-Karl Vernay. Tous ont espéré mais là aussi les finances en ont décidé autrement.
L’Endurance était encore il y a quelques années un plan B ou une maison de retraite dorée pour les “anciens” de la F1, mais les temps ont bien changé, notamment depuis l’arrivée du FIA WEC. Croyez-vous que Nick Heidfeld aille rouler à reculons ? Certainement que non. Même avec 9 victoires et 215 départs en F1, croyez-vous que Mark Webber soit le plus rapide des pilotes Porsche ? Certainement que non. Si l’avenir de Jean-Eric Vergne devait être bouché en F1, croyez-vous qu’il rechignera à aller en Endurance ? Certainement que non. Il y a une vie après la F1 mais il y a aussi une vie sans F1.
Retour sur le destin de huit pilotes français qui ont touché de près la Formule 1 et qui ont su rebondir en Endurance de la meilleure des façons (liste non exhaustive).
Jonathan Cochet : Sacré Champion de France de Formule Renault à 20 ans, l’Alençonnais passe dans la foulée en Formule 3 où il devient vice-champion dès sa deuxième année avant de rafler la couronne en 2000 avec le team Signature de Philippe Sinault où il s’impose à Pau et Zandvoort. Il passe ensuite en F3000 tout en effectuant ses premiers pas en F1 chez Prost Grand Prix. Jon est tout proche de rouler en course en 2002 mais ses espoirs de titularisation s’envolent lorsque Prost Grand Prix est liquidé. Malgré quelques courses en Nissan World Series et Formula Nippon avec de belles performances à la clé, il réoriente sa carrière en Endurance, notamment chez Courage Compétition, où il a fait preuve d’une très belle pointe de vitesse, sans oublier de belles perf en GRAND-AM.
2014 : Lamborghini Blancpain Super Trofeo.
Franck Perera : Le natif de Montpellier avait tous les ingrédients pour briller en Formule 1. Champion du Monde de karting Formule A en 1999 et Vice-Champion du Monde Super A l’année suivante, Toyota le repère et le fait signer sur le long terme en vue de le préparer pour la Formule 1. Titré en 2003 chez Prema Powerteam en F3 italienne, il accède à la F3 Euroseries avec un matériel inférieur à la concurrence. Il termine 4ème en 2005, tout en effectuant des essais pour Toyota F1. Malheureusement pour lui, sa saison GP2 en demi-teinte chez DAMS en 2006 lui ferme les portes de la F1 et c’est du côté des Etats-Unis qu’il rebondit avec la Champ Car Atlantic où il se classe 2ème du championnat avant de passer chez Conquest Racing, l’année où le Champ Car disparaît. Il réalise ensuite de belles performances en Superleague avant de prendre un peu de recul pour revenir aux affaires chez Philippe Almeras.
2014 : European Le Mans Series et Blancpain Endurance Series avec Pro GT by Almeras
Simon Pagenaud : Le Poitevin est peut-être le futur Lotterer dans le sens où on parle de lui pour piloter la Formule 1 développée par Honda, du moins en essais. A tout juste 30 ans, Simon a vu sa carrière relancée de l’autre côté de l’Atlantique après avoir brillé en 2001 avec une place de vice-champion en Formule Campus avant de gravir les échelons jusqu’à la Formule Renault Eurocup où il devient vice-champion en 2004 derrière Scott Speed. Sans aucun débouché en Europe à l’issue d’une saison de World Series by Renault, Simon tente sa chance aux Etats-Unis où il rejoint la Formule Atlantic avec un titre à la clé dès sa première saison. Avec 2 millions de dollars en poche, direction le Champ Car en 2007 où il termine à une honorable 8ème place. L’IndyCar Series se refuse à lui par manque de moyens du Team Australia et c’est Gil de Ferran qui lui donne sa chance en ALMS où il se montre rapidement comme l’un des ténors du championnat. Peugeot l’enrôle dans le programme 908 avec là aussi des performances de tout premier ordre. Champion ALMS en 2010, l’Amérique a découvert un pilote rapide, fiable et toujours disponible, si bien qu’il arrive en IndyCar en 2011 avec trois courses au programme. Depuis, c’est un peu la Pagenaud mania aux US avec trois victoires au compteur avec le titre en ligne de mire cette saison.
2014 : Indy Car Series avec Sam Schmidt Peterson et quelques piges en Tudor United SportsCar Championship
Loïc Duval : Pilote Audi en Endurance depuis 2012, le natif de Chartres avait lui aussi tout pour réussir en Formule 1 et faire partie à coup sûr du haut de tableau. Dès ses débuts en compétition, il décroche le titre Formule Campus en 2002 avant de passer en Formule Renault 2.0 où il met une nouvelle fois tout le monde d’accord. En intégrant les rangs de la Formule 3 Euroseries avec le soutien du Renault Driver Development chez Signature, il voit la F1 se rapprocher de lui, mais comme beaucoup de ses compatriotes, Loïc ne peut poursuivre sa carrière en Europe à haut niveau et part s’exiler au Japon dès 2006 en rejoignant les rangs de la Formula Nippon dont il devient vite l’une des vedettes. Avec deux succès dès la première saison, Loïc devient vite incontournable et remporte le titre en 2009 avant de rafler la couronne SUPER GT l’année suivante. On le retrouve en 2008 aux 24 Heures du Mans où il fait déjà des étincelles avant la suite que l’on connaît avec un titre mondial et une victoire au Mans.
2014 : FIA WEC avec Audi et Super Formula avec Toyota Team LeMans
Benoît Tréluyer : Véritable touche-à-tout, l’Alençonnais a un peu le même profil que son compère et ami Loïc Duval. Formule Campus, Formule Renault puis Formule 3 chez Signature en 1998 avec une victoire à Pau devant les meilleurs spécialistes européens, mais ses performances ne lui permettent pas de passer en F3000, si bien qu’il préfère l’exil au pays du Soleil Levant dès 2000. Titré en Japan F3 en 2001 avec la bagatelle de 15 victoires et 13 pole, Ben devient vite une vraie star au Japon : vice-champion de Formula Nippon en 2003, 2007 et 2009, puis champion en 2006 au sein du réputé Team Impul. Les portes du SUPER GT se sont vite ouvertes avec là-aussi un titre à la clé (2008). Audi prend conscience de son talent et le prend dans ses rangs en 2010 avec une 2ème place au Mans, avant trois victoires dans la classique mancelle.
2014 : FIA WEC avec Audi et un tas d’activités sur deux roues
Nicolas Lapierre : Entre LSP, Tech 1 et Graff, le Haut-Savoyard a fait parler la poudre en Formule Renault avec une place de vice-champion européen. En fin dénicheur de talents, Philippe Sinault le repère et le fait rouler dans le tout nouveau championnat F3 Euroseries en 2003. A seulement 19 ans, il devient le plus jeune vainqueur de la Coupe du Monde F3 que se déroule à Macao. Troisième en F3 Euroseries l’année suivante, il fait des essais en Formule 3000 chez Arden, le team champion en titre. Place ensuite à trois belles saisons de GP2, deux chez Arden, une chez DAMS. Cependant la F1 se refuse à lui et trouve refuge en Endurance, d’abord chez ORECA où il s’est vite affirmé comme l’un des pilotes de pointe, puis chez Toyota Racing avec deux victoires en trois courses cette saison.
2014 : FIA WEC avec le Toyota Racing et quelques piges en Blancpain Endurance Series chez ART Grand Prix
Olivier Pla : Avec un père concessionnaire Porsche, le Toulousain a baigné tout petit dans l’automobile. Lauréat du Volant Elf, il passe dans la foulée en Formule Campus qu’il boucle à la 3ème place avec quatre victoires et autant de pole. Direction ensuite la Formule 3 en 2001 avec un podium à la clé avant de rejoindre les rangs de ASM et de rafler deux victoires sans oublier la Korean F3 et une 2ème place aux Masters F3 de Zandvoort. Olivier franchit un nouveau cap en 2003 avec la F3 Euroseries où il fait jeu égal avec les Rosberg, Briscoe, Glock, Klien ou Kubica. Sa régularité lui permet de terminer 3ème du championnat mais la saison suivante, il passe en Formule Nissan où il s’impose à Estoril. Les GP2 Series arrivent en 2005 et Olivier rejoint le championnat avec la ferme intention de passer en F1. Avec deux victoires dès la 1ère année chez DPR, la seconde se passe moins bien et il trouve refuge en Porsche Carrera Cup Deutschland en 2007 tout en étant pilote de développement de la nouvelle auto de GP2. Depuis 2008, il fait les beaux jours de l’Endurance où il fait partie sans conteste des top guns de la discipline avec souhaitons-le une place de titulaire à venir chez un constructeur LM P1-H.
2014 : FIA WEC avec G-Drive Racing et TUSC avec OAK Racing
Alexandre Prémat : Né en 1982, Alex a crevé l’écran dès ses débuts en Formule Campus (2ème en 2000) avant de décrocher le titre de Formule Renault en 2002 avant de rejoindre les rangs de la F3 Euroseries l’année suivante en terminant 2ème en 2004 avec des victoires à Zandvoort et Macao. Son arrivée en GP2 chez ART Grand Prix en 2005 pour deux saisons lui permet de se mettre face à des équipiers de la trempe de Rosberg et Hamilton. En compagnie de Nico Lapierre, il rafle tout en A1 GP avec 13 victoires à eux deux sur 22 courses. Il début en Formule 1 en 2006 comme pilote du vendredi chez Midland-Toyota sans toutefois aller plus loin. Audi le prend dans ses rangs pour le prestigieux DTM où il ne tarde pas à se faire remarquer avec une auto d’ancienne génération. Le constructeur allemand en profite pour le faire rouler en Endurance où il décroche le titre ELMS en 2008. Son association avec Audi se termine avant la fin de saison DTM 2010 après un violent accident à Adria. Changement de cap en 2012 avec le V8 Supercars où il tente de se faire une place dans une discipline de spécialistes.
2014 : Blancpain Endurance Series avec ART Grand Prix et quelques piges en V8 Supercars
Ce qui est valable pour bon nombre de pilotes français l’est aussi pour les autres pays. Est-ce que ce sont réellement les 22 meilleurs pilotes du monde qui roulent en Formule 1 ? Il est clair qu’un lapin de six semaines n’y a pas sa place mais combien de pépites du sport auto sont restées aux portes de la F1, le plus souvent pour une “simple” question d’argent…