L’accident spectaculaire survenu entre la e-Dams Renault de Nicolas Prost et la Venturi de Nick Heidfeld à l’occasion du premier e-Prix de Formula E, qui s’est déroulé le 13 septembre dernier dans les rues de Pékin (Chine) auraient pu fâcher les deux hommes pour toujours. Il n’en sera rien.
Rappel des faits : il était environ 17 heures lorsque dans le dernier tour Nicolas Prost, auteur de la pôle position et qui menait la course depuis le départ, provoqua d’un coup de volant une violente sortie de piste de la monoplace de Nick Heidfeld, lequel tentait de le dépasser à seulement quelques centaines de mètres de l’arrivée. Projetée sur la gauche, puis décollant sur un vibreur, sa voiture s’est envolée avant de finir sa course de l’autre côté de la piste, arrêtée par les rails et les grillages de sécurité, puis de retomber à l’envers sur le sol, celle de Prost étant quant à elle immobilisée à quelques dizaines de mètres. Un crash qui, heureusement, n’a fait aucun blessé, mais qui a privé les deux hommes de la victoire et qui aurait pu générer quelques tensions… Mais Prost et Heidfeld sont non deux grands pilotes, qui ont de l’expérience et le sens de la compétition, mais ils sont par ailleurs très proches et coéquipiers en championnat du monde d’Endurance FIA WEC dans le team Rebellion ! Nous les avons retrouvés seulement cinq jours après l’accident de Pékin à Austin (Texas), dans le cadre des 6 Heures du Circuit des Amériques.
Nick, Nicolas comment vous êtes-vous senti au moment et juste après l’accident ?
Nick Heidfeld : “Je me souviens qu’après le premier impact, j’ai senti la voiture s’envoler alors j’ai fermé les yeux, je me suis mis dans la position que l’on doit prendre dans de telles circonstances (les bras repliés sur le corps, NDLR) et j’ai attendu que ça s’arrête. Puis j’ai ensuite vérifié que je sentais l’ensemble de mon corps, que tout était en place… j’ai rassuré le team par radio, je me suis détaché et je suis sorti de la voiture. Je me suis mis à l’abri des murs de sécurité, mais j’étais encore effrayé. Ca a vraiment été un très mauvais moment.”
Nicolas Prost : “Juste après le choc j’étais dans l’incompréhension, car au moment de l’accident j’étais complètement concentré sur mon dash (un écran situé sur le volant qui donne des indications sur la consommation et les réserves d’énergie des Formula E, NDLR) et Nick arrivait tellement vite que je ne l’ai pas vu. Tout de suite après, donc, je lui en voulais… puis en revoyant les images je me suis rendu compte que c’était de ma faute et je me suis senti mal. Il aurait pu être blessé, et Nick est en outre l’un des pilotes avec lequel je suis le plus proche… Ensuite, il y a la frustration d’avoir laissé passer la victoire, j’aurais préféré finir deuxième plutôt qu’ainsi…”
Et qu’avez-vous ressenti lorsque vous vous êtes retrouvés seuls, face à vous-mêmes, au soir de la course ?
Nick Heidfeld : “En fait, il s’est écoulé un long moment avant que je me retrouve seul, au calme… Car entre les interviews, mes diverses obligations, le dîner… Mais quand le moment est arrivé il est certain que c’était spécial… Bien sûr, c’est la course, et il y a des risques… Mais ce n’est vraiment que tard dans la soirée que j’ai réalisé que j’avais eu beaucoup de chance.”
Nicolas Prost : “C’est terrible car j’avais fait une super journée et c’est dans cette dernière ligne droite, alors que je suis concentré sur mon dash, lequel semble me communiquer des informations erronées, que tout est arrivé. Ce n’est pas pour trouver une excuse, mais c’est très frustrant car cette course j’aurais vraiment voulu la gagner. J’ai très mal dormi les deux nuits qui ont suivi.”
Nick, Nicolas, ici à Austin vous mangez ensemble, vous plaisantez ensemble, et vous roulez pour la même équipe, comme si il ne s’était rien passé. Avez-vous déjà oublié ce qui s’est passé le week-end dernier ?
Nick Heidfeld : “Il ne faut pas s’arrêter à cela. Il s’agit de sport automobile, on fait la course, tout le monde peut faire une erreur…”
Nicolas Prost : “Nick a réagit avec beaucoup d’intelligence… mais il ne faut pas oublier que ce n’est pas le contact en lui-même qui constitue le plus gros du choc, mais le vibreur qui a fait décoller la voiture. On ne s’est pas touché si fort que ça… J’ai ensuite fait mon mea culpa en direction de course, où j’ai indiqué avoir été fautif, bien que mon erreur ne soit pas volontaire. Mais je pense que nous sommes tous les deux suffisamment intelligents pour aller de l’avant.”
Nick, ne vous êtes-vous pas dit, en revoyant les images, que vous n’auriez pas du attaquer alors qu’une très belle deuxième place vous tendait les bras ?
Nick Heidfeld : “Mais non, pas du tout ! Je l’avais attaqué suffisamment tôt, il s’agit d’un endroit où les opportunités de doubler au freinage sont les plus grandes et où il y a d’ailleurs eu le plus de dépassements. Si nous avions été dans l’une des dernières courses de la saison et que le championnat était déjà joué, je serais resté derrière. Mais c’est la première course, j’avais la vitesse, l’énergie et la place. Il était normal que je tente ma chance.”
Et vous, Nicolas, pensez-vous vraiment que Nick n’avait aucune chance de prendre ce virage, comme vous l’avez déclaré après la course ?
Nicolas Prost : “Il ne faut pas confondre les réactions à chaud, et celles à froid. C’est sûr qu’il arrive vite… mais maintenant l’incident est clos et je ne veux pas en reparler. On s’est touchés et c’est tout…”
Le 22 novembre aura lieu la seconde manche du championnat de Formula E, à Putrajaya (Malaisie). Vous serez tous les deux sous haute surveillance. Comment abordez-vous cette course ?
Nick Heidfeld : “C’est dans deux mois, et j’ai la chance d’avoir un bon programme, donc je n’y ai pas encore trop pensé, même si je reste en contact régulier avec le team Venturi.”
Nicolas Prost : “J’ai déjà pensé longuement à la prochaine course, car j’aurai dix places de pénalité… Je vais tenter de refaire la pôle, prendre des points, et même si je repars onzième ou douzième je peux espérer un bon résultat. On a vu qu’il peut se passer beaucoup de choses, et ce qui est sûr c’est qu’il ne faudra rien lâcher.”