Imaginée par Stéphane Ratel, la catégorie GT3 va souffler ses dix bougies la saison prochaine et il est loin le temps où les autos étaient de « vulgaires » GT de route équipées d’un arceau pour aller se dégourdir sur circuit. Les constructeurs ont vite compris le business et tout s’est professionnalisé. En 2016, le paysage GT3 va être dans sa grande majorité renouvelée avec un plateau qui fait peau neuve chez bon nombre de constructeurs : Audi, BMW, Mercedes, Ferrari, Porsche. Lamborghini, Nissan, Bentley, Aston Martin, McLaren seront encore de la partie avec leurs modèles déjà en piste cette année. Qui dit nouveaux modèles dit également augmentation des tarifs pour la majorité des GT3 même si les constructeurs se targuent tous d’avoir diminué le coût d’exploitation. Entre ceux qui annoncent un prix de base et ceux qui proposent un prix total incluant un kit d’endurance, on finit par s’y perdre.
« L’augmentation des coûts a été importante ces deux dernières années » a déclaré Renaud Dufour, directeur technique de Bentley Team HTP, à Sportscar365. « Il y a encore trois ou quatre ans, il était possible de remporter les 24 Heures de Spa et du Nürburgring avec un budget limité, une bonne préparation en amont et un brin d’intelligence. Il n’y avait aucun budget délirant lors de notre victoire aux 24 Heures de Spa avec la Mercedes SLS AMG GT3. Cela n’est plus possible. Il faut se présenter avec des fins stratèges, avoir le ravitaillement parfait, une voiture toute neuve et des personnes supplémentaires en renfort. »
Alors que la nouvelle génération d’Audi R8 LMS est plus onéreuse d’environ 60 000 euros que la version ultra pour un prix total de 339 000 euros, la Ferrari 488 GTB GT3 devrait dépasser les 500 000 euros. De quoi freiner les ardeurs ? Pas vraiment puisque l’on sait de source sûre que des clients ont déjà signé des bons de commande sans que l’auto n’ait encore été présentée. Chez Ferrari, on estime que ce prix est dans la bonne moyenne sachant que la nouvelle GT3 de Maranello partage son châssis avec la version GTE. Mais attention, il ne sera pas question de transformer l’auto au gré des meetings pour rouler un week-end en FIA WEC et le suivant dans un championnat Blancpain.
Soucieux de l’escalade des coûts, SRO va introduire un temps minimum d’arrêt (pneus/carburant) la saison prochaine de même qu’un changement de freins dans un temps imparti aux Total 24 Heures de Spa. Renaud Dufour applaudit ces changements : « Nous avons atteint un point où le ravitaillement en carburant est devenu une priorité. Les différences entre les marques sont importantes avec des retstricteurs en fonction des autos pour équilibrer le tout, mais cela ne suffit plus. » Renaud Dufour a fait le calcul que Marc VDS Racing a été capable de faire le plein jusqu’à dix secondes plus vite que la concurrence, d’où un avantage de deux tours à Spa. « HTP a envisagé de faire une étude en CFD à l’intérieur du réservoir. Selon moi, c’est bon pour un championnat tel que le FIA WEC, mais pas pour celui-ci. Pour gagner du temps, il faut investir beaucoup de temps et d’argent. Le temps est très important pour une équipe privée parce que l’on ne peut pas laisser une voiture à l’atelier pour faire quelques tests. Il faut aller sur la piste. »
Le sentiment est le même chez Hans Reiter qui fait rouler cette saison des Gallardo R-EX : « Le GT3 devient vraiment cher et on peut voir que certains championnats ont du mal à remplir leurs grilles. La seule mesure efficace pour baisser les coûts est de ralentir les voitures de plusieurs secondes, voire de les mettre au niveau d’une Porsche Cup. »
La mise en place du concept de la Silver Cup pour les anciennes GT3 avec une BOP spécifique, un poids inférieur et moins de puissance, doit permettre de diminuer les coûts. De plus, le droit d’engagement sera réduit, le temps de ravitaillement fixe et seulement deux trains par meeting. Malgré cela, Hans Reiter reste sceptique : « Je ne pense pas que la Silver Cup va changer quoi que ce soit parce que les voitures de cette classe seront plus lentes, tandis que le reste du plateau sera devant. Ce n’est pas ce que les jeunes pilotes veulent pour se faire remarquer en GT. »
En parallèle à toutes ces mesures, SRO tente de fermer la porte aux constructeurs seulement intéressés par un one shot aux Total 24 Heures de Spa. Le règlement stipule que pour être admissible en Pro en Blancpain GT Series, deux autos de chaque modèle doivent être alignées sur toute la saison Blancpain GT Series avec au moins une auto en Pro.
« Nous avons poussé pour cela et nous sommes d’accord avec cette règle » a indiqué Renaud Dufour. « Je comprends le fait que les gens disent que ce n’est pas l’esprit de l’endurance, mais il faut voir le coût pour être rapide. C’est très bien si les constructeurs supportent les équipes privées en présentant de nouvelles autos, car il est possible de faire un bon équilibre. »
Aussi bien Renaud Dufour que Hans Reiter ont tenu à souligner le bon travail fourni par Claude Surmont et son équipe afin de donner la meilleure BOP possible.
Les GT3 d’hier ne sont plus les GT3 d’aujourd’hui. Les équipes ont un autre problème à régler. Pour séduire des clients, il faut avoir la GT3 dernier cri sous peine de ne pas remplir l’équipage. Une Ferrari coûte cher ? Oui mais c’est une Ferrari. Certaines GT3, compétitives au demeurant, ont un déficit d’image et personne n’y peut rien.
Les championnats GT3 se multiplient dans le monde entier et on va même assister à une course mêlant GT3/LM P3 en ouverture des 24 Heures du Mans 2016, chose impensable il y a encore quelques années. Pourtant, l’ACO était favorable à une convergence GT ces derniers temps, convergence qui a finalement capoté à cause des constructeurs. Tous les championnats essaient de monter la grille la plus conséquente possible au risque de dépeupler le voisin d’en face. Il ne reste plus qu’à espérer qu’il y ait de la place pour tout le monde. Si on écoute Jacques Nicolet, le LM P3 ne tuera pas le GT3 et on le suit sur le sujet. Il y a aura toujours des pilotes pour rouler en GT et d’autres en prototype surtout que la plupart se sont essayés aux deux.
Visionnaire s’il en est, Stéphane Ratel a eu le nez creux de persévérer en GT3 à un moment où beaucoup lui ont tourné le dos. Le seul bémol reste comme à chaque fois l’escalade des coûts.Le GT1 était trop cher, on a développé le GT2 et le GT1 s’est éteint. Le GT2 est devenu GTE avec des autos très chères pour rouler dans peu de championnats, si bien que les GT3 ont devenues incontournables. Le GT4 connaît un regain d’intérêt avec des autos plus ou moins semblables à ce que l’on a connu au début du GT3. Et comme le sport automobile a toujours été une histoire de cycles…