A 76 ans, Kurt Ahrens compte deux participations aux 24 Heures du Mans, à chaque fois sur une Porsche 917. Malheureusement, le pilote allemand ne verra pas l’arrivée ni en 1969 ni en 1970. Il a tout de même remporté les 1000 km du Nürburgring 1970 partagée avec Vic Elford. Entretien avec un pilote qui a lié son destin à Porsche en Endurance…
A quel moment avez-vous entendu parler des 24 Heures du Mans ?
“C’était en 1966. C’est à cette époque que je m’y suis intéressé.”
Quand êtes vous venu la première fois au Mans ?
“En 1969 avec Porsche où j’ai piloté la Porsche 917 car je l’avais longuement testé avant sur le circuit de Zeltweg en Autriche pour la préparer pour la course.”
Quel souvenir gardez-vous de cette Porsche 917 ?
“Le meilleur est à coup sûr d’avoir eu de la part de Porsche une voiture avec beaucoup de puissance. Le Moteur 4,5 litres de la 917 faisait une énorme différence par rapport au 3 litres des Porsche 908. Cela nous a permis avec Rolf Stommelen de faire la pole en 1969. Mais il faut savoir qu’elle n’était pas aussi fiable qu’une Porsche 908. En 1970, avec Vic Elford on refait la pole, Et nous sommes restés longtemps en tête Jusqu’au lendemain matin. Environ 7 heures avant le passage de la ligne d’arrivée, une soupape du moteur a lâché. La voiture était bien supérieure aux autres, mais nous ne pouvions pas aller à fond (environ 400 km/h) car le train avant était beaucoup trop allégé. La voiture avait tendance à flotter à la vitesse maximum et nous avions peur qu’elle décolle à chaque fois que nous passions les bosses en bout de ligne droite des Hunaudières.”
La Porsche 917 reste une voiture exceptionnelle. La meilleure voiture de course?
“Oui, on dit que c’est la voiture du siècle. Mais uniquement sur les circuits rapides! Par exemple, elle ne convenait pas pour un tracé comme le Nürburgring!”
Quelques petites anecdotes pendant votre carrière chez Porsche?
“Gerhard Mitter n’avait pas beaucoup de scrupules, Il était très entêté, il ne communiquait jamais au sujet des pressions de pneus, du choix des gommes, des changements de vitesse ou la vitesse en elle-même. Il voulait tout garder pour lui-même pour avoir un avantage. Il partageait uniquement avec Udo Schütz !
Je me souviens de la rivalité entre Siffert et Rodriguez. Il n’y avait aucune amitié entre ces deux-là, chacun d’eux voulait être le meilleur et le plus rapide ! Mais sur des circuits comme le Nürburgring, Seppi était le plus fort…. Vous connaissez cette célèbre lutte entre eux au départ à Spa Francorchamps dans le Raidillon en 1971 ? Quand on a vu cette bataille pour la suprématie, qui est le meilleur au final ? Donc Porsche a pris l’ascendant sur le choix des équipages ! Ils voulaient éviter que ces deux pilotes soient dans la même voiture à cause de cette rivalité !”
Après 1970, on ne vous voit plus faire aucune course ? Pour quelle raison?
“Pour la saison 1971, j’avais reçu plusieurs offres, de la part de Dechent pour rejoindre l’écurie Martini Racing. John Wyer m’avait aussi contacté pour devenir pilote de son team en Angleterre !! Et Jochen Neerpasch, directeur de course de Ford Cologne voulait que je le rejoigne pour un projet de F1.
Je venais d’avoir une longue conversation avec mon ami Hans Hermann, qui venait d’arrêter sa carrière, et moi je me posais la question d’arrêter de courir à cette époque. J’avais une entreprise à diriger et une famille avec trois enfants! Mon père m’a dit: “tu dois choisir entre ton entreprise et la famille, ou être pilote professionnel”. Par conséquent, ma décision a été de cesser de piloter! Comment puis-je savoir maintenant si c’était la bonne décision ?”
Vous avez roulé à Imola avec une Porsche 908/2. Quel souvenir en gardez vous ?
“C’était avec la Porsche 908 Flunder où j’ai mené le début de la course jusqu’à l’arrivée de l’orage survienne. L’équipe n’a pas voulu nous faire changer de pneus tout de suite et j’ai fini dans le rail de sécurité, tout comme la Porsche d’Hermann. Le vainqueur, Jacky Ickx, avait pu changer ses pneus pour des pluies avant que la course ne soit arrêtée un tour plus tard. La victoire ne tient à pas grand chose.”
Vous avez également roulé sur la 917 “psychédélique” jaune avec Jo Siffert comme équipier…
“C’était avec 917-021 de Dechent avec un coéquipier exceptionnel comme l’était Seppi, Un pilote mais aussi un homme formidable. C’était une course de 9 heures donc plutôt longue et épouvante. Mais c’était aussi pour toute l’équipe un peu des vacances et un excellent résultat pour les finances de Dechent avec notre deuxième place a l’arrivée. C’est suite à ce résultat que Dechent m’a fait une proposition de contrat pour l’année suivante, mais pour des raisons personnelles, j’ai préféré prendre ma retraite de pilote.”
Quel souvenir gardez vous de Hans Dieter Dechent?
“Nous avons couru ensemble très tôt. On faisait très souvent les mêmes courses en Formule 3, On a aussi terminé ensemble à la deuxième place lors de la Course des Nations en Angleterre. Plus tard nous avons courus l’un contre l’autre sur des Abarth. Nous sommes restés de bons amis jusqu’à son décès. J’étais le seul pilote avec Reinhold Joest à son enterrement. Quelle tristesse !”
Un petit mot sur Gérard Larrousse, président du Club des Pilotes ?
“Je connais Gérard depuis très longtemps. J’ai vu sur une photo qu’il avait encore son blouson Porsche d’époque, c’est un vrai passionné ! C’est lui qui m’a contacté pour que je rejoigne le Club des Pilotes des 24 Heures du Mans. Gérard est vraiment quelqu’un de bien.”
Quelle est votre vie sportive aujourd’hui ?
“Je ne suis pas très disponible, mais mes deux fils sont encore pilote de course et je joue le rôle de chef d’écurie pour eux. Je participe aussi à pas mal de meetings historique avec Porsche. Avec Vic Elford, on aimerait venir à une des prochaines éditions du Mans Classic pour participer à la course.”
Vous avez aussi couru en Formule 2 et en Formule 1 au Grand Prix d’Allemagne en 1968 avec des publicités Martini, c’était la première fois que l’on voyait cette marque en course de monoplace…
“Ma plus grande passion était de courir en monoplace. J’ai eu le soutien de Martini pour la première fois pour la course de Formule 2 à Hockenheim. Sur ma Brabham, après les essais, nous devions nous rendre avec Jim Clark aux studios de télévision pour une interview mais ce n’était pas possible à cause de ces autocollants sur ma voiture. Nous les avons masqués et je suis allé à la TV avec Jim. Le lendemain, c’était le drame… Je n’oublierais jamais Jim !”