Club des Pilotes des 24H du Mans

Jean-Luc Chereau : “Tu veux aller au Mans ? Alors il faut faire ses preuves”

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Fort de neuf participations aux 24 Heures du Mans (De 1994 à 2002), toutes chez Larbre Compétition, dont quatre en compagnie de Jack Leconte, Jean-Luc Chereau reste un acteur incontournable du double tour d’horloge sarthois. Les Porsche et autres Viper aux couleurs Chereau ont arpenté le circuit des 24 Heures du Mans. Retiré des circuits, le Normand revient tout de même chaque année aux 24 Heures du Mans en tant que membre du Club des Pilotes, ce qui lui permet de suivre la course de Larbre Compétition, son équipe de coeur. Entretien avec un pur passionné de l’Endurance…

Quel est le quotidien de Jean-Luc Chereau ?

« Je suis en Bretagne, je fais du bateau et je peins. Cependant, je n’oublie pas que les 24 Heures du Mans approchent et je serai de la partie grâce au Club des Pilotes. Cela va me permettre de suivre à nouveau Larbre Compétition. »

C’est important de faire partie du Club des Pilotes ?

« Pouvoir suivre tout le cérémonial de mise en grille depuis le Club House de la tribune Singher/Dunlop. Assister au départ depuis cet endroit est magique. Avec le temps, nous n’avons plus la préoccupation de monter dans l’auto (rires). Il y a donc un côté plus festif. La moyenne d’âge est plus élevée que sur la piste et tout le monde se lâche un peu mais personne n’est dans l’époque du regret. Les anecdotes sont amusantes et celles qui pourraient rappeler les problèmes sont mises de côté. Il y a la satisfaction d’avoir pu participer au moins une fois à cette épreuve, et maintenant on regarde les autres. C’est comme une filiation en direct. L’époque n’est pas la même mais le principe reste le même. Le Mans, c’est une vraie aventure humaine et quelque chose d’extraordinaire. Celui qui a inventé la roue a inventé l’automobile. »

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Votre première venue aux 24 Heures du Mans s’est faite en tant que pilote ?

« Bien avant cela ! Mes parents venaient aux 24 Heures avec des amis alors que j’avais 7 ou 8 ans. Je me souviens encore avoir dormi sur les gradins. Mon père, qui a été fait prisonnier durant cinq ans, est issu de la construction automobile. A cette époque, les gens faisaient carrosser des autos. Ils aimaient la voiture, donc les courses. Je suis venu chaque année jusqu’au début des années 70 avant l’arrivée de la télévision. On se déplaçait un peu moins et il fallait développer l’activité professionnelle. »

Comment en êtes-vous arrivé à venir en sport automobile ?

« Grâce à une marque et un pilote. La marque est Porsche et le pilote est Pierre Yver. C’est le point de départ de toute l’histoire. La Porsche Carrera Cup était lancée et Pierre était de ma région. Il cherchait à mettre en place un club de partenaires afin de le soutenir. A cette époque, la Cup se rendait sur tous les circuits français. L’idée était séduisante pour nos commerciaux. Nous avons donc pris en charge l’intégralité du partenariat avec la mise en place d’un vrai accueil sur les circuits où les commerciaux invitaient des clients. »

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Avec Pierre Yver, on parle forcément de 24 Heures du Mans…

« Pierre compte 22 participations aux 24 Heures du Mans. Inévitablement, on parle du Mans. Dès que j’ai débuté en compétition, Pierre m’a dit : « tu verras, si tu fais la Cup, un jour tu feras Le Mans. » Et c’est arrivé… Ensuite, nous avons regroupé tous nos invités sur une épreuve. Faire venir des invités au Mans était moins coûteux et plus facile à mettre en place. »

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Avant de piloter au Mans, il a fallu écumer les autres circuits ?

« J’ai acheté une vieille Cup d’occasion pour disputer une course ou deux. A Dijon, Pierre me suivait afin de me conseiller. Je regardais dans mon rétroviseur s’il était bien là et j’ai dû commettre une erreur. Résultat : sortie de piste et auto détruite. Quelqu’un s’est alors présenté devant moi en me disant qu’il avait une auto disponible pour la course. L’organisation a refusé car c’était un peu tard. J’ai bien enregistré l’homme qui venait de me faire cette proposition. Lorsque j’ai décidé de faire Le Mans avec Pierre, c’est cet homme-là que j’ai appelé. Et cet homme-là est Jack Leconte. Bien avant d’arriver au Mans, Jack m’a demandé de rouler pour être apte à venir y rouler. »

Toujours dans le giron Porsche…

« J’ai disputé une saison de Cup avec des joies et des déconvenues. N’oublions pas que j’ai débuté en sport automobile à l’âge de 46 ans. C’était en 1994. J’ai toujours eu en tête l’idée du respect de l’auto, de l’équipe et du matériel. J’ai fait cela avec humilité. J’ai toujours été un vrai gentleman driver. Jack n’a cessé de me répéter le même discours : « tu veux aller au Mans ? Alors il faut faire ses preuves. » J’ai alors roulé au Val de Vienne sur une RSR en compagnie de Dominique Dupuy. J’ai en quelque sorte passé mon permis du Mans au Val de Vienne. Jack m’a alors fait faire une course à Jarama, toujours en 1994. »

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L’époque BPR…

« J’arrive chez Larbre et je tombe sur Bob Wollek et Jürgen Barth. J’étais abasourdi de fréquenter ces gens-là. Nous avons passé de très bons moments ensemble, notamment lors d’un dîner à Madrid. J’étais dans le saint du saint. Nous avons disputé cette course de 4 heures en terminant 5ème au scratch. J’étais alors sur une autre planète. A l’issue de la course, je me change pour quitter le circuit. J’étais sur le point de partir et Jack me demande ce que je faisais. Il me dit : change toi, tu es sur le podium de catégorie. » Là, c’était l’apothéose. »

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Place ensuite aux 24 Heures du Mans ?

« Il y a d’abord eu les essais pré-qualificatifs où tout s’est parfaitement déroulé sur une Porsche 911 Carrera RSR. Mes parents étaient aux anges de me voir au départ des 24 Heures du Mans. Malheureusement, fin de l’aventure à 21 heures avec une auto dans le mur. J’avais une Courage à quelques centimètres derrière moi. Au niveau du Virage du Karting, je me suis écarté pour le laisser passer en sortant de la trajectoire. Erreur à ne pas faire car j’ai terminé dans le mur en marche arrière. »

1995 n’a guère été mieux…

« Nous avions trois Porsche 911 GT2 Evo et à minuit les trois étaient hors du coup. Il y avait pourtant une pléiade de pilotes de talent avec Dupuy, Collard, Ortelli, Jarier, Comas, Pareja, Yver et Leconte. Le podium était envisageable au général mais à minuit les trois étaient sous une bâche. Les huit pilotes étaient extraordinaires et j’avais comme l’impression d’être un petit dans la cour des grands. »

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Les retombées ont toujours été bonnes ?

« Déjà, on ne s’inscrit pas au Mans, on y est invité. Jack m’a toujours appris qu’un Le Mans se prépare le soir de l’arrivée. C’est déjà reparti si bien que cela ne s’arrête jamais. A l’époque, c’était moins compliqué de trouver des partenaires. C’était généralement une reconduction d’année en année. Les autos étaient moins tapissées de petits partenaires. Dans les années 90, il y a eu la naissance du GT. L’ACO des temps modernes a débuté avec cette période. On a toujours eu de bonnes retombées. Nous avions une vitesse de croisière avec jusqu’à 1000 invités par week-end au sein d’une structure couverte. Lorsque j’étais au volant, j’avais la pression de passer chaque tour devant la structure où les invités suivaient la course. »

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Il y a eu ensuite la période Viper. Un bon souvenir ?

« La Viper était un pari que nous avons fait avec Jack. Les vraies GT1 coûtaient une fortune, ce qui les rendaient inaccessibles. En rentrant de chez Porsche, j’ai demandé à Jack si on pouvait acheter une Viper. Nous en avons alors acheté deux pour le FIA GT et Le Mans. J’ai adoré cette auto même si la température dans l’habitacle était un calvaire. Tout le chaud venait vers le pilote. Le baquet était entre la boîte de vitesses et l’échappement. Les bottines en caoutchouc restaient collées sur les pédales. Nous avions installé du contreplaqué sur la pédale. »

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Quels sont vos meilleurs souvenirs au Mans ?

« Je fondais beaucoup d’espoir sur l’édition 2000 sur une Porsche 911 GT3-R partagée avec Patrice Goueslard et Christophe Bouchut. 2000 aurait pu être mon meilleur souvenir mais après 1h30 l’auto était détruite sans que je puisse monter au volant en course. Je retiens un très bon souvenir de 2001 sur une Porsche 911 GT3-RS sous une météo catastrophique. La pluie nivelle le pilotage et j’étais à l’aise au volant. Vers 23 heures, alors que je dinais tranquillement, un mécano vient me chercher en urgence pour que je remonte dans l’auto. Seb Dumez connaissait un pépin de santé et il a fallu que je reprenne la piste à la hâte. Seb était malade suite à un souci d’oreille interne, d’où un vomissement dans l’habitacle. J’ai dû partir pour un double relais dans des conditions guère sympathiques. Nous avons terminé la course à deux avec une 10ème place au général, 4ème de la catégorie à 1 minute du 3ème. C’était une belle aventure humaine. J’ai beaucoup roulé et je me sentais bien. Les Michelin sous la pluie étaient fabuleux. L’épopée Viper était elle aussi intéressante avec une auto assez facile à piloter mais complètement différente d’une Porsche. La Viper tire vers l’avant et à son volant, je me sentais l’âme d’un pilote professionnel (rires). La 911 demande beaucoup d’efforts. Un pilote rapide dans une 911 est vite dans n’importe quelle auto. »

Quel est votre regard sur l’Endurance ?

« Je suis très content que la discipline se porte bien même si on peut parfois être perdu du fait de la multiplication des championnats. C’est tout de même le signe que tout ne va pas trop mal. L’Endurance est une discipline où le bon esprit règne, de celui qui nettoie les pneus au team manager ou au pilote. J’ai aidé Jack jusqu’en 2014. En 2012, j’étais intendant, ce qui m’a permis de faire différentes tâches. C’est là que j’ai compris que tout le monde était concerné. J’ai fait tout cela volontairement car j’aime être sur un circuit. »

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On sent une réelle amitié et un profond respect pour Jack Leconte…

« Jack est un monstre d’humanité. C’est quelqu’un que je connais très bien et qui est très humain. Certains ne comprennent pas comment on peut s’entendre avec lui mais ces gens-là se trompent gravement. De plus, Jack est un fin stratège en sport auto. Je l’ai connu du temps du BPR et du FIA GT. C’est un visionnaire de l’organisation et un organisateur né. Même s’il est sûr de lui, il reconnaît l’échec même si c’est très rare. Il fait des choses qui profitent à tout le monde. Tout est bien fait. C’est quelqu’un que j’admire et que je respecte. Nos rapports sont très simples. Même si on ne se voit plus comme avant, nous restons en contact. »

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L’Endurance, c’est grandement une histoire de famille…

« J’ai toujours eu deux grands supporters avec mes deux fils. Je ne peux pas oublier non plus Michel ‘Canard’ Marchetti (photo de Une) dont j’étais très proche. Ces trois-là s’entendaient très bien… »

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