Blancpain GT Series

Interview croisée Jérôme Policand/Maurice Ricci (Team AKKA-ASP)

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Lancée en 1999 par Jérôme Policand, l’équipe Auto Sport Promotion a été associée durant 11 ans à SOFREV avant de tourner une page début 2015 où AKKA Technologies est devenu le partenaire titre de l’écurie basée à Rabastens, près de Toulouse. Spécialisé dans l’ingénierie et le conseil en technologies, leader dans les secteurs automobile, aéronautique et ferroviaire, AKKA compte 11 000 consultants sur différents continents. Maurice Ricci, PDG du Groupe AKKA Technologies, par ailleurs pilote au sein de l’équipe, partage les mêmes valeurs que Jérôme Policand , à savoir respect, courage et ambition. 2015 s’est traduit par deux titres et 2016 doit permettre à AKKA-ASP de s’inscrire encore plus à l’international avec un programme Blancpain GT Series qui passe par un transfert de Ferrari à Mercedes. Interview croisée Jérôme Policand/Maurice Ricci…

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Quel est le bilan de la saison écoulée ?

Jérôme Policand : « Avec deux titres pour une première année sous l’entité AKKA-ASP, le bilan est positif. Nous avons décroché le titre Am en Blancpain Endurance Series sur le fil avec la satisfaction de l’avoir obtenu avec l’ensemble des pilotes. Tous ont marqué des points, exception faite de Silverstone. C’est un titre qui plaisir car c’est le premier du partenariat avec AKKA. En GT Tour, c’est le titre de la confirmation avec une troisième couronne Equipes d’affilée. L’équipe est bien ancrée en Championnat de France GT mais ce titre 2015 a été plus difficile à obtenir car tout s’est joué lors du dernier meeting. La transition de l’équipe s’est bien déroulée. L’équipe technique est restée sensiblement la même sachant qu’elle évolue toujours. On a des piliers tout en misant sur la jeunesse. On souhaite toujours garder le même état d’esprit. »

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AKKA est satisfait de cette première année en sport automobile ?

Maurice Ricci : « Pour AKKA, 2015 a été positif. Cela nous a permis de recevoir nos clients et nos managers sur les meetings de course. Près de 50% de notre activité se situe dans le domaine de l’automobile. Avoir une présence en sport automobile est une dynamique intéressante sur un plan commercial. Nous allons étendre les invitations sur les meetings à nos consultants. Le sport automobile est un bon moteur pour le groupe. Beaucoup de cœurs battent en regardant les courses. Avec ce team, l’objectif est bien de devenir encore plus international, à l’image d’AKKA. »

Votre rencontre remonte à quand ?

Maurice Ricci : « Je connais Jérôme depuis l’époque Luc Alphand Aventures où AKKA était partenaire de l’équipe. Suite à cela, j’ai essayé une voiture au Mans avant de prendre part à une séance d’essais où Jérôme m’a dit qu’il fallait tout réapprendre (rires). J’ai suivi ses conseils, on a roulé sous la pluie et tout allait plutôt pas mal. Il y a eu ensuite une autre séance et les choses se sont vite enchaînées. »

Jérôme Policand : « J’ai eu un long parcours avec Luc Alphand Aventures avec plusieurs participations aux 24 Heures du Mans. Il y avait un pôle partenaires dont faisait partie AKKA. J’avais déjà une équipe qui roulait en Porsche. Fin 2005, Luc (Alphand) et Philippe (Poincloux) m’ont demandé de faire rouler un partenaire. Maintenant, Maurice fait partie des gentlemen de l’équipe même si son emploi du temps ne lui permet pas de disputer un programme complet. »

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Maurice Ricci : « J’ai toujours aimé la façon dont Jérôme voyait les choses. Il est très proche de ses pilotes et sait comment les faire progresser. Gabriel Balthazard, Mike Savary et Jean-Luc Beaubelique sont là depuis longtemps et ce n’est pas pour rien. Toutes ces personnes ont les mêmes valeurs. Une équipe doit partager et c’est exactement ce que l’on retrouve chez Jérôme qui sait exclure les points négatifs du sport automobile. Il connaît parfaitement la réalité économique du sport en étant pragmatique. Les pilotes professionnels roulent grâce au soutien des gentlemen qui progressent avec les professionnels. La boucle est bouclée. Tout est bien équilibré et c’est pour cela que les pilotes restent. »

Jérôme Policand : « Lorsque j’ai monté le team, j’étais encore un pilote loin d’être un chef d’entreprise et un meneur d’hommes. On a tendance à raisonner comme un pilote et ça ne marche pas. Dans leurs domaines respectifs, nos gentlemen sont des leaders. Au fil du temps, on arrive à être pragmatique. J’ai compris l’importance d’avoir des gentlemen performants à l’écoute. Il faut des professionnels pour les encadrer. C’est une belle satisfaction d’avoir mis des chefs d’entreprise sans expérience parmi les meilleurs gentlemen. Il faut une belle symbiose. On fait du sport automobile mais il faut que cela reste un plaisir. »

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Pourquoi ce passage de Ferrari à Mercedes ?

Jérôme Policand : « Je voulais que le team aille de l’avant. Sans fausse modestie, nous faisons partie des meilleures équipes en France mais pas encore en Europe. Nous sommes juste une bonne équipe avec une progression constante. On y va petit à petit sans avoir crevé l’écran sur la scène internationale. Nous venons de passer un cycle de cinq ans avec Ferrari dont la relation remonte à la 333SP. L’entente est parfaite avec une bonne réactivité de la part de Michelotto. Cependant, on ne peut pas dire que l’on soit une équipe leader en Ferrari. La nouvelle auto demandait un investissement plus important. On peut démontrer à un constructeur qu’on a des compétences. Sportivement, le pari est là mais nous avons conscience que nous ne sommes pas une écurie institutionnelle Mercedes. Il y a des liens entre AKKA et Mercedes, mais ce choix est d’abord le mien. »

Maurice Ricci : « Jérôme a tout gagné en Porsche Cup avec un passage en GT au bon moment. Il y a une vraie envie d’internationaliser l’équipe. L’image de Ferrari est bien installée alors que Mercedes doit encore conquérir le marché. On espère que la Mercedes-AMG GT3 sera un bon produit mais quand on voit ce qui a été fait avec la SLS AMG GT3, je n’en doute pas une seconde. Le GT3 est axé sur la BOP. De nos jours, tous les véhicules se valent. La Ferrari a l’avantage d’être très polyvalente. Cette rupture doit permettre au team de continuer sa progression et de faire sa place. On construit quelque chose sur le long terme. C’est l’histoire d’une entreprise. »

La catégorie GT3 reste la meilleure plate-forme pour le partenaire et l’équipe ?

Maurice Ricci : « Lorsque les GT3 coûteront le prix des GT1, alors il faudra passer aux GT4. Le sport automobile s’automutile avec la montée incessante des budgets. Elles sont de plus en plus performantes mais elles sont de plus en plus chères. »

Jérôme Policand : « Lorsque j’ai débuté on parlait déjà de contrôle de coût. Les teams privés ne pouvaient plus suivre en GT1. Le concept de base du GT3 est intelligent avec des autos de course basées sur celles de route. Dix ans après, il ne reste que la Ferrari 458 qui ne soit pas devenue un prototype car elle est basée sur le modèle Challenge. La 458 reste dans l’optique du GT3. Au fil du temps, les pièces d’origine disparaissent des autos. La 488 GT3 partage la même base que la GTE. C’est en réalité un prototype carrossé. Quand on voit la Ford GT, qui est magnifique, elle fait plus penser à un proto qu’à une GT. Vu que les autos vont de plus en plus vite, les pièces d’origine ne suivent plus en performance et fiabilité. La bonne question à se poser est : hors Formule 1, qu’est ce que le sport automobile ? Les promoteurs établissent les règlements mais est-ce que l’on regarde la concurrence par rapport à d’autres sports ? A combien peut-on valoriser un partenaire par rapport à d’autres sports tels que le football ou le rugby ? Les règles sont établies en partie pour les grands constructeurs. En Blancpain GT Series, on a encore notre chance. »

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Est-ce que le Maurice Ricci pilote a un rêve en sport automobile ? Les valeurs du groupe se retrouvent en sport auto ?

Maurice Ricci : « Je connais des gentlemen qui font des programmes sportifs comme si c’était l’antichambre de la Formule 1. Certains veulent des coupes. Moi, ce qui m’intéresse, c’est le défi sportif. C’est une grande source de stimulation. Je n’ai pas de rêve à proprement dit. Le sport automobile est un sport collectif, pas individuel. On y retrouve les valeurs du groupe AKKA. Monter sur un podium est difficile et y remonter l’est encore plus. Tous ces critères sont au centre d’AKKA qui voue une passion pour la technologie et l’innovation technologique. La France est quasiment devenue un pays auto-phobe et la voiture de course n’est pas assez en avance. Aujourd’hui, une GT3 devrait être hybride avec un petit moteur. C’est un aspect que je regrette car cela collerait encore plus avec le profil d’AKKA. Ce serait porteur d’avoir à l’avenir une catégorie GT hybride. On voit lors de journées open sur circuit où une Ferrari de route est plus rapide que le modèle de course en ligne droite. La compétition doit tirer vers le haut le véhicule de route. On y vient petit à petit. Il y a une vraie passerelle entre le sport automobile et AKKA qui a développé un petit prototype entièrement électrique et autonome capable d’interagir en milieu urbain complexe. »

Jérôme Policand : « Si on veut intéresser des partenaires, il faut faire des choix techniques en amont qui sont dans l’air du temps. Il faut réfléchir à savoir si c’est important d’avoir des autos qui génèrent autant d’appuis et de grip mécanique au profit de nouvelles technologies sans dégrader le spectacle. En LM P1, les petits constructeurs n’ont pas pu suivre. Dix ans plus tôt, ils pouvaient jouer la gagne. Le GT de demain doit permettre à des équipes privées de pouvoir exploiter les autos et d’attirer des partenaires. »

Maurice Ricci : « On doit pousser pour avoir des petits moteurs qui seraient subventionnés. Il n’y a aucun support qui permette de faire évoluer les choses même si Porsche sait très bien le faire. AKKA est présent depuis un moment en sport automobile. Les clients délaissent les salons et il devient plus facile de les faire venir sur les circuits. Jérôme était à un tournant et faire partie de son équipe doit permettre au groupe de faire évoluer de jeunes ingénieurs. »

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La saison 2016 se présente bien ?

Jérôme Policand : « Le début de saison ne s’annonce pas idéal. En changeant de monture, il y a une grosse remise en question. La première Mercedes-AMG GT3 doit arriver fin février, la deuxième fin mars et la troisième peu de temps avant le début du championnat. Nous avons déjà géré ce genre de situation dans le passé. Toutefois, on ne s’attend pas à connaître un début de saison facile mais je reste confiant car l’auto roule depuis dix mois et c’est un produit abouti. Nous serons présents aux essais Blancpain GT Series avec une seule auto. Nous allons mettre en place un programme d’essais intelligent. L’équipe va prendre aux Blancpain GT Series. J’espère boucler les équipages d’ici une quelques jours. L’idée est d’avoir deux autos en Pro-Am en Sprint Cup et une en Pro. Pour la série Endurance, une est confirmée en Am et l’autre est un peu moins avancée mais on travaille le dossier. Nous engagerons une auto aux 24 Heures de Spa en Pro. D’autres piges sont à l’étude sur la fin de saison. On met entre parenthèses le championnat national pour nous étendre à l’international. »

Quel est l’avenir de l’équipe ?  Une présence aux 24 Heures du Mans est à l’étude ?

Maurice Ricci : « Comme je l’ai dit, le partenariat avec ASP fait que le team a les mêmes valeurs que le Groupe AKKA. Jérôme gère le côté sportif et je reste motivé sur le fait que le team s’étende à l’international. »

Jérôme Policand : « On ne peut pas négliger la course d’endurance la plus importante au monde. On l’a fait en 2014 et cela reste une très belle expérience. C’était un sacré palier pour l’équipe. On l’a fait et on l’a bien fait car c’était une belle aventure humaine. Si on le refait un jour, ce sera avec un vrai enjeu sportif. A l’heure actuelle, je ne sais pas le refaire. Forcément, on y reviendra. Spa est différent car on peut mettre notre grain de sel pour la victoire. »

Maurice Ricci : « En sport automobile, le rêve peut vite être un cauchemar. Qu’est ce que cela peut apporter à une équipe d’aller au Mans ? On va voir les LM P1 et un peu de GT. Spa peut faire progresser l’image d’AKKA. En termes de gestion d’entreprise, il faut aller sur des évènements qui amènent des clients de l’aura à l’entreprise. ASP a su trouver les équations sportives et économiques pour vivre. »

Jérôme Policand : « Il ne faut pas mélanger l’aspect économique et émotionnel car cela ne fait pas un bon ménage. 2014 a été très gros à assumer. »

Maurice Ricci : « Le team va à Spa pour être performant. J’ai eu l’occasion de rouler au Mans en Cup sous la pluie et j’ai trouvé que ce n’est pas un circuit typé GT pour un pilote. Il faut passer beaucoup de temps en ligne droite où il faut rester pleinement concentré. Je pense que c’est plus facile avec une auto plus rapide. En GT, les rétroviseurs sont importants. »

Jérôme Policand : « Pour aller au Mans, il faut être prêt à 100%. On ne peut pas y aller que pour le plaisir. Si on se loupe, les conséquences se paient instantanément. C’est l’un des derniers circuits naturels. Je n’ai jamais poussé mes gentlemen à y aller. Quand on est pilote professionnel, on a moins d’état d’âme. Sur mes 13 éditions, une ou deux ont été très compliquées. De plus, quand l’enjeu sportif n’est pas là, c’est très dur… »

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