Ils sont trois et ils ont connu le début du GT3 il y maintenant dix ans. Guy Clairay, Jean-Claude Ruffier et Manu Rodrigues sont réunis cette année à Spa mais pas pour se partager une GT3. Les trois ont été recrutés par l’organisateur pour piloter les voitures de sécurité durant les Total 24 Heures de Spa. De quoi replonger dans la compétition automobile sans avoir la pression du résultat. Des trois, seul Guy Clairay n’est plus réellement actif dans le milieu au contraire de Jean-Caude Ruffier, toujours présent en VdeV Endurance Series et 24 Heures Series. Quant à Manu Rodrigues, il sort d’une belle prestation aux 25H VW Fun Cup et il se verrait bien disputer les 24 Heures de Daytona en janvier prochain. Les trois sont ô combien attachants et ils sont revenus avec nous sur les balbutiements du plus gros succès de la dernière décennie en sport automobile.
Guy Clairay : “On avait une auto pour gagner pour 165 000 euros…”
Le Guy Clairay Racing a été présent de nombreuses saisons dans la discipline avec des Dodge Viper Competition Coupe. La dernière apparition de la Dodge Viper blanche et rouge aux 24 Heures de Spa remonte à 2012. Guy Clairay se souvient des débuts de la catégorie : « Pour 165 000 euros, on avait une auto pour gagner des courses. A cette époque, la Viper était la GT3 la plus performante. C’était une auto de route adaptée à la compétition. Personnellement, je voulais une vraie auto de constructeur. Beaucoup de GT3 des débuts étaient développées par des préparateurs comme la Ferrari, la Corvette, l’Ascari ou la Lamborghini. Avec Dodge, on avait un vrai catalogue de pièces détachées. Le concept GT3 était tout nouveau et la Viper avait ce côté monstre avec son long capot avant. J’ai acheté l’auto en 2006 à Larbre Compétition. Depuis, elle a pris part à plusieurs éditions des 24 Heures de Spa. »
« Quand on regarde le plateau actuel, on se rend compte de l’escalade des coûts. On est loin du début du GT3. Avec seulement quelques évolutions, on a réussi à faire fonctionner cette Viper durant six ans. Je n’ai aucun regret de ne pas avoir investi dans une nouvelle GT3 même si j’ai bien failli céder à plusieurs reprises. Je suis très heureux d’avoir connu le GT3 dès son lancement. »
Jean-Claude Ruffier : “De vraies voitures de course…”
Personnage haut en couleur, Jean-Claude Ruffier se souvient lui aussi du lancement du GT3 où il a aligné avec succès des Lamborghini Gallardo et autres Porsche 911 GT3-R : « Dans la course automobile, il n’y a que des belles années. Pour moi, c’est une passion et pas un métier. Il y a eu un début GT3 et il y aura une fin GT3. C’est la même chose dans toutes les catégories. La fin arrive toujours de la même façon, quand on n’arrive plus à contrôler les coûts. Les équipes de passionnés ont de plus en plus de mal à trouver leur place. Il faut trouver des championnats à coût raisonnable. La Blancpain Endurance Series est un championnat fabuleux mais il devient de plus en plus compliqué pour les gentlemen d’y rouler. Ce sont pourtant les gentlemen qui ont développé la catégorie qui à l’origine leur était dédiée. Toutes les équipes qui alignent plusieurs autos ont toutes le soutien appuyé d’un constructeur. La clientèle pour investir dans de nouvelles autos risque de se faire plus rare. Au fil du temps, les GT3 sont devenues de vraies voitures de course taillées pour les courses longues. »
Manu Rodrigues : “Spa fait rêver…”
Troisième du Championnat d’Europe FIA GT3 2009 sur une Aston Martin DBRS9/Hexis Racing, Manu Rodrigues a fait les beaux jours de la catégorie dès 2006 : « J’ai débuté en France à Dijon sur une Porsche alignée par Hexis en Coupe de France avec une place de vice-champion 2006. La Porsche n’avait rien à voir avec une GT3 actuelle. C’était une Porsche Cup de base avec une boîte traditionnelle en H. L’année suivante, Hexis Racing a investi dans deux Aston Martin DBRS9. Le gap entre les deux était énorme mais le prix est monté en flèche. Le tournant a été l’arrivée d’Audi avec la R8 LMS. Les autres constructeurs ont suivi et tout s’est professionnalisé. Mon regret est de ne pas avoir été sacré en 2009 avec Mako. Nous étions le seul équipage Pro-Am à pouvoir jouer le titre. Rouler en GT3 m’a permis de progresser et Fred y est pour beaucoup. C’est aussi ce qui a séduit les gentlemen au début du championnat : pouvoir progresser au contact d’un pilote professionnel.
“En plus d’être doué, Fred fait tout pour que le gentleman aille plus vite. Maintenant, on a plus l’impression que les pilotes travaillent pour eux-mêmes. J’ai pu suivre financièrement jusqu’en 2011. Tous les ans, il fallait investir dans des évolutions. Entre 2006 et 2007, le budget est monté d’environ 30%. C’est vite devenu la course à l’armement où il fallait le dernier gadget à la mode. Je n’étais plus revenu à Spa depuis 2011 et on ne peut que constater que les professionnels ont pris le dessus. Les gentlemen ont de moins en moins leur place. Avant, on pouvait monter sur un podium avec peu de moyens. Spa fait rêver mais le rêve devient de plus en plus inaccessible… »