Guy, ingénieur Météo France, est un spécialiste dédié à l’équipe TOYOTA GAZOO Racing sur les 24 Heures du Mans, mais aussi sur la plupart des épreuves du Championnat du Monde d’Endurance (WEC). Il explique son rôle dans l’équipe.

Pourquoi avoir besoin de prévisions météo durant une course ?

« Le sport automobile est sensible aux changements météorologiques, et la nécessité d’une grande précision dans les prévisions à court terme est bien réelle. Météo France apporte donc un support à TOYOTA dans la prévision de tous les événements météo pouvant se produire durant une séance d’essais ou surtout, pendant une course. Selon leur évolution, les événements météo peuvent influer sur la stratégie de course et sur les réglages de la voiture. C’est par exemple un facteur déterminant dans le choix des pneumatiques. La stratégie adoptée par l’équipe peut dépendre du facteur météo et en cas de mauvais choix, l’impact peut être négatif. Contrairement à un tournoi de tennis où il est impossible de jouer sous la pluie, sur un circuit, les protagonistes continuent de rouler mais cela influe lourdement sur le comportement des autos. »

Comment intervenez-vous auprès de l’équipe dans le cas des 24 Heures du Mans ?

« Afin d’anticiper la stratégie des essais puis celle de la course, je suis l’évolution des prévisions météo environ 15 jours avant la semaine de course. Il faut se poser les bonnes questions comme par exemple, savoir si l’on se trouve dans une période de temps chaud ou dans une période de temps froid, que sommes-nous capables de prévoir à 15 jours ? Fera t-il anormalement chaud ou anormalement froid, pleuvra t-il ou le temps restera t-il sec ? Au fur et à mesure que l’on se rapproche de l‘échéance, on va savoir s’il va pleuvoir pendant la première partie de course ou bien pendant la deuxième, puis petit à petit, on sera capable dire qu’il pleut dans 3 minutes à Mulsanne. On essaye d’être le plus précis possible au fur et à mesure que l’on se rapproche au plus près de l’événement. »

Pour arriver à ce niveau de précision, quels sont les outils utilisés ?

« Nous utilisons des « modèles » spécifiques Météo France, c’est-à-dire des simulations numériques de l’état de l’atmosphère (avec paramètres de température et d’humidité notamment), que nous faisons tourner deux fois par jour sur des prévisions à plus ou moins longue échéance. Sur du long terme, il n’est pas possible de savoir s’il pleuvra durant la première heure de course mais seulement de définir que cette journée sera dans une période de temps sec, ou pas. Au fur et à mesure que l’on se rapproche de l’événement, les modèles de simulation numérique vont tourner 6 à 8 fois par jour et vont être plus précis, à l’heure près. Plus on se rapproche de la météo « réelle », le satellite devient un instrument indispensable, ce sont ensuite les différents radars Météo France implantés sur tout le territoire, puis dans un rayon d’une centaine de kilomètres, nous dépendons du radar que nous installons nous mêmes pour le compte de TOYOTA aux abords du circuit. Ce dispositif nous permet d’avoir une résolution d’une centaine de mètres, toutes les minutes. C’est comme si nous faisions un zoom sur une photo. Mais il y aussi un autre paramètre que rien ne pourra remplacer, c’est l’expertise humaine. Aucune simulation numérique ne sera jamais aussi fiable que ce que je peux voir en temps réel en passant la tête dehors… »

Quelle est votre journée type ?

« Je suis toujours le premier de l’équipe sur le circuit afin de fournir aux ingénieurs, dès leur arrivée, le premier bulletin d’informations sur la prévision. En fonction des infos, ils doivent être en mesure de mettre à jour leur stratégie et/ou leur programme d’essais. S’il s’agit d’une séance de qualifications, ils doivent être en mesure d’envisager la fourchette des chronos potentiels. Pendant les séances d’essais et la course, la mise à jour est faite en permanence. »

Comment vous organisez-vous pendant les 24 Heures de course ?

« Pendant cette course très atypique qui dure 24 heures, nous sommes deux à nous relayer pour assurer la continuité du service. Concrètement, j’arrive le samedi matin à 7h00 et d’heure en heure, les informations se précisent. Nous sommes installés dans un des camions de l’équipe, dans le paddock, mais nous nous rendons fréquemment dans le garage pour « prendre la température ». Nous vivons de façon très intense chacune des courses et en partageons pleinement les bons et les mauvais moments avec l’équipe. Pour un ingénieur météo, c’est une façon très originale d’exercer son métier ! »