On le sait, le sport automobile asiatique est plus que florissant. Alors que, il y a quelques décennies, les prototypes tenaient la vedette au Japon avec un championnat très en vue, le All Japan Sports Prototype Championship dans lequel Porsche, Nissan et Toyota ferraillaient ferme, ce sont désormais les GT qui occupent le haut du pavé. Le SUPER GT est la Série la plus connue en Occident, avec des voitures et des luttes superbes, et que la GT Asia Series court en Corée du Sud, en Thailande, au Japon et en Chine, la Super Taikyu Series dont le calendrier ne comporte que des circuits japonais, connaît un succès grandissant, avec des pilotes et des teams de grande valeur dont certains courent également en SUPER GT.
Harumi Kuwayama, qui a succédé à son époux en 2013 après le décès de celui-ci, est le Promoteur de la Super Taikyu Series et occupe les fonctions de Secrétaire Général et Gen Suzuki en assure la Direction Sportive. Gen Suzuki a un riche passé en sport automobile pour avoir été le coordonnateur du Team Trust qui faisait courir des Porsche 962 au Japon (telles que la 962C que fait courir le Team IMSA en Group C Racing) et avoir été Team Manager du Team Petronas Syntium, cette équipe de Singapour qui a remporté six fois consécutivement la Super Taikyu Series entre 2008 et 2013. Soutaro Mimuya (à gauche sur la photo, à côté de Harumi Kuwayama) est en charge des relations media.
Gen Suzuki et Harumi Kuwayama ont accepté de nous présenter plus avant la Super Taikyu Series
Quand a été créée la Super Taikyu Series ?
Gen Suzuki : “Le promoteur de la Série est STO « Super Taikyu Organization ». Le précurseur de la Super Taikyu Series a été la « N1 Taikyu Series » qui a vu le jour au Japon en 1991. Taikyu signifie « endurance japonaise ». La N1 Taikyu Series était ouverte tout d’abord aux voitures avec une homologation FIA Groupe N. Cependant, les voitures n’étaient pas tout à fait les mêmes que les Groupe N FIA, la réglementation, basée sur le Groupe N, avait été définie par la Fédération Japonaise de Sport Automobile (JAF, Japanese Automobile Federation). On pourrait parler d’une catégorie N+a. La série était ouverte aux voitures de Tourisme comportant quatre places.
En 1991 existait au Japon un Championnat Tourisme, le JTC (Japanese Touring Car Championship), réservé aux voitures homologuées en Groupe A FIA, plus performantes que celles de la N1 Taikyu Series. Les voitures de la N1 Series étant moins chères que celles du JTC, la N1 Series a connu beaucoup de succès avec de nombreux engagés. Nissan, Honda ou Mitsubushi ont soutenu la N1 Taikyu Series dans les années 1990. A l’époque, les Nissan Skyline GTR se battaient souvent avec les Mitsubishi GTO pour la victoire au scratch, et les BMW M3 et les Honda Civic pour les victoires de catégorie. Globalement, c’est la Skyline GTR qui a été dominante.
Il est peut-être utile d’expliquer les catégories telles qu’elles existaient à l’époque. En plus des N1, il y avait également des N2, des N3 et des N-GT. La N1 était comme nous l’avons dit précédemment des N+a, la N2 autorisait des modifications par rapport à la N1 (moteur, carter sec), les N2 disputant des courses sprint, la N3 autorisait davantage encore de modifications que la N2 avec changement de moteur possible, c’était une catégorie ressemblant aux Groupe 5 il y a une trentaine d’années. Le JGTC, actuellement SUPER GT, qui a débuté en 1993, faisait courir des N3 pour sa première année, puis est passé aux N-GT, une catégorie encore plus de modifications, avec des N-GT1 (les GT500 actuelles) et des N-GT2 (les GT300 actuelles). Le SUPER GT, après plusieurs changements de réglementation a adopté les N-GT500 pou la catégorie GT500, les N-GT300, devenues les GT300 étant actuellement des GT3 pour l’essentiel.
La N1 Taikyu Series a changé de nom en 1996 pour devenir la SUPER N1 Taikyu, puis Super Taikyu en 1998. Avec ce changement d’appellation, les catégories ont été revues : Class 1 + de 3500cc, Class 2 quatre roues motrices de 2000 à 3500cc, Class 3 deux roues motrices de 2001 à 3000CC, Class 4 de 1501cc à 2000cc. En 2005, ces catégories sont devenues S1, ST2, ST3, ST4 (ST pour Super Taikyu),
Vers la fin des années 1990, beaucoup de concurrents souhaitaient que le Super Taikyu accepte les GT deux places, alors qu ’à l’origine la Série était réservée aux berlines quatre places. Quand STO a accepté l’engagement des GT Coupé, il a mis en place un handicap pour chaque voiture. A l’époque, en raison des réglementations de la FIA et de la JAF, c’était très difficile de mettre en place un système de handicap. Ce système mis en place par STO était basé sur le poids des voitures et sur les pneumatiques.
La Porsche Carrera Cup fut acceptée en Super Taikyu en 2003. Cette Carrer a du Super Taikyu était exclusivement destinée à la compétition, mais STO lui imposait les lourdes portières de la Carrera de série de même que les roues à cinq écrous. Cependant, la Porsche était rapide et devint la star du Super Taikyu en lieu et place de la Nissan Skyline GTR au milieu des années 2000.
Cette réglementation spécifique du Super Taikyu fit beaucoup d’effet auprès des participants. Afin de concurrencer la Porsche, Nissan et NISMO préparèrent une Nissan Fairlady Z33 et l’engagèrent en Super Taikyu.
La réglementation a évolué. En 2019 a été créée une catégorie moins de 1500cc et en 2011 STO a admis les GT3, le GT3 étant actuellement la catégorie reine du Super Taikyu, Cependant, contrairement à la plupart des Séries mondiales qui appliquent la Balance de Performance définie par SRO, le Super Taikyu applique sa propre Balance de Performance.
A l’origine, le Super Taikyu était régi par Mr Mitsuru Kuwayama pour le compte de STO, Promoteur et Secrétaire Général de la Série. Mitsuru Kuwayama, figure marquante de la Série, est décédé en 2013. Son épouse, Mme Harumi Kuwayama aaccepté de lui succéder au poste de Secrétaire Général et de prendre ainsi la tête de l’Organisation.”
Quelles ont été les principales épreuves du Super Taikyu ?
« De 1994 à 2008, le Tokachi International Speedway, dans l’île de Hokkaido, a accueilli les 24 Heures de Tokachi, qui faisaient partie intégrante de la Super Taikyu Series, même si les équipes et les voitures du SUPER GT pouvaient y participer. C’est ainsi qu’une Toyota Supra HV-R hybride s’est imposée pour la première fois, en 2007.
Comme dans d’autres Séries, telles que le VLN, beaucoup d’équipes privées sont intéressées par le Super Taikyu et moins par le SUPER GT où les grands constructeurs sont très impliqués, c’est pourquoi le Super Taikyu est basé sur une grande participation d’équipes privées. C’est peut-être ce qui explique qu’il n’y ait pas toujours .beaucoup de public en Super Taikyu, même si nous avons de très bons concurrents, comme le Kondo Racing ou le Clearwater Racing, qui a participé au mois de juin aux 24 Heures du Mans. Cette année, les 9 Heures de Fuji, remportées par la Nissan GT-R du Kondo Racing, ont attiré 23 000 spectateurs.
Par comparaison avec le SUPER GT, le Super Taikyu n’a pas le soutien des constructeurs. STO et Mitsuru Kuwayama ont eu pour objectif un développement progressif du Super Taikyu en Asie du Sud-Est . Des courses en Malaisie, à Singapour, en Thaïlande, en Corée du Sud, ont été envisagées et en 2013, trois mois après le décès de Mitsuru Kuwayama une course a eu lieu en Corée sur l’Inje Stadium.
La Super Taikuu Series attire beaucoup de concurrents même si après le Grand Tremblement de Terre de 2011, le nombre des engagés avait chuté, avec moins d’une vingtaine d’engagés. Le décès en 2013 de Mitsuru Kuwayama avait également laissé des craintes, mais le nombre d’engagés est ensuite considérablement remonté.
Dernièrement, le nombre d’engagés par course est limité à 45 sur les circuits japonais, et ces dernières années le Super Taikyu a dû refuser des demandes d’engagement en 2014. Après avoir négocié avec la Fédération du Sport Automobile Japonaise, STO a pu accepter 50 engagés en 2015 et 65 à Motegi et à Fuji. Malheureusement, il a été impossible d’avoir 60 engagés à Sugo, Okayama et Autopolis, alors qu’à Suzuka le nombre de voitures a été limité à 45.”
Quelle est la structure actuelle de la Super Taikyu Series ?
« Cette année, le Super Taikyu comporte deux Groupes (Groupe 1 et Groupe 2), avec quatre catégories pour le Groupe 1 (ST-X, ST-1, ST-2 et ST-3) et deux pour le Groupe 2 (ST4 et ST5), avec une course de 5 heures à Motegi, une course de 3 heures à Sugo, une course 4 heures à Suzuka et une course de 9 heures à Fuji et une course de 3 heures à Okayama et Autopolis.
La catégorie reine est la ST-X qui regroupe les GT3 et où on trouve des Nissan GT-R, des Porsche 911 GT3 R , des Mercedes SLS GT3, des BMW Z4 GT3, des Ferrari 458 et 488 GT3, une McLaren 650S GT3 et une Audi R8 LMS, Cette année, les Nissan GT-R dominent le championnat et ont remporté les quatre premières courses.
ST-1 : Porsche 991, BMW Z4 Coupé
ST-2 : Subaru WRX, Mitsubishi Lancer…
ST-3 : Lexus IS350, Nissan Fairlady…
ST-4 : Mazda Roadster, Honda S2000, Subaru BRZ, Toyota 86…
ST-5 : Mazda Demio, Honda Fit RS, Toyota Vitz RS
Alors qu’il reste deux courses, à Okayama et à Autopolis, celle qui a eu le plus de succès est celle de Fuji, avec 65 engagés, à comparer avec 43 engagés pour le SUPER GT, le maximum en 2016 . Nous espérons avoir encore plus d’engagés à l’avenir, et nous espérons pouvoir accepter 75 voitures en 2017. Ces dernières années, nous avons eu de nombreuses équipes de valeur venant de l’Asie du Sud-Est, comme le Clearwater Racing, un team de Singapour, qui a participé cette année aux 24 Heures du Mans, et nous espérons en avoir d’autres de ce niveau. Nous avons également beaucoup de demandes émanant de circuits d’Asie du Sud-Est, mais nous sommes en ce moment contraints de décliner leur offre, car il est important tout d’abord que nous établissions fermement notre position au Japon. »
Mrs Kuwayama, quelle est votre vision de la Super Taikyu Series ?
« Comme vous le savez, le Super Taikyu n’est pas une Série de constructeurs. Nous ne sommes liés à aucun d’entre eux. Ce que je continue à faire, c’est procurer du plaisir aux spectateurs ; pour un promoteur, c’est important que les gens puissent se rassembler et être heureux sur place. Ma vision de la Super Taikyu Series peut se résumer à un mot japonais, difficilement traduisible : “IROKE”, qui fait appel à des notions de plaisir, de désir, de charme, de séduction. C’est une notion réellement importante, il faut que les gens prennent du plaisir.
En outre, je pense la notion d’une compétition basée sur des profits trop importants doit être abandonnée. Quand je mets sur pied l’organisation d’une course, je ne cherche pas à lésiner. Je pense que l’intérêt personnel doit passer en dernier. Il est important que le promoteur ne soit pas le seul à profiter du Super Taikyu, il faut également que les teams participants en retirent aussi un avantage.
Ma réussite est due au staff qui m’a soutenue avec passion depuis longtemps et qui m’a bien aidée, aussi je crois que je dois les payer de retour. Mon mari est décédé il y a trois ans et demi, et je vois bien que je suis encore inexpérimentée, donc je fais une totale confiance à mon staff qui est très compétent. J’ai toujours la Série à l’esprit et je laisse toujours place aux sentiments. La Super Taikyu Series en est à son vingt-cinquième anniversaire. Je crois qu’il faut parfois changer des choses, et évoluer. C’est la direction que je souhaite sans hésitation pour aller de l’avant, et je pense que le succès suivra. »
La Super Taikyu Series est actuellement dominée par les Nissan GT-R qui occupent actuellement les trois premières places du classement à deux manches de la fin de saison.
La Nissan n°24 du Kondo Racing (Tomonobu Fujii/Kazuki Hiramine/Yudai Uchida) est leader de ce classement (3 victoires en 4 courses) devant la Nissan n°3 (victorieuse à Suzuka) du team Endless Sport (Yuke Taniguchi/Kyosuke Mineo/Hideki Yamauchi) et la Nissan n°5 de l’équipe Mach Makers/GTnet Motor Sports (Kazuki Hoshino/Takeshi Shirai/ Kiyoto Fujinari), la plupart de ces pilotes courant également en SUPER GT, Kazuki Hoshino (2008 et 2010) et Kyosuke Mineo (2012) ayant même été champions en GT300.
Nous remercions Hidenori Suzuki pour son aide. Vous trouverez ses photos de la Super Taikyu ici