Habitué à rouler aux quatre coins du monde, Fred Mako relève un nouveau challenge cette année avec le WeatherTech SportsCar Championship sur l’une des deux Porsche 911 RSR officielles qu’il partage avec Earl Bamber. En seulement quatre courses, le Nordiste n’a pu que constater le niveau de la catégorie GTLM, mais il en faudrait plus pour déstabiliser l’un des meilleurs pilotes GT de sa génération. Après avoir brillé au Japon en SUPER GT, le lauréat des 1000 km de Suzuka 2013 veut vivre pleinement son rêve américain en faisant tout pour garder les couronnes dans le camp Porsche. Entretien avec l’une des figures incontournables du monde du GT…
Quel est le bilan après quatre courses ?
« Positif avec trois podiums en quatre courses. Sans l’erreur de Long Beach, cela faisait quatre sur quatre. Ces bons résultats nous permettent de pointer à la deuxième place du championnat. Cependant, rien n’est gagné car il nous en manque encore en performance. Avec une 911 RSR « updatée », on ne peut pas autant exploiter le règlement que les constructeurs qui ont de nouvelles autos. L’équipe a fourni un travail énorme pour optimiser le tout. Il ne faut pas voir l’auto actuelle comme un handicap. On ne peut pas nier que la concurrence a de plus en plus d’expérience avec les nouvelles GTE. Il faut juste surveiller que le fossé ne se creuse pas. Jusqu’à présent, nous avons eu deux courses longues et deux courtes. Avec une bonne stratégie mise en place par l’équipe, on peut aller chercher de bons résultats. On savait que ce serait plus dur cette année mais nous n’avons rien à perdre. »
L’équilibre entre les GTE est plutôt bon ?
« L’IMSA fait du très bon travail en ôtant tout le côté politique. Tout est analysé et adapté en conséquence. On ne peut pas dire que Corvette et Ford aient un avantage parce qu’ils sont américains. Il ne faut surtout pas oublier que c’est compliqué de mettre en place une bonne BOP. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte. Les circuits sont différents, l’utilisation des pneumatiques n’est pas la même. La nouvelle réglementation GTE permet de voir des autos plus performantes. Celles qui roulent cette année en FIA WEC ont approximativement le niveau du WeatherTech de fin 2015. La BOP est axée sur les données récoltées par le législateur et il faut s’assurer qu’elle ne devienne pas une balance de résultats. »
Satisfait de rouler aux Etats-Unis ?
« C’est une autre philosophie avec des formats différents du FIA WEC. Les courses vont de 1h40 à 24 heures. Jusque-là, je connaissais les circuits empruntés mais les choses vont changer avec l’arrivée de Lime Rock ou Road America. L’atmosphère du championnat est vraiment agréable. Sur la proximité avec les fans, cela me rappelle le Japon où tout est très ouvert. Le FIA WEC a aussi fait des efforts sur cet aspect proximité et on ne peut que s’en féliciter. C’est important de garder le contact avec les fans qui ont envie de partager leur passion, comme nous voulons faire partager la notre. Ils ont une bonne connaissance du sport auto avec des fans très axés sur une marque bien spécifique. »
L’entente avec Earl est bonne ?
« Techniquement, nous avons un retour identique et on partage énormément. On travaille dans la même direction et l’entente est parfaite. En WeatherTech, tous les paramètres sont importants. Chaque détail est optimisé. »
Les nouvelles gommes ont donné satisfaction ?
« Il faut apprendre à connaître les pneus 2016 du FIA WEC. On connaît tous l’importance du pneu dans la performance. La nouvelle gamme est différente avec une bonne constante. Porsche a quand même une auto en FIA WEC, ce qui permet d’avoir des données en vue des 24 Heures du Mans. »
A quoi faut-il s’attendre au Mans dans le camp Porsche ?
« On a vécu des 24 Heures du Mans 2015 très compliquées et si rien ne change d’ici-là, ce sera aussi compliqué cette année, voire plus, sachant que le niveau est monté d’un cran. Chacun a ses points forts et ses points faibles. Le plus gros candidat reste Corvette qui a une auto éprouvée, fiable, mais avec seulement deux autos au départ. Le handicap est là même si on a pu voir en 2015 qu’avec une seule auto, Corvette a gagné. Porsche et Ferrari auront trois autos, Ford quatre. Le législateur doit en plus balancer des autos équipées d’un moteur turbo alors que d’autres ont un moteur atmosphérique. Un moteur turbo a des contraintes différentes avec un refroidissement qui revêt une grosse importance. Plus le refroidissement est efficace, plus la performance est constante. La nouvelle réglementation met en avant une fenêtre de performance qui est beaucoup trop basse par rapport aux possibilités des nouvelles règles. La fenêtre est bien pensée mais tout réside dans le fait de bien balancer le tout. »
Avant Le Mans, il va y avoir les 24 Heures du Nürburgring. Porsche a une belle carte à jouer avec la nouvelle 911 GT3-R ?
« Nous sommes satisfaits de la tournure des choses. On continue d’apprendre la nouvelle auto. Je vais débuter aux 24 Heures. Cette épreuve fait partie des grosses courses qui ont un passé colossal. On partage la piste avec les amateurs. Certains aiment, d’autres non, mais c’est aussi le charme de cette course si atypique. Il arrive que l’on soit déboussolé en ayant des repères assez éloignés de ce que l’on connaît. On ne peut pas connaître chaque centimètre du circuit. Sur un tracé traditionnel, on passe au même endroit une fois toutes les deux minutes, là c’est toutes les huit minutes. Le trafic est important avec des écarts entre les autos, ce qui rend un tour parfait quasiment impossible. Les modifications apportées sur la sécurité vont dans le bon sens. En revanche, on a ôté des chevaux mais les autos ont plus de grip et d’aéro avec des vitesses de passage dans les virages très élevées. Les GT3 ont bien évolué ces dernières années. »
Justement, la catégorie fête cette année ses10 ans…
« J’étais présent lors de la toute première course à Silverstone en 2006 sur une Dodge Viper Competition Coupe alignée par Racing Logistics. A cette époque, je disputais la Cup chez Larbre et Jack Leconte m’a donné ma chance à l’international. La catégorie GT3 m’a permis de gravir les échelons. De 2006 à 2009, j’ai toujours roulé en GT3, exception faite d’une manche FIA-GT sur une Ferrari 550. Dix ans plus tard, on a des autos qui sont fiables. Si on prend le cas de la Porsche, en 2006 c’était une Cup de base qui a reçu quelques évolutions en cours d’année. Même avec le temps, les GT3 sont assez aseptisées car elles étaient initialement réservées aux gentlemen. On se fait plaisir à son volant même si une GT3 n’a pas l’âme d’une GTE. La BOP fait que les autos sont assez proches et c’est certainement le plus gros succès du GT depuis des années. Les constructeurs vendent des autos et il n’y a jamais eu autant de GT3 neuves en piste. Stéphane Ratel a mis en place un très beau championnat Blancpain. Il y a des équipes de très haut niveau en Blancpain et SRO a su créer un mix Endurance/Sprint qui fonctionne à merveille. De là à dire que c’est le meilleur championnat GT du monde, le raccourci est trop facile. C’est certainement très européen d’avoir ce type de raisonnement. Il y a le SUPER GT, le TC2000, le Stock Car brésilien, le V8 Supercars et même le WeatherTech.
« En 2010, il n’y avait que 24 autos en World GT1. Le plateau était fabuleux avec 6 marques. C’était un championnat réservé aux professionnels, alors que le GT3 est plus axé sur le mix Pro-Am. Chaque championnat a ses propres spécificités. Que dire également du niveau du GTE aux 24 Heures du Mans… Chaque année, j’ai les mêmes frissons en arrivant au Mans avec cette atmosphère électrique qui monte petit à petit. »
Et voir des GT3 au Mans ?
« C’est une question qui fait débat avec des pour et des contre. Les GTE sont étranglées au niveau des brides et le développement coûte beaucoup d’argent. On pourrait se dire que le GT-Am soit le terrain de jeu des GT3. Il faudrait alors avoir un bon équilibre entre les deux classes, ce qui n’est pas le plus évident. »
Après avoir brillé au Japon et aux Etats-Unis, quelles sont les prochaines envies ?
« Rouler à Bathurst ! La cerise sur le gâteau serait de prendre part à une manche V8 Supercars. Ce n’est pas un championnat où on arrive la fleur au fusil. Le SUPER GT m’a appris cela. C’est difficile depuis l’Europe de voir ce qui s’y passe. J’ai maintenant la possibilité de rouler pour un constructeur présent partout dans le monde. C’est une chance de pouvoir faire mon métier dans des conditions privilégiées. »