Après un début de saison difficile des Porsche 911 RSR dans le TUDOR United SportsCar Championship, les GT de Stuttgart ont redressé la tête dans les Six Heures de Watkins Glen, avec la victoire de la Porsche Falken Tire et même un doublé.
Le Dr Frank-Steffen Walliser, en charge de Porsche Motorsport et des modèles de série, s’est confié sur son travail quotidien qui se veut d’ailleurs être plus une passion qu’un travail.
Dr Walliser, comment jugeriez-vous cette victoire, dans la course la plus difficile de la saison aux USA jusqu’à maintenant?
« Plusieurs facteurs sont intervenus simultanément à Watkins Glen. Falken Tire a employé une stratégie risquée mais intelligente. La météo capricieuse avec des changements de conditions permanents ont joué en notre faveur. Ce n’est pas exactement un secret de dire que notre 911 RSR se comporte particulièrement bien sous la pluie. Cependant, les pilotes ont dû réussir à garder la voiture sur la piste et ne pas faire de fautes. Mais, malgré notre victoire, la course ne s’est pas entièrement déroulée sans mésaventure pour nous. Aucun des pitstops ne s’est parfaitement déroulé. Même si nous sommes très satisfaits, nous savons bien que nous avons encore des choses à améliorer. »
Ce prochain dimanche, c’est Mosport. Que pouvez-vous améliorer d’ici là ?
« Nous pouvons certainement nous efforcer d’améliorer nos pitstops et d’essayer de mieux répondre aux situations inattendues. C’est possible entre deux courses. Nos pilotes et nos teams sont extrêmement motivés, et après ce doublé, je suis sûr qu’ils feront encore mieux à Mosport. »
Après une première demi-saison sans aucune victoire, est-ce le tournant ?
« Cette victoire va certainement renforcer la motivation. Il est trop tôt pour parler de tournant. La course a été extrême. Cependant à ce stade, si nous pouvions gagner sur une piste sèche au cours d’une course qui ne soit pas constamment hachée par des neutralisations et des interruptions, alors je dirais que nous avons renversé la situation. »
En tant que Patron du sport automobile chez Porsche, vous êtes aussi responsable des GT de série. Cela veut-il dire que la semaine vous construisez des voitures routières et que le week-end vous les faites courir ?
« En réalité, nous sommes aussi très occupés à travailler sur les voitures de course pendant la semaine. La compétition et la production fonctionnent plutôt bien en tandem. Après tout, notre 911 RSR, que nous faisons courir dans le FIA WEC et le TUSC, est basée sur la septième génération de l’emblématique 911. Depuis que j’ai pris mes fonctions en octobre 2014, je suis en fait très concentré sur des projets de développement des voitures de production, et j’ai travaillé pour que la 911 GT3 RS et la Cayman GT4 puissent aller sur la route. Tout ce qui concerne le développement des voitures de série comprend des processus techniques complexes. Mais là aussi également, cela demande des progrès rapides et de la concentration. Les défis auxquels nous faisons face ne sont pas tellement différents. Avoir la responsabilité à la fois des voitures de série et des voitures de course, c’est une part essentielle de mon job. »
Quel est le job idéal ?
« J’ai un ventricule gauche et un ventricule droit – l’un est dédié à la compétition, l’autre à la production. Cela a toujours été ainsi. Être désormais responsable à la fois de la compétition GT et du développement des voitures de série, c’est extrêmement intéressant pour moi. Il n’y a pas au monde un autre job comme celui-ci. »
Cette double casquette doit certainement aider les transferts de technologie entre la course et la production..
« Le transfert de technologie est important et Porsche est l’un des rares constructeurs à ne pas le faire pour des raisons de marketing. Le sport automobile a un rôle moteur essentiel dans les nouvelles technologies. Un exemple : nous courons en GT avec des brides, en d’autres mots, l’entrée d’air dans les moteurs est restreinte. Si vous voulez beaucoup de puissance, on peut seulement y parvenir en réduisant les frictions internes et avec un degré d’efficacité très élevé. Nous avons gagné beaucoup d’expérience au cours des dernières années, spécialement avec le moteur atmosphérique, et vous remarquez que c’est raccord avec notre moteur des voitures de série. Les prises d’air latérales, par exemple, ont été testées sur la GT de course et transférées ensuite aux 911 GT3 routières. De cela, nous espérons des avantages avec de l’efficacité. C’est la même chose pour les éléments aérodynamiques tels que la position et la taille de l’aileron arrière. L’arrivée d’air centrale et diverses mesures d’efficacité dans le moteur, comme le concept d’un moteur tournant à des hauts régimes, tout cela provient de la voiture de course. Parce que ce sont les mêmes employés qui construisent les voitures de production et les voitures de course, une sorte de transfert de technologie naturel se met en place. Les collègues n’oublient pas ce qu’ils ont fait sur la voiture de course, mais transfèrent leur savoir-faire sur la voiture de course et essaient des choses qu’ils croient pouvoir marcher. »
Le transfert de technologie se produit-il en sens inverse – de la série vers la compétition ?
« Bien sûr. Le transfert de technologie circule toujours dans les deux directions. Par exemple, l’injection directe de notre moteur actuel vient de la production et a été appliquée en sport auto. Jusqu’à maintenant nous avions utilisé uniquement des collecteurs d’admission. Sur la 911 GT3-R, notre nouvelle voiture de course pour la catégorie FIA-GT3, nous utilisons l’injection directe qui a été pour la première fois introduite sur les moteurs Boxer des 911 GT3 routières. Nous espérons en tirer des avantages et de l’efficacité. Les échanges intensifs entre les collègues de la compétition et de la production sont pour nous une pratique quotidienne. Dans le département compétition, nous nous veillons beaucoup, naturellement, à nous assurer qu’autant de pièces détachées que possible proviennent de la voiture de base. En échange, les collègues du département production sont désireux de participer aux expériences venant du sport auto et adoptent des mesures appropriées sur la voiture de série. Par exemple, le sport auto a joué un rôle essentiel sur l’augmentation de l’empattement de la 911 actuelle. »
Quelle importance attachez-vous à l’hybridation en sport automobile ?
« Nous nous considérons comme des pionniers. Avec la 911 GT3-R Hybrid, nous avons fait déjà fait courir une voiture de course en 2010. Cela a souligné son énorme potentiel et en conséquence, cela a été le début des idées pour la 918 Spyder et la 919 Hybrid victorieuse au Mans. L’hybridation est également concevable pour les compétitions GT. Mais si on devait mettre en œuvre une telle règlementation, il n’y aurait actuellement pas de compétition. Nos opposants n’ont pas encore atteint ce stade. Aussi, l’hybridation n’est pas en tête de liste de nos priorités, particulièrement parce que le sujet est totalement couvert chez Porsche par la 919 Hybrid. En termes de compétition GT, mon pronostic est que quelque chose pourrait arriver dans cinq à six ans. »
En général, comment Porsche bénéficie-t-il de la course automobile ?
« Porsche est à l’endurance ce que la marque Scotch est au ruban adhésif. Si on peut dire, le sport automobile est une très importante image de marque. La toute première Porsche a disputé sa première course au bout de 14 jours et elle l’a gagnée. Pour nous, la course signifie la haute technologie, une tension élevée, une plongée dans la compétition et le fait de ne pas éviter les défis. Nous allons sur la piste avec de bons pilotes et de bonnes voitures et nous disons : maintenant voyons qui peut le mieux faire . Il n’y a pas d’excuses sur la piste. Celui qui gagne, c’est celui qui a fait le meilleur job. C’est pourquoi une victoire au Mans est aussi bien considérée. Avec les voitures de série, on fait également face à la concurrence, mais c’est rarement aussi direct. En sport automobile, on doit fournir la performance parfaite. Et on ne doit pas l’oublier, le sport auto est aussi quelque chose que nos employés et nos clients identifient, quel que soit le produit qu’ils conduisent. »
Earl Bamber et Nick Tandy, deux pilotes qui ont pratiquement fait leur apprentissage dans les coupes monomarque Porsche, étaient à bord de la voiture victorieuse au Mans. Pourquoi Porsche met-il autant l’accent sur la formation des jeunes pilotes ?
« Earl Bamber et Nick Tandy sont la meilleure réponse à cette question. Tous deux ont reçu la touche finale en tant que pilotes de course dans les séries Porsche monomarque. Ils courent également pour nous ce week-end à Mosport. Avant qu’ils deviennent pilotes d’usine, nous les connaissions non seulement par leurs résultats mais aussi en tant que personnes. Nous inculquons aux pilotes que nous soutenons davantage que ce qui concerne uniquement la compétition et les courses. Ils apprennent également des notions à propos de la forme physique, de connaissance des media, de la gestion du temps et de toutes les choses qui font un parfait pilote de course. S’ils ont couru dans des séries monomarque, nous avons une idée très nette des jeunes pilotes de talent, car des séries comme la Porsche Carrera Cup et la Porsche Mobil 1 Supercup sont de vrais championnats de pilotes. Notre programme de développement des jeunes pilotes que nous avons lancé en 1997 avec le premier team Porsche Junior est un programme consistant, sur le long terme, et qui marche bien. Beaucoup de nos pilotes officiels actuels en viennent. Cela montre une fois de plus que Porsche ouvre la porte à tous ceux qui sont talentueux et qui sont vraiment rapides. »
La 911 RSR victorieuse à Watkins Glen était alignée par le team client Falken Tire. A quel point le programme compétition-client est-il important pour Porsche ?
« Le service compétition a une longue tradition chez Porsche. Nous croyons qu’il est très important, non seulement d’avoir un programme officiel mais aussi d’offrir nos véhicules et notre compétence à nos clients. De nombreux succès de Porsche Motorsport ont été acquis par des équipes clientes, dont d’importantes victoires au Mans et d’autres remarquables succès dans des courses de 24 Heures comme à Daytona ou au Nürburgring. Près de 600 clients à travers le monde font courir nos voitures. Nous leur devons d’importants chapitres de la riche histoire de Porsche Motorsport. »
Qu’y a-t-il de si attractif pour que les teams placent leur confiance envers Porsche ?
« En premier lieu, naturellement nous offrons de bons véhicules, qu’ils peuvent faire courir avec succès eux-mêmes. Le dernier produit course en date est la 911 GT3-R. Ensuite, vient le service compétition-client que les circuits. Nous sommes sur place avec nos camions et nous aidons nos clients grâce à nos conseils et notre assistance technique et, bien sûr, avec les pièces détachées. Au Mans, par exemple, le moteur et la carrosserie de la 911 d’un team client asiatique avait été très endommagés en fin de la soirée du jeudi. Bien sûr, ils voulaient courir, ils avaient fait un long voyage et on ne court Le Mans qu’une fois par an. Aussi, nous les avons aidés à remettre la voiture en piste le samedi pour le warm-up. C’est juste un tour de force qu’on peut seulement accomplir si on est bien préparé. Nos clients le savent et ils nous font confiance. »
Les teams clients fournissent-ils aussi en retour des expériences qui font progresser Porsche Motorsport ?
« Absolument. Nos clients sont engagés profondément avec le produit et en conséquence possèdent une expérience très riche. Ils font courir nos voitures chaque week-end à travers le globe. Beaucoup de très belles idées circulent, elles reviennent vers nous et nous les collectons avec bonheur. C’est un transfert de technologie pour tout le monde –pour nous et nos clients. »