Il avait tout pour aller en Formule 1 mais c’est l’Endurance qui lui a finalement donné un CV long comme le bras. Il a été tour à tour pilote Porsche, Toyota, Corvette, Pescarolo. Au fil des années, Manu Collard s’est forgé l’un des plus beaux palmarès en Endurance. Depuis 2012, le Parisien fait cause commune avec son compère devenu ami François Perrodo. Pour cette campagne mondiale 2015 chez AF Corse, le tandem est rejoint par Rui Aguas. Retour avec Manu Collard qui compte déjà 20 participations aux 24 Heures du Mans.
Comment es-tu arrivé chez Porsche à la fin des années 90 ?
« Tout s’est fait naturellement. La Formule 1 était bouchée même si j’étais proche de rouler pour Tyrell ou Jordan. Sans argent, c’était déjà compliqué à cette époque. Je me suis donc tourné vers la Porsche Supercup que j’ai gagné. Le deal était d’avoir la possibilité de tester la Porsche 911 GT1. L’essai disputé en fin d’année s’était bien déroulé sachant que Porsche avait décidé de me faire rouler à Zhuhai. Résultat, j’ai gagné la course avec Ralf Kelleners. Porsche m’a ensuite proposé un volant d’usine pour 1997 pour piloter la 911 GT1 aux 24 Heures du Mans. En parallèle, je roulais sur une Ferrari 333 SP en ISRS avec le JMB Racing. L’histoire avec Porsche a démarré comme cela. »
Tu avais déjà tiré un trait sur la Formule 1 ?
« Non pas vraiment car j’ambitionnais toujours de rouler en F1. J’ai d’ailleurs pu tester la Prost GP dans la foulée des 24 Heures du Mans, mais là aussi c’est resté sans lendemain. Elf m’avait conseillé de rejoindre Toyota dans le programme Endurance. L’idée était donc de rouler pour eux en Endurance afin d’arriver en F1. J’avais la possibilité de prolonger avec Porsche qui était soutenu par Mobil. Il a fallu faire un choix et j’ai choisi Toyota pour deux ans. Avec le recul, je n’ai pas de regret même si je ne suis pas allé en F1 avec Toyota. La GT-One était une auto incroyable. Avant de venir au Mans, nous avions disputé quatre ou cinq simulations de 30 heures. Il y avait une grosse pression car il fallait gagner coûte que coûte. »
Sauf que Toyota n’a jamais gagné Le Mans…
« Lors des simulations, nous n’avions pas rencontré le moindre souci. La voiture était très bonne mais au Mans, nous avons eu une multitude de petits soucis. Comme quoi Le Mans reste Le Mans. Il faut tout de même avoir un brin de réussite. J’ai aussi connu ce genre de situation avec Porsche avec la 911 GT1 et l’incendie, mais aussi avec Pescarolo. Après l’épopée Toyota, Cadillac m’a permis de poursuivre en LMP durant trois ans avant un retour chez Porsche. »
Revenir chez Porsche a été facile ?
« Pas vraiment car ils avaient assez mal vécu mon départ pour Toyota. Au final, ils ont compris que mon objectif était d’aller en F1. Mon retour chez Porsche s’est fait crescendo. J’ai d’abord fait une pige chez Freisinger en FIA-GT avant de signer un contrat de pilote officiel Porsche pour la saison 2003. Il y avait aussi en préparation la venue du RS Spyder. »
C’est aussi là qu’a débuté l’aventure avec Henri Pescarolo…
« Oui et non car j’avais déjà roulé pour Henri du temps de La Filière Elf. Avec Henri, ça a toujours été David contre Goliath. On avait la grosse cote au Mans. Ses prototypes fonctionnaient très bien. C’était un petit team dans une ambiance familiale. En 2005, il y avait tout pour gagner. L’auto était 4 ou 5 secondes plus vite que l’Audi. L’autre voiture de l’équipe n’avait pas rencontré le moindre problème, tout le contraire de la notre. »
On a ensuite failli te voir chez Peugeot…
« J’ai été contacté par Peugeot dès le début du programme mais encore une fois il fallait faire un choix. Je souhaitais un contrat de trois ans, ce que Peugeot ne pouvait pas me garantir. J’ai fait une fois le choix du changement, mais pas deux. J’ai décidé de rester chez Porsche pour démarrer le programme RS Spyder. Pour moi, rouler sur les courses longues en LM P2 aux Etats-Unis, en Europe sur la GT et disputer Le Mans chez Pescarolo me convenait complètement. Je suis arrivé en fin de contrat chez Porsche fin 2009. A chaque fois, c’était des contrats de trois ans. Il y avait des bruits comme quoi Porsche allait se séparer de pilotes par manque de programme. La douche froide est arrivée en décembre. J’ai ensuite décroché mon téléphone pour appeler Corvette. Doug Fehan m’a expliqué qu’il était intéressé mais que c’était trop tard. Par chance, Marcel Fässler est allé chez Audi et j’ai pris part à trois courses avec eux. »
Place maintenant à l’association avec François Perrodo. Une belle rencontre ?
« La rencontre a eu lieu à Le Mans Classic en 2012. Je n’avais aucune idée de qui il était. Dès le début, on s’est entendu. J’ai passé mon diplôme de moniteur et j’ai débuté l’aventure avec lui. C’est un vrai régal de partager le volant avec François. Notre début de saison est plutôt bon avec deux podiums. La Ferrari a l’avantage de fonctionner partout et le team la connaît sur le bout des doigts. De plus, elle est facile pour un gentleman. »
Un regret depuis tes débuts en Endurance ?
« Le Mans 2005 restera comme une grande déception car tout était réuni pour l’emporter. Le problème de boîte de vitesses était connu. L’équipe a fait rentrer Eric pour faire une réparation de fortune qui n’a pas été concluante. Au final la boîte de vitesses a été changée et nous avons perdu sept tours. Malgré tout, le podium reste un grand moment surtout qu’on a gagné le championnat. Aujourd’hui, ce ne serait plus possible. »
Selon toi, l’Endurance est promise à un bel avenir ?
« L’avenir du sport automobile passe par l’Endurance. Le FIA WEC est un très beau championnat où les courses sont belles et disputées. Il y a des constructeurs en LM P1, de très bonnes équipes en LM P2 et un plateau incroyable en GTE. Les gens adorent et c’est un peu une pique à la F1 où les courses sont souvent ennuyeuses. C’est plutôt un signe encourageant pour le futur. Il faudrait tout de même revoir l’équilibre entre les catégories car les écarts sont trop importants, ce qui n’est pas sans poser de problèmes. »