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Catégorisation de pilotes : Elle fait des mariages mais aussi des divorces…

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La catégorisation de pilotes fait partie du paysage de l’Endurance depuis bien longtemps. Initiée par Stéphane Ratel dans ce que l’on peut appeler l’ancêtre du Lamborghini Blancpain Super Trofeo où ne parlait pas encore de Huracan mais bien de Diablo, cette catégorisation est vite devenue incontournable. Le patron de SRO Motorsports Group a rapidement compris l’intérêt de classer les pilotes. A l’époque, il fallait surtout surveiller les ‘pairings’. La présence de plus en plus soutenue des gentlemen a accentué le phénomène, si bien qu’il a fallu rentrer chaque pilote dans une case, et plus précisément dans quatre cases : Platinum, Gold, Argent, Bronze.

Le cas des Platinum est vite réglé puisqu’il concerne les pilotes officiels et ceux qui ont un palmarès bien fourni. Le cas des autres classifications prête plus à discussion si bien que le système arrive à saturation. Contrairement à tous les sports où il faut être le plus capé possible, en sport automobile, c’est plutôt l’inverse avec un Silver qui devient plus alléchant pour une équipe qu’un Gold. Il y a encore quelques années, chaque championnat faisait sa propre popote avec des classifications qui pouvaient varier d’un championnat à l’autre. Depuis peu, la FIA, l’ACO et SRO établissent une liste commune bien plus compréhensible pour tout le monde. Comme nous français ne faisons rien comme les autres, feu le Championnat de France avait sa propre classification. Les Commissions Sportives des championnats se réservent le droit d’apporter des modifications à la catégorie publiée par la FIA selon les critères GT et Endurance. Une dérogation temporaire peut être donnée à un pilote.

Catégoriser un pilote n’est pas chose facile surtout que certains peuvent prêter à discussion. C’est le cas en LM P2, GTE-Am, Pro-Am et Am-Cup, soit dans tous les championnats où on associe des Pros et des Gentlemen (le mot gentlemen nous semble plus approprié qu’amateur). Le postulat de l’équipe est clair : réunir le meilleur équipage, flirter avec les catégories, dénicher la perle rare qui sera capable d’aligner les temps sans faiblir.

On va prendre trois cas concrets qui reviennent régulièrement dans les discussions : Roman Rusinov, Julien Canal, Pierre Thiriet. Tous trois sont Silver avec un talent indéniable et ils sont capables d’aller au charbon en piste quand il le faut. Doit-on pour autant les passer Gold ? Les trois ont renoncé à toute carrière professionnelle depuis bien longtemps, ils ont un métier et se sont entourés d’un professionnel pour les faire progresser. N’est ce pas le propre d’un gentleman ? Il faudrait donc pénaliser des pilotes qui font ce qu’il faut pour progresser ? Il y a encore quelques années, le gentleman était considéré comme un pestiféré (désolé si le mot est fort), un vulgaire payeur qui voulait flamber sur les circuits. Sauf que les temps ont changé et que les gentlemen se sont entourés des bonnes personnes en roulant de plus en plus. « Prendre part à des séances d’essais m’a fait énormément progressé » nous confiait François Perrodo avant le début de saison. En peu de temps, le Français est devenu l’un des meilleurs gentlemen en GT au contact d’un Manu Collard. Le professeur a parfaitement fait progresser l’élève : une relation sur le long terme, des essais, de la communication. Les Rusinov, Canal et Thiriet ne font pas du sport tous les jours et ne roulent quasiment pas en dehors des meetings. Les passer Gold reviendrait à les condamner, pas eux personnellement, mais l’équipage vu qu’il faut respecter les critères d’un trio. Le seul bémol est de déclasser un pilote l’année où il remporte un titre.

SRO a mis en place l’année passée un Sean Edwards Test où des questions sur les différentes procédures sont posées individuellement à chaque pilote. Ceux qui obtiennent les meilleurs résultats sont les Gentlemen. La Blancpain GT Series a instauré un Bronze Test  pour que les gentlemen se retrouvent entre eux en piste avant les essais libres. De quoi rouler sans avoir la pression des professionnels qui vous arrivent dessus à la vitesse d’un Concorde. Quelques gentlemen n’hésitent pas à multiplier les séries sur un même week-end, ce qui n’est pas sans donner du temps de piste supplémentaire face à ceux qui ne disputent qu’un championnat.

Pour résumer la chose, on a critiqué les gentlemen à une époque car ils n’avaient pas le niveau et maintenant on voudrait les mettre professionnels car ils ont progressé.“On pilote par amour de la compétition” nous a confié Henry Hassid, qui fait partie des vrais gentlemen talentueux. “Sur un circuit, on ne se coupe jamais vraiment du monde professionnel. On passe des appels, on répond à des mails, on prend des décisions. On veut juste que tout le monde soit logé à la même enseigne.”

Des équipages prêtent tout de même à confusion et l’un des pilotes les plus mécontents du système est justement Henry Hassid, 2ème des 24 Heures de Spa dans la classe Pro-Am. « Le résultat de Spa est pour moi une incompréhension totale » martèle Henry Hassid. « Notre équipage a été monté dans la stricte philosophie du Pro-Am (ndlr : Henry Hassid partageait son volant avec Philippe Giauque, Nicolas Lapierre et Franck Perera). Avec Philippe, nous avons roulé quatre heures chacun. Il n’y a pas de temps minimum pour les équipages à deux Bronze. Il faut m’expliquer comment on arrive à déclasser un pilote de Silver à Bronze juste avant les 24 Heures de Spa dans l’équipage victorieux, ce qui a permis à trois pilotes de boucler 97% de la course. J’ai acheté une boule de cristal et je suis sûr que l’année prochaine, il y aura un temps minimum. En attendant, nous avons perdu de gros points au championnat et je ne trouve pas cela très correct. Même quand je roule avec Franck Perera, je sais que je n’arriverais jamais à son niveau. Il a débuté la course à 6 ans, moi à 40.  Chacun sa place. Il ne peut pas y avoir de tels changements avant la course principale de l’année. C’est la même chose en Blancpain Lamborghini Super Trofeo où un pilote roule seul en Pro-Am alors qu’il est à 0.2s des meilleurs. Il faut m’expliquer comment on peut être Pro et Am à la fois. »

Habitué à faire rouler des gentlemen depuis bien longtemps, Jérôme Policand (Team AKKA-ASP) sait que trouver la bonne alchimie n’est pas facile : « Selon moi, à partir de la F4, c’est Gold de suite. Il n’y a pas que la vitesse qui compte. Qui a le plus de difficultés lors des relances ? Qui prend le plus de pénalités ? Les jeunes ont une marge de progression bien plus importante. Vincent Abril en est le parfait exemple. En quatre ans, il est passé de Bronze à pilote officiel. Il ne faut pas oublier que l’on fait de la compétition. Les gentlemen de maintenant étaient les sponsors d’hier. Ce qui est paradoxal, c’est que le champion d’une série qui passerait Gold aurait plus de mal à trouver un volant que le 10ème du championnat qui lui serait Silver. Le ‘pairing’ a une grosse importance. »

De nos jours, les gentlemen amènent de l’argent pour rouler et gagner. Le temps du simple sticker sur le capot est révolu. Les championnats se sont professionnalisés au fil des saisons. On le voit en Blancpain GT Series qui regroupe une majorité d’équipages professionnels. C’est également le cas des séries labellisées ACO. La recette miracle n’existe pas. Il faut balancer les autos mais aussi les équipages. Mon cas personnel est quant à lui très clair, je resterai Bronze toute ma vie. Avis aux équipes…

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