Pour son retour en compétition la saison dernière, le Newblood by Morand Racing a opté pour l’European Le Mans Series et les 24 Heures du Mans avec une Morgan LM P2. Le team dirigé par Benoit Morand revient en année 2 avec de grandes ambitions. Christian Klien fait office de leader de l’équipage de la Morgan LM P2 partagée avec Gary Hirsch et Romain Brandela. La LM P2 de l’écurie suisse a d’ailleurs bien failli s’imposer en ELMS à Imola lors du dernier rendez-vous. Le Newblood by Morand Racing s’est fait un point d’honneur à briller au Mans. Dès les Vérifications Techniques et Administratives, les troupes de Benoit Morand ont fait le buzz avec la présence des acteurs du film Five Thirteen. De quoi associer sport automobile et « people ». Malgré cette mise en avant de son équipe, Benoit Morand a bien conscience que l’avenir n’est pas tout tracé et qu’il va falloir se battre pour survivre. Entretien avec un patron d’équipe qui dort mal la nuit…

Malgré de belles performances cette saison, on sent comme une certaine anxiété ?

 « Je suis heureux de participer à un championnat comme l’European Le Mans Series et disputer les 24 Heures du Mans en LM P2, mais j’ai de grosses craintes pour l’avenir. Les équipes privées n’arrivent plus à mettre en place un business plan sur le long terme. Au sein du Newblood by Morand Racing, on essaie de mettre en place quelque chose d’innovant avec la possibilité pour un pilote de gagner un volant pour disputer la saison ELMS et Le Mans en 2015. On prend des risques énormes. Les modalités seront annoncées ultérieurement. »

Le plateau LM P2 est tout de même beau…

 « On ne peut pas dire le contraire. Sur les 18 LM P2 présentes au Mans, quasiment la totalité peut l’emporter. C’est dire si le niveau est là. On a des jeunes pilotes tous aussi talentueux les uns que les autres. Il nous faut un soutien pour les faire rouler, comme par exemple une aide des constructeurs. Dans les années 80, chaque constructeur présent en Formule 1 mettait de l’argent dans une cagnotte pour les équipes privées. On se doit d’être une famille. Pourquoi le système fonctionne en NASCAR ? »

 Les équipes sont consultées avant les décisions finales ?

 « Il faut que tout le monde se mette réellement autour de la table car actuellement on doit faire le show et payer le show. Actuellement, les partenaires ont la possibilité de faire autre chose que du sport automobile. A titre d’exemple, l’opération montée avec les acteurs de Five Thirteen peut sauver notre fin de saison. »

Faudrait-il mettre en place un genre de syndicat avec un représentant des équipes privées ?

 « Pourquoi pas… Les gentlemen ont tendance à fuir la catégorie LM P2 car maintenant ils doivent payer pour eux mais aussi pour un autre pilote. »

 Comment attirer de jeunes pilotes ?

 « Supprimer la catégorisation de pilotes pourrait être une idée. Garder seulement les LM P1-H et LM P1-L en FIA WEC en est une autre. Il faut que les jeunes comprennent qu’un passage en Endurance peut aussi les aider à aller en Formule 1. On a connu cela dans le passé avec des Webber, Schumacher, Frentzen pour ne citer qu’eux. Il faut revenir à quelque chose de ce style. Porsche et Mercedes l’avaient bien compris à l’époque en faisant confiance à de très jeunes pilotes. Il faut pouvoir bâtir quelque chose. Actuellement, il y a trop d’incertitudes. A titre d’exemple, le coût des pièces pour Le Mans dépasse les 200 000 euros. Si mon équipe ne peut pas jouer les premiers rôles, cela ne m’intéresse pas. Un patron d’équipe, ça dort très mal la nuit. Pourtant, les partenaires s’intéressent à l’ELMS, ce qui n’était pas forcément le cas il y a quelques années. C’est un gros plus car on peut jouer le général et faire le spectacle. »

 Il faut donc sortir des sentiers battus ?

 « Il faut trouver d’autres axes que la course automobile pour attirer plus de monde. Le constructeur n’a pas vraiment besoin de cela car il a un produit. Nous, nous n’avons aucun produit à proposer. Il faut de nouvelles idées. Rien que la présence des acteurs dimanche dans le centre-ville du Mans a eu des retombées énormes, jusqu’aux Etats-Unis. On a d’autres idées dans les cartons. »

 Les plans pour 2015 sont finalisés ?

 « Comment pourrait-il en être ainsi ? Bien sûr, l’objectif est de poursuivre en ELMS avec Le Mans en cerise sur le gâteau. Il faut adapter le système à nos besoins plutôt que le révolutionner. Le monde change, donc le sport auto doit changer lui aussi. Par chance, nous avons le soutien de nos partenaires, d’Onroak Automotive, Judd et Dunlop. Pour chaque équipe, Le Mans fait partie de l’échiquier. Ne pas aller au Mans complique la donne afin de trouver des pilotes pour la saison. »