Ouvrons la cinquième partie de notre abécédaire des 24 Heures du Mans 2015, partie largement consacrée aux constructeurs.
N comme Nissan
La Nissan GT-R LM Nismo n°23 occupait la place centrale de l’affiche officielle des 24 Heures du Mans 2015 mais aucune des trois Nissan engagées ne figurera dans les classements de cette édition.
Pourtant, rarement un engagement usine aura fait autant parler de lui. Il est vrai que la firme nippone et Darren Cox n’ont pas été avares en communication ! Le concept de la GT-R LM était atypique etrévolutionnaire, avec un moteur placé à l’avant sous un capot démesuré, des roues AV plus grandes et plus larges que les roues AR –même si ceci a évolué par la suite- et un volant d’inertie pour redistribuer l’énergie aux roues avant.
Il est clair que les Nissan ont manqué cruellement de développement , si bien qu’initialement prévue pour courir dans la catégorie des 8 MJ, la plus élevée, les Nissan se sont rabattues sur la plus petite catégorie, 2 MJ. Nous étions probablement bien loin de la puissance maximale annoncée de 1600 chevaux, même si durant la Journée Test les Nissan GT-R LM ont affiché la meilleure vitesse de pointe maxi.
Les performances n’ont évidemment pas été à la hauteur de la communication. Dès la Journée Test, les Nissan étaient reléguées à des années-lumière des chronos des autres hybrides, Porsche, Audi et Toyota. Elles étaient largement devancées par les Rebellion R-One, pourtant débutantes elles aussi, et même par la CLM P1/01, autre rookie. L’une d’entre elles était même précédée par la meilleure des LMP2.
En course, les Nissan furent tout aussi dominées, avec des images télévisées cruellement parlantes : la Nissan dépassant nettement les meilleures LMP2 dans les Hunaudières, avant de se faire reprendre par ces mêmes LMP2 entre Indianapolis et les virages Ford !! Il y a du pain sur la planche.
Cependant, avant le départ de la course, combien de personnes auraient envisagé de voir une Nissan à l’arrivée ? Même si elle n’a pas été classée faute d’avoir couvert une distance insuffisante, en raison de ses multiples arrêts au stand, la Nissan n°22 de Michael Krumm/ Harry Tincknell/Alex Buncombe a vu le drapeau à damiers, alors que la Nissan n°23 de Olivier Pla/Jason Mardenborough/Max Chilton était encore en piste le dimanche après 12 heures…La Nissan n°21 avait dû abandonner prématurément samedi après que Tsugio Matsuda ait perdu une roue AV avant Mulsanne. Les présences de deux Nissan -légèrement plus rapides en course que pendant les essais- en fin de matinée du dimanche ont permis à Nissan et à son service presse de sauver la face en partie…
Concept erroné ou manque de développement ? L’avenir le dira, même si les sceptiques sont actuellement largement majoritaires…. Wait and see donc…
En revanche, il faut mettre au crédit de Nissan la totale mainmise sur le LMP2, les moteurs Nissan VK45DE ayant récolté les six premières places du classement final en LMP2 et ayant dominé les Judd et les HPD.
N comme Numéro
Jamais une voiture portant le n°19 n’avait remporté les 24 Heures du Mans. C’est désormais réparé, avec le succès de la Porsche 919 Hybrid de Earl Bamber/Nico Hülkenberg/Nick Tandy !
O comme Onroak Automotive
Le constructeur français était le plus représenté sur la grille de départ, avec neuf voitures, à égalité avec Porsche, ce qui n’est pas rien…
Sept Ligier JS P2 et deux Morgan EVO étaient en effet sur la grille de départ de ces 24 Heures. De plus, les packages étaient très diversifiés ; deux Ligier JS P2-Nissan pour G-Drive Racing, une Ligier JS P2-HPD et une Ligier JS P2-Nissan pour OAK Racing et Extreme Speed Motorsports, une Ligier JS P2-Judd pour le Krohn Racing, une Morgan-Nissan pour le Pegasus Racing Team Total et une Morgan badgée SARD pour le team SARD Morand, preuve de la belle adaptabilité des châssis.
En qualifications, Sam Bird plaçait sur la première ligne virtuelle du LMP2 la Ligier-Nissan n°26 du G-Drive Racing, une voiture qui allait être récompensée d’une belle course par la troisième place de la catégorie, dans le même tour que l’Oreca victorieuse. Une Ligier était donc sur le podium LMP2 comme en 2014, G-Drive complétant même cette troisième place par la quatrième de la JS P2 n°28. Extreme Speed Motorsports, pour ses débuts au Mans, avait la satisfaction d’amener ses deux JS P2-HPD à l’arrivée que voyaient également la Ligier-Nissan n°35 du OAK Racing pilotée par le patron en personne, Jacques Nicolet, épaulé par deux autres gentlemen drivers, Erik Maris et Jean-Jacques Merlin, ainsi que la Ligier-Judd du Krohn Racing.
Seule la Ligier-Honda n°34 avait dû renoncer en vue de l’arrivée, en raison de problèmes de boîte de vitesses.
Une des deux Morgan est à l’arrivée, la Morgan-Nissan n°29 du Pegasus Racing Team Total, alors que la Morgan-SARD du SARD-Morand a dû abandonner samedi sur problème mécanique.
Le bilan est positif pour Onroak Automotive qui place cinq de ses châssis dans le Top 10 de la catégorie.
Par ailleurs, Jacques Nicolet, accompagné par Guy Ligier, a profité de la semaine des 24 Heures pour présenter le dernier modèle réalisé par Onroak Automotive, la Ligier JS P3 LMP3 qu’on verra en 2016 en European Le Mans Series.
O comme Oreca
Ce que l’Oreca 03R n’avait pu faire, l’Oreca 05 l’a réalisé, et ce dès sa première participation aux 24 Heures du Mans. La chose n’est point anecdotique, dans une catégorie aussi relevée que l’était le LMP2 cette année.
Les Coupés ont dominé toute la semaine des 24 Heures, avec la pole position et la victoire pour l’Oreca 05-Nissan KCMG n°46, alors que les châssis Oreca 03R ont encore tenu leur rang, avec une cinquième et huitième place dans la catégorie –l’Oreca 03R-Nissan n°48 du Murphy Prototypes ayant même été la plus rapide dans la deuxième séance d’essais libres de la Journée Test-.
Les châssis Oreca ont occupé la tête des 24 Heures 2015 durant toute la durée de l’épreuve –(l’Oreca 05 n°46 pendant 349 tours –du 1er au 9ème tour et du 19ème au 358ème-, l’Oreca n°47 pendant 8 tours – du 11ème au 18ème- et l’Oreca 03R n°48 durant un tour –le 10ème) !
Ce bilan aurait même pu être encore plus positif si l’Oreca 05-Nissan n°47 du Thiriet by TDS Racing n’avait pas été quelque peu sortie de la piste par l’Aston Martin Vantage n°99. Sinon, il aurait été plus que probable que Tristan Gommendy, Ludovic Badey et Pierre Thiriet aient pu se mêler à la lutte pour la victoire en LMP2 !
P comme Porsche
C’est évidemment l’item incontournable des 24 Heures du Mans 2015. Le dernier des 16 succès précédents de Porsche remontait à 1998 avec la Porsche 911 GT1 de Allan McNish/Stéphane Ortelli/Laurent Aiello et la victoire de la 919 Hybrid de Earl Bamber/Nico Hülkenberg/Nick Tandy (Bamber et Hülkenberg étant des rookies au Mans, tout comme l’était Aiello), la 17ème victoire, porte donc l’écart sur Audi à quatre unités.
Le concept de la 919 Hybrid n’était peut-être pas aussi révolutionnaire que celui de la Nissan GT-R LM, mais il n’en était pas moins particulier.
Il faut en effet remonter à 1928 pour voir la victoire d’un moteur quatre cylindres et le moteur de la 919 Hybrid victorieuse avait une cylindrée de deux litres seulement –même s’il était suralimenté, avec récupération de l’énergie- par rapport aux quatre litres et demi de la Bentley 4,5l Special…
Après une année d’apprentissage –une victoire tout de même en 2014 au Brésil en WEC-, Porsche s’impose au Mans dès la deuxième année, ce succès d’une 919 Hybrid étant le deuxième seulement après celui du Brésil de 2014. Fritz Ensinger, le Responsable du Projet LMP1 et tout le staff de Porsche, ont remarquablement réussi leur affaire.
On savait les 919 Hybrid rapides – et même très rapides- mais les petits soucis de fiabilité vécus à Silverstone et à Spa-Francorchamps cette année ne faisaient pas nécessairement de Porsche le favori de ces 24 Heures du Mans. La pole position paraissait promise à une 919, mais sur le double d’horloge la faveur des pronostics penchait plutôt en faveur des Audi R18 e-tron quattro dont les deux victoires en WEC avaient impressionné.
Même après les essais, où les Porsche avaient raflé les trois premières positions, avec un chrono canon et record de Neel Jani en 3’16’’887, on hésitait encore à jouer Porsche gagnant…
En course, ce fut un peu le monde à l’envers…Les Audi ont été les plus rapides, que ce soit sur un tour –Lotterer devant Albuquerque et Di Grassi, les Audi n°7, 9 et 8- ou en Vmax –la n°8 devant la n°9 et la n°7 à 345,6 kmh, tandis que les Porsche n°17 et n°19 venaient immédiatement derrière, se contentant de 340,2 kmh-, même si les Porsche n’étaient pas loin, mais ce sont bien les R18 e-tron quattro qui ont connu quelques soucis, les 919 Hybrid tournant sans problèmes à un rythme plus que soutenu –seule la n°18 de Dumas/Jani/Lieb connaissant de problèmes de frein lui valant deux excursions dans le gravier à Mulsanne.
Il s’en est fallu de peu pour que, en dépit des slow zones et des neutralisations, le record de la distance sur 24 Heures détenu depuis 2010 par une Audi R15 TDI Plus soit battu. Alors que Romain Dumas, Timo Bernhard et Mike Rockenfeller avaient parcouru 5410,713 km, la Porsche n°19 a fait 5383,455 km. Il s’en est donc fallu de deux tours seulement, preuve que les Porsche n’ont pas amusé le terrain, et elles ne pouvaient pas le faire d’ailleurs, car la première Audi ne termine qu’à deux tours.
Le trio vainqueur n’est peut-être pas celui qu’on attendait. On connaissait la pointe de vitesse de Nico Hülkenberg mais son expérience en protos ne remontait qu’aux Six Heures de Spa-Francorchamps, tout comme celle de Earl Bamber, et Nick Tandy, s’il avait déjà disputé les 24 Heures en GT, n’allait disputer au Mans que sa deuxième course en LMP1 lui aussi. De surcroît, au vu de la course de Spa, l’équipage n’était pas réputé pour être des plus sages, ce qui sur une épreuve comme la classique mancelle n’est pas un avantage. Les sceptiques se sont pourtant trompés et, bien qu’ayant été rapides et brillants en course, les trois pilotes n’ont pas fait de faute, cueillant une victoire bien méritée.
Le record de victoires est donc désormais porté à 17. La 18ème l’an prochain, alors que Porsche a déjà annoncé travailler sur un nouveau modèle….