Avant, la catégorie LM P2 était considérée comme la petite catégorie LM P. Mais ça c’était avant ! Depuis quelques années, elle n’a plus rien d’une catégorie de seconde zone. Les 24 Heures du Mans 2015 ont permis de montrer une belle diversité et surtout une qualité de plateau incroyable où quasiment tout le monde pouvait l’emporter. Après 24 heures de course, le tiercé de tête a terminé dans la même minute.
Comme en LM P1, donner un favori avant le départ était impossible. Au bout du compte, KCMG a fait la nique à la concurrence dès essais à l’arrivée. On ne savait pas trop quel crédit apporter à la débutante ORECA 05 qui disputait son premier run sur un double tour d’horloge. C’est pourtant la vérité, aucune ORECA 03 n’a remporté Le Mans malgré ses très nombreuses victoires autour de la planète. Il aura fallu attendre la 05 pour que ORECA Technology reparte avec le trophée. KCMG n’ a laissé que des miettes à ses adversaires, le team de Paul Ip décrochant la pole et la victoire. Matthew Howson, Richard Bradley et Nicolas Lapierre ont déroulé. La seule alerte a été une réparation du panneau lumineux indiquant le classement de la #47. Logique puisque l’ampoule indiquant la position P1 s’est allumée dès les essais. Le panneau lumineux a voulu se reposer. Richard Bradley a été flamboyant, Matthew Howson incroyable et Nicolas Lapierre impeccable. Auteur d’un quintuple relais de folie avec un 3.36.836, Nico Lapierre s’est rappelé au bon souvenir de son ancien employeur. KCMG lui a donné ce que Toyota lui a refusé : la victoire ! Débarqué à tort du programme LM P1, le Français a montré si besoin en était qu’il faisait partie des meilleurs pilotes d’endurance de la planète.
Matt Howson a tenu son rang dans une catégorie incroyablement relevée : « Je suis très heureux d’avoir gagné ici au Mans et je suis fier de tous les membres de KCMG ! Nous sommes venus ici pour la première fois en 2013 et deux ans plus tard nous montons sur la plus haute marche du podium. Cela en dit beaucoup sur Paul Ip et l’équipe qu’il a su mettre en place. Je souhaite également remercier notre ingénieur Greg Wheeler. Il s’est passé beaucoup de choses pendant la course, mais il a toujours su prendre les bonnes options et nous permettre ainsi de garder la tête de l’épreuve pendant pratiquement 24 heures. Il a fait du super boulot. Je souhaite également remercier mes équipiers Richard et Nico, qui ont fait un sans faute. Je pense que je vais savourer ce résultat pendant très longtemps. »
Richard Bradley a pu montrer qu’il fallait compter sur lui pour aller au charbon : « J’ai dédié notre pole position à la mémoire de mon oncle qui s’est éteint en début de semaine et je souhaiterais faire la même chose maintenant ; cette victoire est donc pour toi Jimmy. Je souhaite également remercier ma maman qui est restée ici pour me soutenir et m’encourager. Je suis content de pouvoir la remercier ainsi. Ce fut absolument fantastique de pouvoir prendre le départ et je me suis bien amusé pendant les deux premières heures de course, avec une belle bataille en piste. J’ai aussi roulé pour la première fois de nuit – et il m’a fallu un peu de temps pour m’habituer – puis au lever du soleil et sous un léger crachin, tout cela sans avoir beaucoup dormi. Ce fut donc un beau défi. Il fallait que nous contrôlions notre avantage, c’est très éprouvant sur le plan mental. C’est pour cela que Le Mans est unique. Depuis que je suis gamin, j’ai toujours voulu remporter cette course. Je suis donc très heureux, cette victoire nous permet également de marquer un maximum de points au championnat et nous prenons ainsi la tête du classement pilotes du championnat du monde d’endurance FIA. Ce week-end a simplement été parfait. »
Nicolas Lapierre peut enfin savourer la plus haute marche du podium au Mans : « Je suis vraiment très heureux pour l’équipe qui a fait énormément de progrès depuis le début de l’année. Remporter Le Mans, d’une manière aussi dominante et après seulement deux participations, en dit beaucoup sur KCMG. C’est tout simplement incroyable. La course n’a pas été si facile que cela car la concurrence était très compétitive et elle ne nous a laissé aucun répit. Je suis très fier de Richard, Matt et de toute l’équipe ; gagner avec une toute nouvelle voiture, produite par ORECA, qui a non seulement été très performante pendant toute la semaine et fiable sur le plan mécanique et technique pendant 24 heures, est une très grosse performance. C’est tout simplement fantastique. »
Paul Ip, managing director, peut être satisfait de la prestation de son équipe et ses pilotes : « Cette victoire en LMP2 est vraiment super, mais je suis encore plus fier du succès des pilotes asiatiques et des pilotes KCMG lors de cette 83ème édition des 24 Heures du Mans. Toutes catégories confondues, nous avons remporté la catégorie LMP2, Earl [Bamber] et Nick ont gagné en LMP1, ainsi que Alex en LMP1 non hybride avec Rebellion. Toute l’équipe et moi-même sommes enchantés d’avoir placé l’Asie tout en haut du podium, ici, au Mans. Cette édition a vraiment été fabuleuse. » Au fil du temps, le team basé à Hong Kong s’est forgé une belle réputation et c’est loin d’être fini. KCMG prend les commandes du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA avec quatre longueurs d’avance sur G-Drive Racing.
Décidément, les premières heures des 24 Heures du Mans ne sont pas favorables au Jota Sport. Comme l’année passée, l’écurie britannique a perdu le terrain avec les leaders dès le début suite à un souci de boîte de vitesses. Repoussée à la 18ème place, la Gibson 015S de Oliver Turvey, Simon Dolan et Mitch Evans était déjà remontée 7ème à minuit. Le trio n’a rien lâché avec comme seule embûche une crevaison. Cette bonne vieille Zytek rebaptisée Gibson a encore fait preuve d’une belle fiabilité, tout comme Jota Sport. Depuis 2012, l’écurie managée par Sam Hignett a disputé 22 courses avec à la clé 5 victoires et 22 podiums. Il aura manqué 48s pour décrocher une 2ème victoire d’affilée.
Avec deux Ligier JS P2 très bien pilotées, le G-Drive Racing pouvait espérer l’emporter, surtout après la 2ème place d’une Ligier l’an passé, mais l’écurie battant pavillon russe n’a pu faire mieux que 3ème et 4ème. Roman Rusinov, Sam Bird et Julien Canal ont lutté jusqu’au bout pour la plus haute marche du podium mais plusieurs petits pépins ont enrayé la machine. Idem pour la voiture soeur de Pipo Derani, Ricardo Gonzalez et Gustavo Yacaman où deux des trois débutaient au Mans. Les derniers cités accusent un retard de 10 points au championnat. Du côté de Extreme Speed Motorsports, les deux Ligier sont à l’arrivée mais il va encore falloir approfondir la compréhension de l’auto pour jouer le haut de tableau. Pour ses débuts en LM P2, le Krohn Racing a vu le damier en dépit d’une Ligier dépourvue de traction control, d’où quelques figures le dimanche matin. Dans le camp OAK Racing, le trio Vanthoor/Estre/Cumming avait de quoi jouer la gagne mais la boîte de vitesses en a décidé autrement. On reverra à coup sûr Laurens Vanthoor et Kévin Estre en haut de l’affiche, et on l’espère en LM P1. La seconde Ligier/OAK Racing partagée par les gentlemen Nicolet/Maris/Merlin a vu l’arrivée.
Malgré l’arrivée de la ORECA 05, les châssis 03R ont encore de beaux restes comme le montre la 5ème place du Murphy Prototypes partagée par Berthon/Chandhok/Patterson, juste retardée par une sortie de piste. La très bonne surprise nous vient du Ibanez Racing. En faisant rouler un Silver et deux Bronze, l’écurie francilienne savait que la tâche ne serait pas facile. Pourtant, José Ibanez, Ivan Bellarosa et Pierre Perret ont rendu une copie sans la moindre faute en rejoignant l’arrivée au 8ème rang. Ibanez Racing a fait le choix de la jeunesse pour son équipe technique et bien lui en a pris. Le rêve est devenu réalité pour tous les jeunes qui ont pris part à la plus grande course d’endurance au monde. Avec du recul, se concentrer sur une seule auto était certainement la chose à faire. On peut décerner au Ibanez Racing la palme de la meilleure équipe débutante.
Sur les deux Morgan LM P2 au départ, seule celle du Pegasus Racing Team Total de Léo Roussel, Ho-Pin Tung et David Cheng est allée au bout. Un boîtier électronique récalcitrant indépendant du team a ralenti la progression du trio avant une pénalité suivie d’une sortie occasionnant un changement de splitter et de capot avant. L’équipe dirigée par la famille Schell voit l’arrivée pour la deuxième fois consécutive. On attendait beaucoup de l’unique Morgan EVO du Team SARD-MORAND mais un capteur de pression d’huile défaillant a obligé la #43 à rester en bord de piste, malgré une réparation de fortune de Pierre Ragues.
Avec une seule course dans jambes avant d’arriver au Mans, les pilotes des deux BR01 du SMP Racing avaient pour mission de rallier l’arrivée pour préparer le futur. Mission accomplie pour les LM P2 russes conçues par BR Engineering. Quelques soucis de jeunesse ont mis à mal les espoirs de bon résultat mais l’essentiel a été assuré. La suite s’annonce positive pour le bébé de Paolo Catone.
Pour ses premières 24 Heures du Mans, l’unique Strakka-Dome S103 du Strakka Racing était bien esseulée en LM P2. La troisième course de l’auto s’est transformée en abandon malgré une belle tenue. Retardée par un accrochage sur de l’huile laissée par une GTE, la #43 a déroulé jusqu’au dimanche matin où tout s’est arrêté sur un problème de boîte de vitesses.
Chez Greaves Motorsport, une défaillance électrique n’a pas permis de concrétiser le beau début de course. Signatech-Alpine pouvait miser sur son expérience, la fiabilité de son châssis et de ses pilotes pour s’offrir un podium, mais une sortie de piste (raison indéterminée) a tout anéanti. Même déception chez Thiriet by TDS Racing où la ORECA 05 a été reconstruite en un temps record entre les essais et le warm up. Un débris sur la piste a endommagé la coque durant les essais. L’équipe technique de la #46 a connu deux nuits courtes pour que Pierre Thiriet, Tristan Gommendy et Ludovic Badey puissent défendre leurs chances. A l’issue de la 1ère heure, Gommendy était déjà remonté dans les positions de tête. Sans un contact provoqué par une GTE, le trio avait de quoi donner la réplique à KCMG. Place maintenant à l’ELMS.
Le succès de la catégorie LM P2 ne se dément pas. Espérons que la nouvelle réglementation qui verra le jour en 2017 et qui doit mettre en avant quatre constructeurs ne changera pas le visage de la catégorie.