C’est aujourd’hui encore, la seule LMP1-L en course. La Rebellion R-One est un joli brin de fille qui fait encore ses dents. Elle n’est probablement pas encore au niveau ou nous l’attendions mais elle s’en rapproche progressivement. Bart Hayden, le team-manager du Rebellion Racing revient avec nous sur le développement du proto helvético-anglo-français et sur les ajustements réglementaires d’ores et déjà effectués par la FIA et l’ACO.

Bart, joli bureau que vous avez ici désormais… Cette nouvelle structure était réellement indispensable ?

« Je ne sais vraiment pas comment nous aurions fait sans elle ! Chaque année, notre équipe grandit un peu et cette année, avec l’implication de notre partenaire ORECA, cela aurait été encore plus juste. Déjà l’an passé, nous étions logés « au chausse-pied » ! Cela aurait été encore plus compliqué. Donc, nous avons regardé ce que nous pouvions faire. Adopter une structure semblable à ce que font les usines nous est impossible. Au grand minimum, c’est un demi-million d’euros à sortir et nous ne pouvions pas nous le permettre. Nous avons donc trouvé cette solution intermédiaire avec des algecos. Je suis même venu en personne superviser leur mise en place fin mai car je savais que cela serait très juste, notamment vis-à-vis de nos voisins, je ne voulais pas empiéter sur leur espace. Nous devions aussi faire attention à respecter le passage pour la sécurité incendie qui passe en plein milieu de notre structure. En une journée, tout était monté. Ainsi, chacun dispose d’un espace de travail correct, c’est un soulagement et cela améliore notre efficacité. Nous n’avons vraiment pas investi dans cette structure pour une question d’image mais bien pour le côté fonctionnel. Et nous en sommes parfaitement satisfaits. Si c’est toujours autorisé l’an prochain, nous le referons. »

Parlons maintenant de la voiture. Comment cela se passe-t-il ?

« Plutôt bien. Si l’on compte les 6 Heures de Spa, nous devons avoir derrière nous l’équivalent du kilométrage que nous ferons ici en course. Cela n’a évidemment rien à voir avec ce que les usines ont pu faire mais nous franchissons des étapes à chaque fois. Nous n’avons découvert aucun gros problème. Chaque petite défaillance rencontrée a trouvé sa solution. La séance d’hier n’a pas été très productive pour nous en raison de tous les drapeaux rouges qui l’ont émaillée. Mais soyons clairs, celui pour l’accident de Loïc, ou nous retenions tous notre souffle, était absolument indispensable et indiscutable. Heureusement, il n’a pas été blessé et c’est bien là l’essentiel. Malheureusement pour nous, cela nous prive de précieux temps de roulage. D’autant que nous n’avons pas été forcément en mesure de rouler suffisamment au moment en début de séance. Or quand on est encore en phase d’apprentissage avec la voiture, comme c’est le cas pour nous, on a besoin d’un maximum de temps en piste. Mais nous apprenons, nous progressons. Mais nous devons mieux faire ce soir et nous avons encore un long chemin devant nous (jeudi soir, NDLR). »

Vous ne connaissez donc pas encore tout le potentiel de votre R-One ?

« Je pense que nous commençons à en avoir une idée. Mais pour toute sorte de raison, nous n’avons pas encore été en mesure de le montrer. Les drapeaux rouges d’hier ne nous ont pas aidé et comme je l’ai dit, celui pour l’accident de Loïc était incontournable. Mais par la suite, on peut se demander pour quelle raison, on n’a pas eu recours au système des slow zones. Les essais constituaient une occasion en or pour tout le monde de se roder à ce nouveau processus que l’on ne fait que découvrir… Toujours est-il que nous pensons à ce jour, que nous ne serons pas trop éloigné de notre cible sur le plan de la fiabilité mais que sur le plan de la vitesse, nous n’aurons pas encore tout à fait le rythme que nous souhaitions. »

Est-ce lié à votre méconnaissance de la voiture qui est encore toute jeune ou est-ce lié à la voiture elle-même ?

« Je ne pense pas qu’il y ait un vrai loup sur la voiture. Chaque fois que nous faisons une modification technique significative, il y a une réaction tout aussi significative qu’elle soit bonne ou mauvaise. Par exemple, nous avons changé l’ensemble moteur-boite après la Journée Test et nous l’avons validé par un roulage sur le Bugatti la semaine dernière. Or subitement, le comportement de la voiture est passé sans raison apparente, du sous-virage au sur-virage. Ce qui n’aurait pas du se produire. Nous avons compris depuis mais cela prouve que notre voiture réagit à des modifications. Nous pouvons nous appuyer sur une équipe technique très expérimentée et cela nous fait progresser rapidement. Je pense que d’un côté, c’est surtout la jeunesse de notre voiture qui explique qu’elle ne soit pas encore au niveau attendu. D’un autre côté, les usines sont engagées dans une telle guerre, qu’elles progressent à pas de géants et que l’écart se creuse d’autant plus vite. »

Mais vous n’avez pas encore été capable de reproduire les performances de la Journée Test alors que vous bénéficiez des récents aménagements réglementaires de la FIA…

« Tout à fait. Le déroulement de la séance d’hier n’a pas été aussi fluide que ce dont nous avions besoin. Aussi bien pour des raisons internes à l’équipe que pour des raisons externes telles que les drapeaux rouges. J’espère mieux pour ce soir. Honnêtement, je serai déçu si nous ne parvenons pas à passer sous les 3’30″ au tour. Et je serai ravi si nous parvenions à approcher les 3’28″… »

En parlant du coup de pouce de la FIA, avez-vous pu abaisser le poids de la voiture à 810 kg ?

« Tout à fait. »

Vous pourriez encore descendre au besoin ?

« Oui, nous le pourrions encore un peu… »

Et le petit surplus de 2% qui vous a été accordé sur le débit de carburant, vous êtes en mesure de réellement l’utiliser avec une décision qui arrive peu de temps avant la course ?

« En fait, elle nous donne surtout une petite marge que nous n’avions pas. Elle nous permet de souffler, d’être plus serein. Mais il est certain que si nous avions pu l’anticiper un peu plus, nous l’utiliserions encore un peu mieux. »

Avez-vous été surpris que la FIA et l’ACO vous attribue ces avantages alors que vous n’aviez pas disputés les deux courses exigées pour l’étalonnage mais une seule ?

« Non, je ne l’ai pas été, c’était absolument nécessaire. Et je pense que la FIA montre ainsi un réel intérêt envers les concurrents privés. Je pense toutefois que ce n’est pas suffisant. Mais nous n’avons pas été en mesure d’aligner la R-One dès Silverstone et c’est de notre responsabilité, pas de celle de la FIA ou de l’ACO. Je suis donc satisfait de cette mesure et de l’intention qu’elle exprime. Toutefois, je pense qu’il faut déjà réfléchir à l’avenir. Nous allons poursuivre le développement de la R-One, bien évidemment, pas à pas. Mais nous serons totalement incapables de suivre le rythme actuel des usines. Ce soir, ils vont tourner en 3’20″. Si rien n’est fait, l’an prochain, ils seront en 3’15″ voire 3’10″ ! Avec l’arrivée de Nissan, celle possible de Ferrari voire d’un autre constructeur encore, ce rythme ne va pas faiblir, bien au contraire. Je pense que la FIA doit trouver le moyen d’endiguer cette montée en puissance car si elle veut nous maintenir à un niveau de compétitivité raisonnable, nous ne pourrons pas alléger la R-One de 40 kg tous les 6 mois… »

Lorsque nous nous sommes vus l’an passé pour la présentation de ce programme R-One, vous disiez que le règlement tel qu’il était fait, permettait réellement à un privé d’être au contact des usines. Or au vu des essais et même si la voiture est encore jeune, le gap est toujours là, aussi grand.

« Tout à fait. Mais je pense qu’entre-temps, il y a eu des pressions pour que nous ne soyons pas aussi proches que cela. Je ne suis pas en train de pleurer ou de me plaindre et le signal envoyé par l’ACO depuis la Journée Test est vraiment encourageant pour nous. L’esprit est là et c’est vraiment important. De plus, pour pouvoir passer, ces évolutions ont du être avalisées par l’ensemble des concurrents LMP1 et c’est à souligner. »

Aujourd’hui, Lotus vient de présenter sa propre LMP1-L. Vous devez être satisfait d’avoir un peu de concurrence ?

« Je n’ai pas encore vu la voiture, j’ai eu d’autres occupations mais bien évidemment, c’est bon pour le championnat et nous les accueillons avec plaisir. Vous savez, il n’y a qu’une véritable concurrence à notre niveau qui puisse nous donner les frissons de la course. Mon meilleur souvenir en compétition, ce n’est pas forcément lorsque nous gagnons Petit Le Mans. C’est agréable, évidemment, mais les circonstances de course nous avaient aidé. Je préfère une course comme celle de l’année dernière à Laguna Seca. Certes nous ne finissons que deuxième. Mais quelle bataille ! Quelle course serrée… De même, j’ai beaucoup apprécié l’époque ou nous affrontions JRM et Strakka. La concurrence est toujours bénéfique. Notamment pour la motivation. Ils ont encore beaucoup de travail devant eux avant Austin, je pense mais c’est très bien qu’ils soient là. »

Regardons un peu au-delà du Mans. La voiture telle que nous la voyons a réellement été pensée pour Le Mans. Mais pour les autres circuits, il vous faudra plus d’appuis. Pensez-vous sortir un kit « High Downforce » ?

« Nous y travaillons effectivement. Et cela sera d’autant plus nécessaire puisque Lotus arrive. Sinon, cela n’aurait guère de sens d’investir autant pour rester à plusieurs secondes des usines. Notre kit ne sera peut-pas prêt pour Austin mais nous y travaillons. »

Trois mois séparent Le Mans d’Austin. Avez-vous prévu de rouler durant ces 3 mois pour mieux découvrir l’auto ?

« C’est une possibilité qui sera d’autant plus nécessaire si ce kit arrive à temps, justement. Mais je crois que je dois avant tout laisser mes gars retrouver leur famille. Ils ne les ont pas beaucoup vues ces derniers temps avec la masse de travail que la sortie de la R-One a engendré. »

Vous les sentez fatigués ?

« Oui mais d’un autre côté, ils savent qu’ils n’ont plus que quelques jours à tenir avant les vacances. Et puis il y a la motivation de participer à cet événement unique que sont les 24 Heures et ça les aide à tenir… »