Matt McMurry va bientôt rentrer dans le Livre d’Or des 24 Heures du Mans. En effet, le jeune américain devrait devenir le plus jeune pilote de l’histoire de la course mancelle. Il va détrôner un illustre prédécesseur, le mexicain Ricardo Rodriguez, qui a pris le départ de la course en 1959 à bord d’une Osca 750 TN, associé à son frère Pedro, alors qu’il avait 17 ans et 126 jours. Matt, qui sera au volant de la Zytek Z11SN Nissan LMP2 n°41 du Greaves Motorsport, aura 16 ans et 202 jours le 14 juin prochain. Sauf erreur de notre part, le plus jeune pilote à avoir terminé les 24 Heures (les frères Rodriguez avaient été contraints à un abandon prématuré en 1959) est l’américain Gunnar Jeannette qui avait 18 ans et 43 jours lors de l’édition 2000 des 24 Heures qu’il a disputé en catégorie GT avec une Porsche 911 GT3-R du Manthey Racing.
Matt McMurry a répondu gentiment à quelques questions pour Endurance-Info :
Matt, ton rêve s’est maintenant réalisé. Quels sont tes sentiments ? Est-ce pour toi un honneur ?
“Ma première réaction, c’est que je peux à peine y croire! Est-ce réellement vrai? Quand on travaille aussi dur pour atteindre un objectif et que tout d’un coup il est juste devant vous…bien, ça fait un choc ! Quand je me suis engagé dans cette voie il y a quatre ans, j’ai vu que beaucoup de gens pensaient que c’était irréalisable. Cependant, un petit nombre de personnes tout au long de ce parcours m’ont été d’un très, très grand secours et m’ont beaucoup encouragé. Ils m’ont dit que je devais suivre mes rêves, même si ça n’allait pas être facile. Je suis vraiment reconnaissant envers ces gens. Chacun d’entre eux a fait ce qu’il pouvait pour m’aider. J’ai beaucoup de chance de pouvoir les appeler mes amis et je sais qu’ils sont aussi ravis que moi que leurs efforts collectifs aillent porter leurs fruits le 14 juin prochain, à ce qu’il semble. »
Qu’est-ce que Le Mans représente pour toi ?
« Il y a une seule épreuve à laquelle je puisse penser, en matière se sport automobile, où les pilotes les plus grands –quelque soit la discipline à laquelle ils participent ordinairement- viennent tous pour courir et c’est Le Mans. Pour moi, Le Mans, c’est le « All-Star Game » du sport automobile, où tous les meilleurs pilotes de ce sport se réunissent une fois l’an. J’ai eu ma première expérience du Mans en 2008, alors que j’avais dix ans, quand mon père y a couru. Nous avons aussi visité Paris, la Normandie et Arles pendant notre séjour de quatre semaines, mais c’est Le Mans m’a le plus frappé. Deux ans plus tard, pour un projet, un examen de septième année, on m’a demandé ce que je voulais faire avant d’aller à l’Université, j’ai noté “devenir le plus jeune pilote à avoir couru au Mans. C’est alors que cet incroyable périple a commencé. Maintenant, 60 courses plus tard, 20 000 miles passés en piste plus tard, 175 000 miles en avion plus tard, je suis à la porte d’entrée de mon objectif. Nous partons pour Paris dimanche. J’ai hâte d’être à dimanche.”
Ricardo Rodriguez, avec son frère Pedro, était une icône pour les passionnés au Mans. Connais-tu leur histoire ?
« Oui, je connais bien leur histoire. J’ai le livre de 607 pages qui leur est consacré, « Les frères Rodriguez », écrit par Carlos Eduardo Jalife-Villalon. Le livre est plein de photos de Ricardo et de Pedro, aussi j’ai l’impression de les connaître à travers les photos. Ils ont été tous deux des pilotes brillants, ont couru tous deux en F1, totalisent à eux deux 18 participations aux 24 Heures, avec quatre victoires de catégorie. »
Tu as couru à Silverstone et à Imola. La Zytek LMP2 est-elle très différente des voitures que tu as pilotées auparavant ?
« Oui, la LMP2 est très différente des autres voitures que j’ai conduites. Chaque voiture est un peu différente de la prochaine. Mon programme de développement m’a fait piloter et progresser sur toutes sortes de voitures, comme les monoplaces de Formula Skip Barber, de Formula Mazda Bondurant, d’USF 2000, comme des GT telles la Corvette ou la Camaro, et comme des prototypes tels que les IMSA Lites, les LMPC et la LMP2. De manière générale cependant, la LMP2 a plus de grip, plus d’appui aéro, plus de poids et plus de puissance. Elle est moins agile que l’IMSA Lite ou les monoplaces, mais elle est formidable dans les virages très rapides. Je veux bien piloter une LM P2 tous les jours !”
Quel a été le challenge le plus difficile ?
« Le plus gros challenge, ça a été le processus de développement très intense et très contraignant. Le plus tôt qu’on puisse piloter des voitures de course aux USA, c’est) 13-14 ans. Et, pour se préparer à conduire et à piloter en course une LMP2, ça nécessite de passer graduellement par les formules de promotion, et d’apprendre à réussir à chaque niveau avant de passer au niveau supérieur. Le problème c’est que, pour battre le record et devenir le plus jeune pilote au Mans, il n’y avait pas beaucoup de temps pour franchir les différents degrés. Tout le processus devait être bouclé entre 13 et 16 ans…trois courtes années. En résumé, je devais aller à l’école, manger, dormir, faire des efforts et courir. Je n’échangerais cette routine pour rien au monde. Cela a été très intense, bien que je me sente totalement prêt et je crois que nos quatrièmes places à Silverstone et Imola ont démontré que c’était le cas. »
As-tu déjà couru virtuellement sur le circuit du Mans sur un PC ou sur une console ? Si oui, que penses-tu du circuit ?
« Oui, j’ai couru au Mans sur des jeux video…Je pense que nous possédons tous les jeux de course existant sur Playstation ou sur Xbox. Le circuit est spectaculaire. C’est LE lieu pour lequel les prototypes ont été construits, où la voiture peut être utilisée à son potentiel maximal. J’aime vraiment cet aspect. Mes secteurs préférés de la piste sont les courbes rapides comme la Courbe Dunlop, le Tertre Rouge, Indianapolis et les virages Porsche. Je suis impatient de voir comment la surface de la piste change au fur et à mesure de la course, de la météo et du moment de la journée. »
Ton père, Chris, a couru plusieurs fois au Mans, est-ce qu’il t’a déjà donné quelques conseils ?
« Bien sûr, il m’a donné des conseils…. Les pères sont faits pour ça, d’accord ? Sérieusement, oui, il a partagé avec moi ses expériences et je suis sûr qu’il me fournira davantage de détails quand nous serons au circuit. J’ai également reçu quelques super conseils spécifiques pour Le Mans de la part de Johnny O’Connell, quatre fois vainqueur de catégorie au Mans, et je sais que je vais en demander également à mes coéquipiers et à d’autres. C’est un très long circuit, et il y a beaucoup à apprendre. La difficulté réside dans les détails, ce qui implique que je veux connaître les plus petits trucs et astuces pour savoir comment faire les meilleurs chronos et comment gérer mes performances dans une course qui est six fois plus longue que celles que j’ai jamais faites auparavant ! »
Quand vas-tu faire le test obligatoire pour les néophytes du Mans sur le simulateur avant la Journée Test ?
« Ce sera le 28 mai, à Paris, sur le simulateur AOTech. »
Auras-tu un entraînement physique spécifique avant Le Mans ?
“Le team m’a demandé de surveiller mes pertes en eau la semaine dernière, et nous contrôlons également actuellement mon rythme de sommeil. Je suis sûr que c’est pour aider le team à comprendre comment me mettre dans la meilleure condition avant let pendant la course. A part ça, je fais mes programmes cardio et musculaires habituels, et je me prépare pour mes examens terminaux cette semaine à l’école ! Je suis très occupé ! Les courses de Silverstone et d’Imola ont été également de très bonnes façons de me préparer, car ça m’a donné l’occasion de faire de longs relais. A Imola j’ai fait un triple relais (2h25) et je pense que j’aurais pu continuer.”
Tu as conduit de nuit en essais privés. Qu’en penses-tu ? Crois-tu que ce sera un challenge au Mans ?
« Je suis très à l’aise quand je conduis la nuit. Comme cela fait partie de mon programme de développement, nous avons fait des essais de nuit à de nombreuses reprises. La première fois, c’était avec une Camaro, dans l’Arizona, sur le Wild Horse Pass Raceway ; sans aucun éclairage du circuit –l’obscurité complète. Nous avons fait la même chose à bord de la Zytek LMP2 en avril sur le Palm Beach Raceway en Floride. De même, nous avons été la dernière voiture à tourner sur le circuit Paul-Ricard en avril pour les essais de l’ELMS, principalement parce qu’il n’y avait pas non plus d’éclairage sur la majeure partie du circuit. On m’a dit qu’au Mans, ce sera moins délicat que lors d’aucune de ces expériences, donc je me sens à l’aise par rapport à la conduite de nuit. »
Quels sont tes espoirs pour la course ? Penses-tu que vous aurez un package pour faire un podium et peut-être plus ?
« Je pense que nous avons un très bon package pour la course, avec notre équipage et le beau palmarès du team au Mans. Un podium, ce serait fantastique et c’est notre objectif. Cependant, Le Mans, c’est une course tellement longue que les gens me disent de prendre ça heure après heure. J’espère que nous allons pouvoir faire ce que nous avons fait à Silverstone et Imola, à savoir rouler sans faire de faute pendant toute la course. Si nous pouvons le faire, de bonnes choses arriveront. »