Rarement une manche du Championnat du Monde d’Endurance n’aura suscité autant d’interrogations avant le départ : nouvelle réglementation LM P1, fiabilité des débitmètres mais aussi des autos, conditions météorologiques qui s’annonçaient changeantes, plateau pauvre en LM P2, équilibre des performance en GTE-Pro ou encore homogénéité des équipages en GTE-Am. Chaque catégorie avait sa propre interrogation. Au final, les 6 Heures de Silverstone ont été interrompues à 24 minutes de son terme pour cause de pluie trop forte. Si le Toyota Racing avait raflé les 6 Heures de Fuji 2013 sans avoir pu combattre, ce doublé des TS040 HYBRID en terre britannique a été décroché à la régulière. A l’issue des 167 tours de course, Nicolas Lapierre, Sébastien Buemi et le local de l’étape Anthony Davidson ont imposé la Toyota TS040 HYBRID #8 avec une boucle d’avance sur la voiture sœur d’Alex Wurz, Stéphane Sarrazin et Kazuki Nakajima. Pour ses débuts en compétition, la Porsche 919 Hybrid monte sur le podium, grâce à Timo Bernhard, Brendon Hartley et Mark Webber, le trio de la #20 terminant à deux tours. Toyota Racing rafle le prestigieux Tourist Trophy devant 43 000 spectateurs.
Et les Audi ? La marque double championne du monde a vécu un vrai cauchemar à Silverstone avec aucune des deux R18 e-tron quattro à l’arrivée, ce qui n’était plus arrivé depuis le Petit Le Mans 2011. Pire, les deux monocoques sont sévèrement touchées si bien que Audi va devoir redoubler de travail pour amener deux nouvelles autos à Spa dans moins de deux semaines.
Dès le début de course, les deux Toyota ont pris les choses en mains avec des Audi prêtes à profiter du moindre faux pas, et des Porsche elles aussi dans le coup. Cependant, c’est bien l’Audi #2 d’André Lotterer qui pointait en tête après 30 minutes de folie avec des LM P1 en pleine bagarre à la limite du contact. On s’attendait à une course endiablée malgré des pilotes soumis à respecter la quantité d’énergie. Les cartes ont été vite redistribuées suite à l’arrivée de la pluie. La Toyota #7 d’Alex Wurz chaussait les gommes « pluie », alors que la #8 de Sébastien Buemi choisissait les Michelin « Hybride », au contraire des Audi qui faisait le choix de rester en slicks. Mauvaise pioche dans le camp Audi avec un Lucas di Grassi qui tapait violemment sa R18 e-tron quattro #1. On passera sur les figures des autres LM P1-H sur une piste très piégeuse. Le prochain à connaître la même mésaventure que le Brésilien était André Lotterrer qui partait à la faute pour terminer sa course dans le bac. Le temps de dégager l’auto et de rentrer au box, quatre tours perdus pour la #2. C’en était terminé des espoirs de victoire d’Audi. Après une courte période de piste sèche, la pluie a refait son apparition et on chaussait les intermédiaires sur la #2, mais dans Copse, Benoît Tréluyer partait en dérobade avec deux roues sur le vibreur, avant de terminer sa course dans le mur. Malgré plusieurs minutes d’efforts pour tenter de ramener sa monture salement amochée à l’avant, le double vainqueur des 24 Heures du Mans ne pouvait qu’en rester là.
Le Dr Wolfgang Ullrich, directeur d’Audi Sport, ne peut qu’être amer : « Perdre deux voitures dans une course à cause d’accidents donne de l’amertume. C’est la première fois depuis Road Atlanta 2011 que nous rentrons à la maison avec nos prototypes du Mans sans avoir marqué un seul point. Cependant, la performance du début de course était bonne. Lorsqu’il a commencé à pleuvoir, nous avons fait confiance à notre radar météo en attendant trop longtemps avant de changer les pneumatiques. Cette erreur est de notre ressort, et rétrospectivement, c’était des risques inutiles. Nous allons maintenant entamer un véritable marathon avant la prochaine course FIA WEC à Spa. »
Tout allait donc se jouer entre Toyota et Porsche, sachant que Porsche Team a vite perdu la #14 de Dumas/Lieb/Jani sur un problème de transmission après avoir perdu la roue avant gauche quelques minutes plus tôt. Par chance, la #14 a connu une course plus tranquille en restant en dehors des mauvais coups. En arrivant à Silverstone, les troupes d’Alex Hitzinger voulaient engranger de l’expérience et terminer la course. Pour son « Mission 2014. Our Return. », Porsche repart du Northamptonshire avec un podium. Même si les ambitions sont élevées, cette troisième place est satisfaisante pour les débuts de la 919 Hybrid. C’est donc le Toyota Racing qui a déroulé durant l’intégralité de la course. Alors que la #7 est restée en pneus pluie après la mi-course, la #8 a fait le pari de chausser les Michelin Hybride, ce qui s’est avéré payant.
Règlement 2014 ou pas, plus personne n’a parlé de cette nouvelle donne une fois les autos lancées. En revanche, plus aucun droit à l’erreur n’est permis. Si jusqu’à l’année passée les pilotes pouvaient s’en donner à cœur joie en piste pour combler un handicap, il y a maintenant une petite voix fictive qui les rappellent à l’ordre : consommation ! Les qualifications ont permis de montrer que les trois marques étaient bien au rendez-vous avec six autos groupées en moins de cinq dixièmes. Porsche a opté pour peu d’appuis, à la différence de Toyota. Audi va pour sa part travailler pour préparer deux nouveaux châssis pour Spa, où une troisième auto sera au départ. On aura soif de revanche dans les Ardennes belges…
N’oublions pas non plus la très belle quatrième place de la Lola-Toyota B12/60 du Rebellion Racing de Prost/Beche/Heidfeld. Le trio a rendu une nouvelle fois une copie parfaite avec une auto vieillissante mais toujours bien là. La #13 de Kraihamer/Leimer/Belicchi a vite abdiqué sur problème de boîte de vitesses. Les Suisses auront les deux nouvelles R-One lors du prochain rendez-vous.
G-Drive Racing et KCMG ont fait le spectacle en LM P2…
Avec seulement quatre LM P2 au départ, le plateau de la petite catégorie est la déception du week-end. Les deux ORECA 03 du SMP Racing n’ont jamais été dans le coup avec des soucis à répétition. La #37 de Ladygin/Ladygin/Shaitar a rendu les armes sur problème de pompe à essence. La #27 de Minassian/Zlobin/Mediani n’a pas non plus été épargnée par les soucis, pour finalement terminer à 9 tours des deux autos de tête. La course s’est vite résumée à un duel entre le G-Drive Racing et KCMG, Morgan LM P2 contre ORECA 03. Lors de son relais de départ, Olivier Pla a une nouvelle fois fait étalage de son talent sur la Morgan, en tenant à distance un très bon Tsugio Matsuda. Malheureusement pour elle, la Morgan a dû s’arrêter plus longtemps pour changer son capot avant (un feu défectueux), ce qui a permis à KCMG de reprendre le dessus. Malchanceux l’an passé lors des neutralisations, le team dirigé par Philippe Dumas a cette fois été plus verni. La Morgan a pu combler son retard sur la ORECA 03 qui a en plus écopé d’une pénalité pour vitesse excessive dans la voie des stands. Julien Canal, rookie en LM P2, s’est magnifiquement comporté, de même que Richard Bradley chez KCMG. Roman Rusinov et Matt Howson ont eux aussi fait le job. A l’arrivée, Pla/Canal/Rusinov ont devancé de deux tours leurs adversaires. On espère maintenant des renforts dans la catégorie pour la suite du championnat. Carton plein pour les châssis Onroak Automotive avec les victoires en FIA WEC et ELMS.
Les Porsche à la fête en GTE-Pro…
Il a vite été écrit qu’une Porsche 911 RSR allait l’emporter, mais restait à savoir laquelle. C’est finalement un changement de pneus juste avant l’interruption de course qui a fait perdre la course à la #91 de Patrick Pilet, Jörg Bergmeister et Nick Tandy. La #92 de Fred Mako, Richard Lietz et Marco Holzer n’en demandait pas tant pour rallier l’arrivée en vainqueur avec 45s d’avance sur la voiture sœur. L’équipage de la #91 a de quoi être déçu surtout que la copie était parfaite, excepté un dépassement sous drapeau jaune, synonyme de stop&go. Malgré cela, le trio a su conserver ses chances de victoire jusqu’au bout. Fred Mako débute sa carrière chez Porsche par une victoire, ce qui a de quoi le ravir après un hiver assez compliqué. Marco Holzer passe de l’ALMS au FIA WEC avec un premier succès. Quant à Richard Lietz, il reviendra au Mans renforcer le duo au Mans. Décidément, les Porsche 911 RSR sont intraitables en ce début d’année : Daytona, Sebring, Silverstone.
Il n’y a pas que la #91 qui a été retardée par une pénalité puisque la Ferrari F458 Italia/AF Corse de Bruni/Vilander a commis la même bévue au même moment. Si Gimmi Bruni a été très offensif en début de course, la #51 était un ton en-dessous la concurrence, sans compter un début d’incendie sur la #51. Guère mieux chez Aston Martin Racing avec une quatrième place chanceuse pour Turner/Mücke. Jamais l’Aston Martin V8 Vantage GTE n’a été en mesure de suivre le rythme des autos de tête. Chez AMR, on nous confiait avant le départ que la hauteur de caisse supérieure de 5 mm était un handicap trop important pour faire la course en tête. Les autres GTE-Pro sont restées en retrait durant ces six heures.
Aston Martin Racing fait le doublé en GTE-Am…
Malmené en GTE-Pro, AMR s’est assuré le doublé en GTE-Am. La Ferrari F458 Italia/AF Corse de Michele Rugolo, Steve Wyatt et Sam Bird a pourtant donné du fil à retordre aux deux V8 Vantage GTE, mais cela n’aura pas suffi. Kristian Poulsen, David Heinemeier-Hansson et Nicki Thiim ont gardé 7s d’avance sur Dalla Lana/Lamy/Nygaard, la Ferrari #81 devant se contenter de la troisième place. La première Porsche s’est classée quatrième avec celle du Proton Competition de Bachler/Al Qubaisi/Ried. Pas de chance pour la Porsche 911 GT3-RSR/ProSpeed Competition de Collard/Vaxivière/Perrodo et la Ferrari F458 Italia/8Star Motorsports de Potolicchio/Roda/Ruberti, en proie à des pénalités à répétition avant d’abandonner.
Les résumés heure par heure son à revivre dans la rubrique FIA WEC. Le classement de la course est ici
Prochain rendez-vous dans deux semaines à Spa-Francorchamps…