Le Comité Endurance vient de publier une version révisée de l’Annexe B de la Réglementation Technique LMP1 2014. Cela nous donne l’opportunité de nous pencher d’un peu plus près sur cette fameuse « Annexe B ». Quelle en est sa fonction ? Quelles sont les raisons de ces révisions ? Voilà quelques questions que nombre de passionnés de l’endurance se posent.
Pour faire simple, la fonction de cette Annexe B est essentiellement d’assurer une équivalence énergétique entre motorisations essence et diesel, tout en tenant compte de l’apport de chaque option hybride disponible aux concurrents engagés dans la catégorie LMP1-H, seule catégorie accessible aux constructeurs tels Audi, Porsche et Toyota. Les écuries privées engagées en LMP1-L (sans système hybride) ne sont pas oubliées. Cette catégorie fait l’objet d’une classe de valeurs spécifiques.
L’Annexe B spécifie notamment des paramètres techniques clés pour la mise en œuvre de la Réglementation Technique LMP1 2014, tels le poids minimum règlementaire (850 kg dans le cas d’une LMP1-L, 870 kg dans le cas d’une LMP1-H, indépendamment du type de carburant), la quantité d’énergie maximale pouvant être restituée au Mans pour chaque option hybride (à savoir 2, 4, 6 ou 8 MJ/tour), la capacité du réservoir (dorénavant révisée à 68.3 litres pour les LMP1 essence et 54.3 litres pour les LMP1 diesel), la quantité de carburant pouvant être consommée par tour (exprimée en MJ/tour) ainsi que la limite maximale de débit instantané de carburant (exprimée en kg/h). Ces deux derniers paramètres – dorénavant révisés – sont fonction de la catégorie hybride concernée et reflètent la philosophie des nouvelles réglementations techniques adoptées non seulement en LMP1, mais aussi en F1, où l’on parle volontiers de « Fuel-Flow Formula » pour reprendre l’anglicisme consacré.
L’Annexe B liste d’autres facteurs à première vue « mystérieux » dont le « KTF » (ou « K Technology Factor » / « Facteur Technologique K ») et le « FTF » (ou « Fuel Technology Factor » / « Facteur Technologique Carburant ») – ou devrait-on dire les « FTF » puisque l’Annexe B fait dorénavant la distinction entre deux différents « FTF ». Restons simples quitte à être un peu simplistes : ces facteurs déterminent, ensemble, l’équivalence énergétique entre motorisations essence et diesel.
Pourquoi donc avoir révisé les valeurs de l’Annexe B alors que cette même annexe avait fait l’objet d’une publication avec la version définitive de la Réglementation Technique LMP1 2014 en décembre dernier ? La raison est assez simple et s’avère être le résultat du processus d’Equivalence de Technologie, ou « EoT », mis en place par l’ACO-FIA à la fin décembre 2013. Pour rappel, les divers motoristes/constructeurs engagés en LMP1 (Audi, Porsche, Toyota, … AER) ont été invités à communiquer les données techniques pertinentes – en dernier lieu en février – nécessaires à la détermination de l’équivalence essence-diesel. L’EoT est supposé être un processus totalement transparent et les constructeurs n’ont a priori rien à gagner à ne pas jouer le jeu de la transparence. L’avenir nous dira si certains cachent encore leur jeu, mais il est bon de rappeler que le processus d’EoT prévoit une « pénalité dissuasive » au Mans dans l’éventualité d’une déviation notable entre les valeurs communiquées et celles mesurées en conditions de course.
Une piste de compréhension dans ce méandre de valeurs : le « FTF » de 1.074 indiqué dans la version révisée de l’Annexe B doit par exemple être compris comme signifiant que le rendement énergétique de la « meilleure » motorisation diesel équivaut dorénavant à 107.4% du rendement énergétique de la « meilleure » motorisation essence (« meilleure » signifiant ici la plus efficiente du point de vue de l’exploitation de l’énergie à disposition). Précédemment, ce rapport était de 106.1%. Les dernières révisions apportées dans l’Annexe B sont donc le constat évident que l’écart de rendement énergétique entre motorisations diesel et essence est plus important qu’initialement envisagé. L’Annexe B révisée ne dit pas quelles sont les valeurs de rendement effectives des « meilleures » motorisations concernées (ces valeurs restent confidentielles et ne sont connues que des constructeurs), ni quelles sont les « meilleures » motorisations concernées. Il n’aura échappé à personne toutefois que Audi est seul dans la catégorie diesel et est donc seul à déterminer cette partie de l’équation. Le mystère reste pour l’heure entier dans la catégorie essence. Qui de Porsche ou Toyota définiront la référence dans cette catégorie ?
Sans rentrer dans de savants calculs, l’on peut raisonnablement déclarer que la version révisée de l’Annexe B assure pour l’essentiel une équivalence énergétique quasi parfaite entre motorisations essence et diesel. Cette équivalence énergétique est la base de la nouvelle réglementation technique : chaque constructeur dispose essentiellement d’une même quantité d’énergie effective allouée par tour (sous forme de carburant et sous forme électrique) ; à chaque constructeur d’exploiter au mieux cette quantité d’énergie.
Qu’en est-il des privés, Rebellion Racing et Lotus ? Ceux-ci disposent d’un petit coup de pouce supplémentaire sous la forme d’une allocation d’énergie comparativement supérieure à celle des constructeurs. L’ACO-FIA s’efforcent donc par là de concrétiser l’un des six piliers de la nouvelle réglementation technique : protéger les privés.
La décision prise par le Comité Endurance s’applique également aux deux premières courses de la saison 2014, à savoir Silverstone et Spa. La capacité de restitution des systèmes hybrides ainsi que les allocations de carburant par tour sont donc ajustées en fonction de la longueur des circuits concernés (pour rappel la longueur du circuit des 24 Heures du Mans est de 13.629 km). Pour la première course de Silverstone, Audi ne pourront ainsi restituer au maximum que 1.34 MJ/tour (contre 2 MJ/tour au Mans) par le biais de leur système hybride. Toyota et Porsche disposeront quant à eux de 4.02 MJ/tour (contre 6 MJ/tour au Mans). Les allocations de carburant par tour suivent un régime similaire.
A noter une dernière grosse inconnue : les débitmètres de carburant. Seront-ils suffisamment fiables et précis pour permettre de garantir une application stricte et équitable de l’équivalence technologique ? Premiers éléments de réponse dans une dizaine de jours à Silverstone !