Au beau milieu des nombreuses séances photos inhérentes à la présentation officielle d’une nouvelle voiture, Neel Jani est revenu avec nous sur le développement de cette Porsche 919 dont le développement n’a pas forcément été un long fleuve tranquille. Certains bruits de couloir laissent entendre que de fortes vibrations, aux conséquences très pénalisantes tant sur les pilotes que sur la mécanique, affectaient le fonctionnement du V4 2 litres turbo…
« Cela va mieux maintenant. Il est vrai que nous avons connu des problèmes de vibrations avec le moteur V4 mais celles-ci sont bien atténuées désormais. Les récents essais de Bahrain se sont très bien passés par exemple, puisque nous avons pu boucler plus de 1000 km dans la journée sans rencontrer de problème. Ces voitures 2014 sont extrêmement sophistiquées et il faut du temps pour les développer correctement. Elles évoluent d’ailleurs en profondeur à chaque nouveau test… »
Justement, à propos de tests, il semble que vous ayez tenu un planning chargé quant au nombre de séance d’essais jusqu’à présent…
« Il est vrai qu’en 2013, c’était très intense. Pour ma part, j’ai roulé pour la première fois dans la 919 en août dernier. Ensuite, il y avait au moins une séance d’essais toutes les 3 semaines ! Mais le planning 2014 est un peu plus léger. Les séances s’espacent entre 4 et 6 semaines. »
Et le fruit de ce travail te donne satisfaction ?
« Oui, la voiture s’améliore à chaque sortie, c’est net. Mais pour ma part, je regrette un peu le passage aux pneus étroits à l’avant. Sur la Rebellion, j’avais beaucoup apprécié l’apport de ces pneumatiques larges. Ils me manquent… »
Leur largeur a diminué afin d’améliorer la visibilité, en jouant également sur la position du pilote dans l’auto. Ressens-tu une nette amélioration de ton champ de vision ?
« Pas vraiment, non. En tout cas, je ne trouve pas que ce soit une amélioration sensible… » (Neel a même semblé surpris que le règlement ait vraiment tenté d’améliorer sa visibilité depuis le cockpit !)
Les tests reprennent dès demain puisque la voiture roule à Sebring…
« Oui, ça, c’est bien. Nous ne serons pas seuls en piste, c’est sympa… »
Une comparaison directe avec l’Audi R18 sera possible ?
« Ah non, pas vraiment je pense… Non, nous n’allons pas tout dévoiler au concurrent lors de ces tests… »
Et il en sera de même au Castellet pour le Prologue du WEC ?
« Oui, tout à fait. Je pense même que l’on ne verra le plein potentiel qu’au Mans. C’est le but ultime et il ne faut pas trop se dévoiler avant. Je pense donc que même pour Silverstone ou Spa, nous ou nos concurrents ne montrerons pas tout… »
De ce que l’on a pu voir et entendre, le petit V4 ne monte pas beaucoup dans les tours, n’est-ce pas un peu étrange à conduire ?
« Non, pas vraiment. L’apport de puissance que nous apporte le système hybride est significatif et nous aide beaucoup. »
Mais même avec 8MJ, l’électrique ne peut pas compenser sur l’intégralité du circuit ?
« Non, tout dépend de la façon dont nous souhaitons l’utiliser et du tracé du circuit. Tout est paramétrable. Si nous préférons envoyer toute l’énergie électrique sur une seule ligne droite, nous pouvons le faire. Si au contraire, nous souhaitons diluer cet apport électrique sur toutes les sorties de virage, c’est possible également. Nous pouvons le gérer exactement comme nous le souhaitons. »
Tu dis que vous avez enfin pu couvrir 1000 km en une journée lors des essais de Bahrain. Certes, c’est bien mais au Mans, il va falloir en couvrir 5 fois plus ! Es-tu confiant quant à vos chances de voir l’arrivée pour votre première participation avec la 919 ?
« C’est difficile de se prononcer maintenant mais il nous reste encore un peu de temps d’ici le mois de juin. La force de frappe de cette équipe Porsche n’a strictement rien à voir avec ce que j’ai pu connaître avant. La 919 s’améliore continuellement et nous avons encore un test d’endurance à effectuer d’ici Le Mans alors nous pouvons espérer finir effectivement. »
La complexité des voitures modernes rend leur mise au point bien plus complexe qu’auparavant. Avec déjà 9 mois de développement derrière elle, on aurait pu penser la 919 de rouler sur de longues distances. 6 mois après sa naissance, une 908 tenait 21 heures au Mans et la seconde recevait même, avec grande difficulté certes, le drapeau à damiers. La Porsche est plus longue à venir à maturité d’autant que l’équipe avait peut-être pris le parti, dans un premier temps, d’un ordre d’allumage du V4 très agressif mais également intenable du point de vue des vibrations. Maintenant que les choses rentrent dans l’ordre, un véritable travail de fond va pouvoir être effectué. Mais l’ojectif majeur de la « Mission 2014, notre retour… » est dans trois mois…
Propos recueillis par Laurent Chauveau