Après nous avoir fait part d’un message concernant les essais qualificatifs des 24 Heures du Mans, Lionel Robert a souhaité nous faire passer son avis sur les neutralisations durant l’épreuve. Avec ses huit participations à la classique mancelle, Lionel Robert a un oeil différent de celui d’un journaliste puisqu’il connaît les différents rouages de la course.
L’accident d’Allan Simonsen a donné le départ d’une longue succession de neutralisations de course. Préserver la sécurité du circuit est une bonne chose mais lorsque cela fait perdre plusieurs heures de course il faut s’interroger. En 2014, il doit être possible d’innover en conjuguant sécurité, sport et spectacle dans l’intérêt de tous.
Samedi 15h, j’assiste au départ. Les écrans géants nous offrent les premières images du duel Audi Toyota lorsque ce spectacle est brutalement interrompu par l’accident mortel du Danois. En une fraction de seconde, c’est une vie en moins et toute une famille qui bascule dans la douleur et la tristesse. Je m’associe à la peine que peuvent ressentir tous ceux qui ont connu le pilote danois et qui pleurent aujourd’hui sa disparition.
Suite à cet accident, il faut remplacer les rails de sécurité. Cela entraîne l’entrée en piste des safety-car et tous les concurrents se regroupent en file indienne derrière les voitures de sécurité en attendant que l’intervention soit terminée.
Je reconnais le bien-fondé du remplacement des éléments de protection dès lors qu’ils sont endommagés mais hélas, aujourd’hui, pour garantir une complète sécurité aux intervenants techniques, le directeur de course n’a que deux solutions :
- l’arrêt absolu au drapeau rouge, solution parfois employée en F1 mais lourde de conséquence car elle nécessite une nouvelle procédure de départ
- l’envoi en piste des safety-cars, solution retenue aux 24H mais qui entraîne des inconvénients, notamment : plus aucun intérêt pour les spectateurs (en 2013, cela leur aura coûté près de 6 heures de spectacle), élément perturbateur de la stratégie des équipe, refroidissement excessif des hommes et des machines (sorties de piste au restart voire même parfois derrière safety-car), des voitures de course pas adaptées pour tenir un rythme aussi lent pendant parfois de longues périodes et puis surtout nous sommes en 2013 et la course en tête se joue souvent à quelques secondes près dans toutes les catégories. Or au Mans, même avec 3 safety-car en piste, l’intervention des voitures de sécurité peut coûter jusqu’à 1’20’’ à des concurrents LMP2 ou GT qui n’étaient séparés que de quelques secondes sur la piste. Et ceci devient de moins en moins acceptable sur le plan sportif.
J’attends donc de l’Automobile Club de l’Ouest, qu’elle continue d’être novatrice et visionnaire afin de trouver des solutions pour garantir plus d’équité sportive et plus de spectacle sans aucunement baisser la garde en matière de sécurité. Ce circuit de 13,6km s’y prête plus que tout autre et je suis certain que l’image de haute technologie mise en avant notamment à travers l’attribution du 56ème stand serait en cohérence avec le fait d’être le premier circuit au monde à proposer un autre mode de mise en sécurité d’une intervention.
Profitons du tracé naturel du circuit pour isoler une zone d’intervention comprise entre deux virages et placer cette zone sous un régime de vitesse limitée identique à ce qui existe sur la voie des stands. Toutes les voitures de course modernes sont équipées du ‘’pit-limit’’ qui permet au pilote de réguler automatiquement la vitesse de son véhicule dans la voie des stands. Imposer ce mode de fonctionnement à la zone du circuit où il est nécessaire de remplacer pneus et rails serait donc à mon sens applicable. Sur place une voiture de direction de course contrôlerait par radar la vitesse de passage des concurrents et sanctionnerait tout dépassement, exactement comme ce qui est fait aujourd’hui dans la voie des stands.
Cela permettrait de conserver un rythme de course sur l’essentiel du tracé, plus d’équité, plus de spectacle et aussi plus de sécurité car les pilotes resteraient en éveil et les pneus à la bonne température.
Et puis, comme je parlais d’être visionnaire, la procédure que je propose aujourd’hui sera elle-même appelée à être remplacée à court ou moyen terme. Dans 20 ans, peut-être moins, la direction de course pourra agir directement sur la vitesse de chacune des voitures de course en imposant une vitesse limitée de sécurité dès lors qu’il y a une zone du circuit concernée par un accident ou un risque de collision.
Je sais que le Président Fillon et son équipe sont à l’écoute des idées et propositions permettant d’améliorer le spectacle. J’espère que 2014 nous apportera la solution et avec elle une course qui durera sportivement 24 Heures.