Anthony Pons fait partie des pilotes qui sont arrivés sur le tard en sport automobile. Féru de karting depuis sa plus tendre enfance, le Normand s’est lancé dans le grand bain il y a seulement quelques années suite à une rencontre avec Raymond Narac et Franck Rava, les deux têtes pensantes du team IMSA Performance Matmut. Vainqueur du Challenge Endurance GT en VdeV il y a deux ans chez IMSA, Anthony Pons poursuit le bail avec l’écurie rouennaise la saison dernière mais en European Le Mans Series sur une Porsche 911 GT3-RSR. Résultat : champion ELMS (GTE-Am), 2ème des 24 Heures du Mans (GTE-Am) et 1er du Petit Le Mans (GTE-Am) dès sa découverte du continent américain. Changement de cap cette année avec le Team Endurance Challenge, toujours en ELMS, avec à ses côtés l’expérimenté Soheil Ayari. Le tandem reste en lice pour la couronne finale d’une catégorie finalement désertée. Une pige en VdeV Endurance Series sur une Norma M 20 FC/CD Sport aux 12 Heures de Motorland Aragon lui a permis de faire sa rentrée avant ses petits camarades. En seulement trois ans, Anthony Pons s’est forgé un beau CV, le tout combiné à une activité professionnelle intense. Quelques jours avant de se rendre au Hungaroring pour la reprise ELMS, Anthony fait le point sur son année mais aussi sur l’avenir, cette présence en LMPC étant faite initialement pour préparer une éventuelle arrivée en LMP2. Entretien sans langue de bois et avec le coeur…
Laurent Mercier : Avant de parler ELMS, que retenir de ta prestation aux 12 Heures de Motorland Aragon ?
Anthony Pons : « J’avais la responsabilité de partager le baquet avec les leaders du championnat. Laurent (Cazenave) comptait sur mon expérience des courses d’endurance. Rouler 12 heures avec une Norma était un peu une inconnue. Il fallait être raisonnable et ramener l’auto au bout. Nous avons bien roulé jusqu’à 21 heures, soit la majorité de la course. C’est ensuite que les ennuis sont arrivés avec un premier accrochage d’un de mes coéquipiers qui nous a fait chuter au classement avant un nouvel accrochage avec une autre auto de l’équipe. Nous sommes passés bêtement de P1 à P17. »
Le trafic a posé problème ?
« Non tout était assez soft en piste. De plus, les GT étaient peu nombreuses et très bien pilotées. Sur mes 3h30 de relais, il n’y a pas eu un seul dépassement compliqué. Il fallait juste prendre son temps. Malheureusement pour nous, la voiture a passé 1h30 dans son stand. Je suis déçu du résultat final car j’aurais bien aimé accrocher cette course à mon palmarès. En arrivant en Espagne, je savais que je n’avais pas le droit à l’erreur. La responsabilité était importante et nous avions toutes les cartes en mains pour bien figurer. L’équipage était homogène et l’auto parfaitement préparée. Cette course était pour nous. »
Que retiens-tu du pilotage d’un prototype CN comme la Norma ?
« La Norma M 20 FC est une auto très équilibrée et plaisante à piloter. Elle a prouvé sa fiabilité, ce qui était loin d’être acquis avant le départ puisque ces CN ont généralement l’habitude de tourner 6 heures et non 12. Je suis persuadé qu’elles pourraient faire de grandes courses d’endurance. Je me suis vraiment bien éclaté pour un coût qui reste abordable. On ressent bien l’appui aéro et elle est rapide dans les grandes courbes. La présence des pneumatiques Michelin est aussi un gros plus par rapport à l’année passée. Finalement, un prototype CN reste la base du proto avec une belle facilité pour l’appréhender. »
Tu as retrouvé un championnat que tu connais bien…
« Il y a la même convivialité et la même ambiance que j’ai connu par le passé. Pour ma part, j’ai été élevé dans l’une des meilleures équipes d’endurance évoluant en Europe avec le team IMSA Performance Matmut. Tout y est organisé et les bonnes décisions sont prises. Il est difficile de trouver mieux. On a pu voir que l’équipe IMSA Performance Matmut a été irréprochable sur cette course si bien qu’ils ont même failli accrocher le podium. »
Tu gardes de bons souvenirs de ton passage chez IMSA ?
« J’ai pris entre guillemets les mauvaises habitudes de chez IMSA où toutes les procédures sont réfléchies. Il y a des codes qui font que le résultat est là. Il ne faut pas oublier que toute l’équipe n’était pas à Motorland du fait du FIA WEC au Brésil le même week-end. Même avec un effectif réduit, ils ont été impressionnants. Je suis quelqu’un de pointilleux et je n’aime pas l’à-peu-près ou le « on verra bien ». On peut aussi accepter plus de fantaisie mais il faut mettre le résultat de côté. C’est la même chose chez CD Sport avec la gestion de quatre autos et onze pilotes. C’est plus dur mais le travail a été fait. Je n’ai pas grand-chose à redire. »
Tu vas retrouver dans quelques jours le baquet de la LMPC du Team Endurance Challenge en ELMS. Tu es satisfait de ta saison ?
« Au sein de la structure du Team Endurance Challenge, la participation des trois autos n’a pas été calée en début de saison si bien que nous ne serons que deux en Hongrie. Déjà au Red Bull Ring, les équipages ont été modifiés tout comme à Budapest en fin de semaine. Si l’auto du Algarve Pro Racing Team n’avait pas fait le déplacement, j’aurai réfléchi à poursuivre l’aventure. Où est le sport ? Il n’y a pas de respect de la catégorie Pro-Am. Ma motivation n’est plus la même qu’en début de saison. J’ai un goût amer même si j’ai bien conscience que ce jeu de chaises musicales dans les équipes est le même dans tous les championnats, ceci étant probablement lié à la conjoncture économique. Dans la gestion d’une entreprise, on mène un projet à son terme. Il n’est pas question d’arrêter au milieu. Des pilotes ont dû avoir des accords avec des partenaires qui n’ont pas tenu la saison et ces partenaires se retirent pour x raison.
Je reste car je me suis engagé avec Hugues de Chaunac en début d’année sur la totalité du championnat. J’ai un engagement oral avec lui et je ne suis pas du genre à me soustraire à mes engagements. Hugues de Chaunac est quelqu’un pour qui j’ai énormément de respect car je sais que lui aussi respecte les engagements qu’il prend. »
Ta présence en LMPC était pour préparer une arrivée en LMP2. Rouler avec Soheil (Ayari) t’a beaucoup apporté ? Le côté financier du LMPC est intéressant ?
« Je prends énormément de plaisir avec Soehil. C’est quelqu’un d’humainement d’extraordinaire et nous passons ensemble de très bons week-ends. On s’entend à merveille même si nous n’avons pas le même style de pilotage. En début de saison, je voulais voir si je pouvais passer en LMP2 et découvrir un autre style de pilotage dans un championnat médiatiquement développé. Selon moi, le bilan financier/plaisir est trop élevé. Il faut revenir à des fondamentaux et des coûts plus bas. Soit on veut rouler dans un championnat de renommée et pour cela il faut casser sa tirelire, soit on revient à un plaisir de pilotage pur, ce qui pour moi peut passer par du CN en VdeV Endurance Series ou du GT. Je n’ai pas tourné la page GT. Le format des courses ELMS n’est pas réellement de l’Endurance avec des meetings de trois heures. Sur une saison, cela fait 25 heures de roulage divisé par deux. Tout le monde connaît le prix de 180 000 euros pour la saison par pilote. Au final, cela donne environ 15 000 euros de l’heure sans compter les frais ni une immobilisation professionnelle de quatre jours pour 12,5 heures de roulage théorique. Je comprends que l’ensemble des pilotes aient du mal à trouver les budgets nécessaires. »
Un retour aux 24 Heures du Mans est à l’ordre du jour ?
« D’un point de vue personnel, Le Mans m’attire toujours autant même si j’ai bien conscience que c’est une course dangereuse. Mon entourage n’est pas vraiment favorable à un retour en piste même si j’en ai envie. Cette course me plaît et j’ai envie d’y revenir mais je ne veux pas jouer avec le feu. Je regarde de près des courses exotiques comme les 24 Heures de Daytona sur une LMPC. J’ai découvert les courses à l’américaine l’année passée à Road Atlanta et j’ai bien accroché. Cela fait partie des réflexions. »
Quel bilan global tires-tu sur la discipline ?
« L’ensemble des discours est à l’opposé de la réalité, que ce soit les organisateurs, la presse, les pilotes ou les équipes. Les organisateurs ne jurent que par les Pro mais on a besoin des Am. Les équipes n’hésitent pas à se séparer de leurs pilotes et la presse a tendance à tirer toujours dans le même sens. Il y a une certaine hypocrisie. Personnellement, je n’ai jamais cassé une seule auto même si je pilote à mon niveau. Attention, je ne suis pas aigri et je ne veux pas que mes propos soient mal interprétés. Je ne crache pas dans la soupe. Avec le sport automobile, j’ai découvert l’adrénaline la plus forte de toute ma vie hors vie familiale. Ce sport m’a apporté beaucoup de choses. J’ai découvert énormément de choses et fait beaucoup de rencontres. Mon premier relais au Mans restera à jamais gravé dans ma mémoire tout comme le passage sur la ligne d’arrivée ou le podium. Il est dommage d’avoir un tel contraste avec quelque chose de magnifique et la problématique du matériel masi aussi de la politique. Je n’ai absolument aucun regret mais je suis quelque peu contrarié. C’est juste un constat de dysfonctionnement qui gâche un peu le tableau. Mon métier est de vendre des camping-cars et le reste n’est que du loisir… »
Propos recueillis par Laurent Mercier