Claude Rouelle n’est pas pilote de course, mais son nom est indissociable des paddocks à travers le monde. Ingénieur de talent, le Belge a écumé tous les championnats de la planète en allant de l’IndyCar au NASCAR et en passant par le prototype, le GT, le V8 Supercar et le stock-car brésilien. C’est dire si ses connaissances sont demandées. Sa société OptimumG, basée au Colorado, organise des séminaires sur la dynamique des véhicules et les données que peuvent analyser les ingénieurs. Le prochain se déroulera en France à Magny-Cours le mois prochain. Entretien…
Claude, votre carrière en sport auto a débuté de quelle façon ?
“J’ai fait un mémoire de fin d’étude d’ingénieur à l’institut Gramme, à Liège, sur la conception et la fabrication d’une Formule Ford. Je voulais dessiner une voiture que j’allais construire. Comme je savais que je n’allais pas trouver l’argent pour construire une Formule 1, j’ai fait une Formule Ford. J’étais un bon élève, sans plus, mais pour le mémoire, l’école m‘a attribué la plus grande distinction. J’ai eu un prix d’innovation. Avec cet argent je suis devenu constructeur de voitures de course à 23 ans !”
C’est ce qui a permis de poursuivre ?
“J’ai fait rouler ces Formule Ford un peu partout en Europe pendant 4 ans. Quelques succès, beaucoup d’erreurs mais j’ai appris énormément. Puis le championnat d’Europe des voitures de Tourisme avec Luigi et RAS. Ensuite la F3 chez ORECA où on a gagné le championnat avec Erik Comas puis Jean-Marc Gounon, la Formule 3000 avec Panis, F1 chez AGS avec Gabrielle Tarquini, le Japon ou j’étais le délégué technique de Reynard en Formula 3000 et aussi l’ingénieur d’exploitation du team au Mans. Je suis venu aux USA d’abord en Indy Light avec Frank Fréon avec puis en IndyCar avec Arie Luyendyk et Stefan Johansson et enfin la NASCAR chez Furniture Row.”
Le meilleur souvenir ?
“J’en ai des tas. Le premier qui me vient en mémoire c’est le triplé en F3 à Albi en 1989 avec ORECA. On avait super bien préparé la course et ça a payé. J’étais le team manager et l’ingénieur d’exploitation de trois voitures. Quand je dis ça aux petits jeunes ils ne veulent pas le croire… Les 500 miles d’Indianapolis restent aussi ancrés dans ma mémoire : quand tu fais 360 km/h de moyenne au tour et que la voiture passe « à ça » du mur à chaque sortie du virage, tu réfléchis deux fois à chaque réglage que tu veux faire. Juste 0.5 mm de garde au sol avant fait une différence énorme ; il faut être hyper précis. Et puis les 24 heures de Spa, dans mon pays ; rien que d’y penser la nostalgie m’envahit….”
“En tant qu’ingénieur d’exploitation j’ai eu une carrière fantastique, absolument exhilarante ; non seulement l’engineering mais aussi la psychologie avec les pilotes, les décisions en stratégie de course, la camaraderie avec les mécanos et même avec les concurrents, des célébrations de victoires qui ont laissé des traces dans des hôtels et des tristesses de défaite qu’on ne peut vivre qu’ensemble et que si on a un team solide.”
Quelle est votre discipline favorite ?
“L’endurance et de loin. Il y a tout : la technique avec plus de libertés qu’ailleurs, la stratégie, l’esprit d’équipe, les compromis de réglages car il y a diffèrent pilotes…”
Les séminaires OptimumG sont arrivés plus tard ?
“Dans ma carrière, j’ai eu sans doute la chance d’être souvent au bon moment dans la bonne équipe avec les bons pilotes et les bons budgets. Ça m’a permis de gagner pas mal de courses mais à un moment je me suis rendu compte qu’on appliquait pas mal de « recettes ». Ça commençait à m’énerver de ne pas plus souvent pouvoir comprendre le comment, le combien et le pourquoi du comportement de la voiture. C’est aussi à ce moment que sont apparus les logiciels de simulation et les systèmes d’acquisitions de données qui justement permettaient de mieux observer, comparer et améliorer les performances des voitures et des pilotes. Je me suis investi à fond dans ces outils. En 1997, une société qui fabriquait du matériel d’acquisition et des logiciels d’analyse m’a demandé de partager mes connaissances lors d’un séminaire. Ça s’est super bien passé. Ils m’ont demandé une deuxième fois, puis 5 puis 10. Je me suis dit que je pouvais en faire un business. 18 ans plus tard on en est à plus de 300 séminaires pour plus de 11.000 ingénieurs et étudiants dans 34 pays ; je n’aurai jamais cru que ça irait si loin. Enseigner et partager ma passion est devenu une seconde carrière.”
OptimumG a d’autres activités….
“Aux activités de training ce sont ajoutées celles de consulting. Ça fait presque 10 ans qu’on travaille avec Dunlop Motorsport et qu’on fait l’interface voiture-pneu notamment en LM P2, GT, VLN…. En bref on aide le manufacturier à faire un pneu pour une voiture donnée et le team à exploiter le pneu le mieux possible. Le nombre de victoires acquises avec eux est impressionnant. C’est une belle collaboration tant au niveau technique qu’humain. On fait aussi du l’exploitation et/ou simulation et/ou analyse de données en WRC, V8 Supercars Australien avec ses courses musclées, FIA WEC, ELMS, IMSA, IndyCar, Blancpain, Stockcar brésilien, ce dernier étant le championnat le plus serré que je connaisse. Puis les logiciels de simulation : cinématique, dynamique du véhicule, modélisation de pneus. Il y a quatre ans, on a commencé à travailler avec les constructeurs et les manufacturiers de pneus de voiture de série. On fait beaucoup de modélisation, de tests avec mesures objectives et subjectives, benchmarking, aux USA et en Europe. Notre travail objectif et l’agilité qu’on a acquis via la course automobile semblent impressionner les grands constructeurs. C’est une des raisons pour lesquelles on vient d’ouvrir un bureau au Luxembourg.”
OptimumG ce n’est pas que Claude Rouelle?
“Certainement pas. En fait c’est de moins en moins moi. J’ai la chance d’être entouré par une équipe très internationale de gars solides, intelligents et organisés comme Manu Hugon qui est avec moi depuis plus de 10 ans. On travaille dur, on n’arrête pas d’innover on se pose les bonnes questions, on apporte les réponses et nos clients en bénéficient. Tout ça dans un esprit de camaraderie impressionnant. L’ego est la seule chose que vous ne trouverez pas chez OptimumG. On m’a dit un jour qu’un bon boss c’est quelqu’un qui engage des gens plus intelligents que lui. De ce point de vue là je suis un très bon boss (rire).”
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