Jean-Paul Pagny a coiffé avec Thierry Perrier et Jean-Bernard Bouvet la couronne 2016 du classement GT des V de V Endurance Series. Entretien avec le multiple champion du très relevé Challenge Endurance GT / Tourisme / LM P3 / PFV.
Cela commence à faire quelques titres décrochés en V de V, maintenant ! Les avez-vous comptés ?
“Dans la configuration actuelle du Challenge, il s’agit du quatrième après 2007, 2008 et 2015. Il faut même en ajouter un cinquième, acquis en 2006, à l’époque où les protos et GT partageaient la même grille de départ.”
Puisqu’acquis avec deux voitures différentes, celui-ci doit avoir une saveur particulière, non ? A quel niveau le placez-vous ?
“Remporter un championnat est toujours difficile. La saison se compose de sept courses, et comme nous avons pu en témoigner à Estoril (où l’équipage ne put prendre le départ à cause d’un accident en qualifications, Ndlr), il suffit d’un tout petit grain de sable pour être écarté de la lutte pour la victoire. Nous avons en plus changé de monture en cours de saison et il faut du temps pour comprendre la nouvelle – pilotes, ingénieurs et mécaniciens – et la fiabiliser. Mais en dépit de ces paramètres, nous avons décroché quatre victoires et cela rend la récompense encore plus belle.”
Expliquez-nous votre passion pour Ferrari, vous qui avez été respectivement couronné avec les F430, 458, et maintenant 488.
“Il ne faut pas oublier que j’ai commencé à courir sur une Porsche 996 RSR, avec laquelle j’ai gagné en 2007 ! Mais j’ai toujours été passionné par les Ferrari. J’ai donc pris possession d’une F430 GT2 en 2008 et découvert une « ambiance ». Il ne s’agit pas d’un simple échange commercial entre un constructeur et un client. Il y a un dialogue permanent et Ferrari est devenu au fil des années un véritable partenaire, qui a compris que le sport automobile de ce type ne peut vivre que grâce à l’apport des gentlemen-drivers. Championnat du monde mis à part, ce sont eux qui font la grille et qui font courir les pilotes pros. Ferrari a parfaitement compris ce système et nous avons pu à ce titre nouer d’excellentes relations. Nous sommes considérés, ils nous soutiennent dans nos efforts, et ce comportement est très appréciable, surtout venant de la part d’une marque aussi emblématique que celle-ci.”
D’une version 458 GT2 à 488 GT3 – outre son look ! – quelles sont les différences ?
“On entre avec cette dernière dans la nouvelle génération des moteurs turbo. Notre 458 était une GT2 à moteur atmosphérique, modifiée pour satisfaire à la règlementation de carburant qui vaut en V de V. Elle était unique, mais dûment homologuée par Ferrari pour courir dans ce Challenge. Notre nouvelle 488 est une GT3 respectant les standards de cette catégorie et offre, avec le turbo, un moteur plus coupleux et différent en exploitation. L’auto s’est par ailleurs globalement modernisée, et notamment au niveau de l’aéro, très perfectionnée, qui permet de retrouver, avec une GT3, des performances équivalentes dans ce domaine à celles d’une GT2.”
Le succès ne serait également rien sans un équipage solide. Avec Thierry Perrier, c’est une histoire qui dure !
“Nous étions régulièrement associés en 2007 et 2008, sommes devenus équipiers pour de bon en 2009, mais notre amitié remonte à bien des années auparavant. Nous partageons à la base la passion de la compétition et de l’automobile, il est très performant, possède une solide expérience de la course et sait aussi très bien conseiller. Chez Visiom nous ne sommes pas dans un schéma où nous cherchons à vendre des volants. Nous sommes tous des passionnés, pilotes, ingénieurs et mécaniciens, et le dialogue entre nous est important. Avec Thierry nous nous entendons bien, nous avons la même vision de notre discipline. On peut parler d’une cohabitation sympathique et, à en croire les résultats, performante !”
Jean-Bernard Bouvet n’est pas non plus pour rien dans la concrétisation d’une victoire, lui qui s’est greffé à votre duo en 2011, et qui a partagé avec vous les deux derniers titres.
“Absolument ! C’est un pilote très brillant qui sait être rapide et fiable, comme il l’a prouvé lors des dernières 24 Heures du Mans en venant en renfort de l’équipage composé de Frédéric Sausset et Christophe Tinseau. C’est quelqu’un de réfléchi et un excellent coach, au contact duquel Thierry et moi continuons à progresser. Il est par ailleurs tout aussi sympathique et parfaitement intégré à l’esprit de l’équipe Visiom. Il a un mental, et c’est pour ça qu’il est présent parmi nous depuis tout ce temps.”
Et vous, quel rôle vous êtes-vous senti investi au sein de cet équipage ?
“Je reste par nature un chef d’entreprise et j’ai toujours la volonté de réussir ce que j’entreprends. Pas uniquement pour moi, mais pour la collectivité qui œuvre au sein de notre structure. Chaque élément est important, et la moindre erreur de l’un se répercute dans le résultat final. Je souhaite maintenir cette ligne de conduite dans l’équipe et je m’attache donc le premier à être le plus performant possible. Je suis un gagneur et malgré mon âge, je pense que mon coup de volant n’est pas encore trop mauvais ! Avec Thierry on vieillit, on en parle (il rit), mais nous sommes toujours en quête de performance et, par notre hygiène de vie ou nos entraînements, nous mettons tout en œuvre pour réussir. J’essaye enfin d’apporter de la bonne humeur, et de faire comprendre à chacun l’importance de son rôle. C’est ça qui fait notre belle unité.”
Quel regard portez-vous, enfin, sur la concurrence face à laquelle vous avez été opposés cette saison ?
“Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous avons dû affronter des concurrents sérieux. Au championnat, les Renault R.S.01 ont montré être des voitures très performantes, en particulier l’équipage de la n°45 au sein duquel évoluait un rapide pilote pro. Mais également de la n°11 qui, grâce à l’absence de handicaps de passages par les stands, nous a souvent donné du fil à retordre. Tout comme la Ferrari AF Corse, qui s’est accrochée à nous tout au long de la saison, ou la Porsche IMSA Performance, la Mercedes d’IDEC Sport Racing et la Viper de ANTeam qui n’a malheureusement pas été épargnée par la malchance et les soucis techniques. Nous avons en tout cas profité d’un bon équilibre entre les forces en présence et jamais nous n’avons gagné avec deux tours d’avance. Il y a eu de belles bagarres et ce fut une belle saison. De celles qui donnent, bien entendu, l’envie de revenir l’an prochain !”