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EI vous donne la parole : “A un moment, il faut savoir dire stop”

2016-06-16-19h16m42
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Le GT vit actuellement une très belle période en termes de qualité des plateaux. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. On a pu voir au Mans et à Spa que la BOP est au centre du problème… Si l’idée initiale est louable, je pense que les limites du système ont été atteintes. Entre les constructeurs cachant leur jeu, ceux usant d’arguments politiques, ceux qui fournissent des voitures plus efficaces à certains clients qu’à d’autres et autres, le modèle a trouvé ses limites… Il est également malheureux de voir que le boycott lié à la BOP devient presque récurent.

L’exemple du FIA WEC est clair : Corvette Racing a développé une voiture pour 2015, qui comme prévu a subi une grosse mise à jour pour 2016. Résultat, ils sont à 4 secondes au Mans. A côté, Aston Martin et sa voiture de 2008 ont la plus grosse vitesse maximale du plateau sur tous les circuits. Comme lu sur l’un des articles parus sur EI, la BOP n’est pas une BOP de pneus, mais ça en a tout l’air quand on voit ça. Et Ford qui joue à cache-cache depuis le début de la saison… et qui malgré des règles claires contre ce type d’attitude n’est pas pénalisé… Une pénalité au Mans aurait été dure pour le sport en offrant la victoire à Ferrari, mais il y a un moment où il faut savoir dire stop. Et je suis totalement d’accord avec la décision de SRO à Spa. La question est, est ce que l’on peut appeler la situation actuelle en GTE un équilibre des performances ? À ce jeu-là, même les Mercedes à Spa en qualifications étaient équitables par rapport à la concurrence…

Le SUPER GT faisait la même chose dans les années 2000. Ils ont atteint le même paradoxe et ont corrigé la copie avec une balance de résultats. Le Supertourisme français des années 2000 également était balancé de la sorte. L’avantage est qu’en fin de saison, tout le monde a pu gagner, mais le champion est bien celui qui a été globalement le meilleur. Soit dit en passant, et malgré la polémique, on peut voir que le résultat d’une telle logique porte ses fruits en WRC. L’ordre de départ actuel pénalisant le leader du championnat est peut-être le bon puisque malgré ce handicap, Ogier qui est probablement le meilleur pilote du championnat, est en tête du championnat. De plus, cela ajoute l’incertitude nécessaire à rendre les courses intéressantes. Appliqué au FIA WEC, une balance type SUPER GT pourrait voir Le Mans se courir sans lest pour que le meilleur gagne et ainsi en finir avec les différents truquages sur ce que l’on appelle la plus grande course d’endurance au monde.

Le sujet du GT3 est plus compliqué encore. D’un côté, on a des voitures pour clients et gentlemen driver. Dans ce cas, même avec 1s d’écart à la minute entre deux voitures, l’écart de pilotage fait la différence. A côté de cela on met des pilotes pro dans ces voitures pour qui un écart de 0.5s à la minute est déjà irrattrapable. Quand on voit le plateau du GT3, et les écarts entre les voitures, c’est normal d’avoir de tels écarts. Il est donc normal de voir du boycott à un moment ou un autre. Mais le problème ne vient pas de la BOP. On tente d’équilibrer des péniches comme la M6 et la Continental avec des Supercars comme la 650S et la 488… À noter que le GT3 devient de plus en plus hors de prix et qu’un cost cap serait bienvenu afin d’éviter de faire à nouveau exploser le système comme à la fin du GT1. Sauf erreur de ma part, une 488 ou une Continental GT3 coûtent actuellement autant qu’une 550 Maranello GT1 (Prodrive) à l’époque! Soit dit en passant, le succès du LM P3 vient peut-être de ces tarifs exorbitants en GT3. A quand des silhouettes ou des mothers châssis en Europe pour offrir une alternative aussi performante que les GT3 pour des prix cohérents avec le niveau de performance ? Les japonais, les suédois et bien d’autres y arrivent bien et sous différentes formes, pourquoi pas SRO ?

Soit dit en passant, pour avoir vu des GT4 à l’œuvre en British GT, ces voitures ne font pas rêver contrairement aux GT3. Il serait dommage que le renouvellement naturel et cyclique du GT pousse ses voitures à devenir une catégorie reine dans un n’importe quel championnat, y compris le Championnat de France 2017 !

En LMP, le problème est peut être encore plus complexe. On a trois catégories, les LM P1 usines, les LM P1 privées et les LM P2.

Pour faire simple, ORECA a pris un avantage certain en LM P2, et en gros, pour gagner il faut une bonne équipe, un bronze pas trop lent et une ORECA 05. Le seul vrai problème de la catégorie à part que les jeux sont joués avant que la course ne commence, c’est la visibilité pour le spectateur. Comment expliquer que quelqu’un avant dernier à mi-course avec 1 tour et demi de retard finisse sur le podium ? Les écarts de performance sont trop importants entre les pilotes bronze et les autres. Imposer ces pilotes, ça fait vivre la catégorie, mais ça la rend difficile à suivre. Le jour où la classification des pilotes disparait, quelle équipe pour financer une campagne en WEC avec 3 Platinum qui ne paient pas leur volant ?

Les LM P1 privés, quand on regarde l’ORECA 05 et la R-One, on assiste plus ou moins à une LM P2 ‘re’ motorisée pour la R-One. A partir de là, quand on connait l’écart de performance du châssis entre une LM P2 et une LM P1 usine, on sait que quoi qu’il arrive, les privés ne peuvent que ramasser les miettes. Alors quand en plus on rajoute le système hybride… Il est décevant de voir qu’en 3 ans d’exploitation, la R-One a eu pour seule évolution châssis visible de nouveaux phares avant. Il est loin le temps ou Pescarolo, Zytek et autres développaient une évolution aéro tous les 18 mois. Les LM P1 privés ont le mérite d’être là, et ils ne lâcheront peut être pas le championnat aussi vite qu’un grand constructeur, mais sans argent, ils ne feront rien de plus que de la figuration. Et pour avoir de l’argent, il faut les montrer à la télé, et pas uniquement quand leur voiture brûle en bord de piste… A noter qu’un vrai moteur d’usine comme le Nissan de la GT-R LM pourrait peut-être les aider à être un peu plus fiable.

Quant au LM P1 usine, la compétition est superbe, mais il y a tout de même quelque chose qui ne tourne pas rond: en quoi les technologies utilisées pourront être transférées aux voiture du commerce ? Aujourd’hui ce ne sont plus les moteurs les différenciateurs de performance, ni les systèmes hybrides ou les châssis, mais l’aérodynamique, les stratégies de gestion de l’énergie et les suspensions pilotées. Pour monsieur X qui utilise sa voiture pour aller au travail, et qui adapte potentiellement son itinéraire à la circulation, l’aérodynamique est un facteur négligeable de la performance. Au mieux, l’aérodynamique de la voiture de Mr X lui permettra de gagner 0,5 l/100… De plus, en supposant qu’il roule en voiture hybride, son trajet n’est pas pré défini avec pour chaque position GPS la puissance hybride qui s’adapte afin d’aller le plus vite possible à son travail en consommant le moins possible. La circulation, les feux de signalisation et le fait que Mr X adapte son trajet faussent tous les calculs de gestion de l’hybride. Alors, ne parlons pas des suspensions pilotées. Les développements en LM P1 sont et seront probablement à 80% inutile à monsieur X. Dans le but d’attirer de nouveaux constructeurs, l’endurance devrait peut-être se recentrer sur son rôle initial : être un laboratoire de nouvelles technologies pour l’automobile. Actuellement on assiste seulement à une bataille d’ingénieurs dans des domaines futiles pour l’automobile de tous les jours. La seule chose qui puisse être rapportée dans le futur aux voitures de série, c’est le développement des batteries. En tant que compétiteur, j’adore cette compétition technologique. Mais quand j’essaie de m’imaginer l’utilité de ces développements et de cette compétition je me dis que ce n’est qu’un gaspillage monumental d’argent. La règle des 2 kits aérodynamiques par an va dans le bon sens, mais ce n’est pas les kits aérodynamiques qui coutent le plus cher, mais leur développement. Et là-dessus, il y a moyen de faire de très grosses économies.

Toujours en LM P1, on se plaint du son des moteurs qui ne chantent pas. Le législateur a voulu cela en mettant des règles avantageant le moteur turbo. Conceptuellement, une voiture à moteur atmosphérique pèse probablement entre 20 et 50 kg de moins qu’une voiture à moteur turbo. Si le règlement avait laissé cet avantage a ceux qui faisaient le choix de l’atmosphérique, l’avantage de couple des moteurs turbo aurait probablement été compensé. Et à ce moment-là, Toyota n’aurait-il pas gardé son moteur atmosphérique sur la TS050, pour le plus grand bonheur des fans?

En tant que fan de sport automobile, pour moi, une course n’est intéressante que si elle est incertaine. C’est ce qui manque à la F1 et que l’endurance possède grâce à ses systèmes multi classe, que ce soit en WEC par les GT, en Blancpain grâce aux AM ou en SUPER GT avec les GT300. Si en plus les voitures sont équitables, et que les différences technologiques donnent l’avantage à un tel sur une portion et à son concurrent dans une autre, le spectacle ne peut être que géant! À ce jeu là, le système de BOP est louable. Cependant, il faut des plateaux conséquents pour aider au spectacle, et il vaudrait mieux que les coûts soient maîtrisés et que le sport reste équitable afin de conserver ces plateaux au risque de voir à nouveau l’endurance désertée…

Le problème dans tout ça, c’est que comme l’a bien dit Mr Vasselon peu avant Le Mans, l’incertitude est le cauchemar des ingénieurs. La BOP tout comme les aléas liés au trafic et à la fiabilité sont des problèmes avec lesquels un ingénieur souhaiterait ne jamais s’encombrer! D’où l’espoir de pouvoir contourner ce sur lesquels on peut jouer, la BOP en l’occurrence.

Un dernier point qui pourrait porter à réflexion: les FCY. On a pu voir à Spa Mercedes en profiter pour limiter l’impact de sa pénalité, mais aussi au Nürburgring la Porsche #2 commettre une erreur dans le trafic et profiter d’un FCY pour prendre un avantage irrattrapable à la régulière sur la concurrence, qui elle, n’avait pas fait d’erreur. L’objectif du FCY est de ne pas fausser les écarts en ne sortant pas le safety car. Dans ce cas, il ne faudrait pas non plus fausser les écarts grâce à des passages aux stands qui tombent au bon moment. À quand une interdiction de toucher à la voiture pendant x secondes pour un arrêt sous FCY ? Pourquoi ne pas réinstaurer le code 60, avec quelques modifications afin d’éviter les accidents comme celui de Loïc Duval au Mans? Interdire de dépasser dans la zone 60 tant que des voitures ayant du ralentir à 60 s’y trouvent pourrait résoudre le problème des accidents tout en limitant les gains d’un stop sous FCY. L’autre solution est de faire du sport auto à l’Américaine et de sortir le SC dès qu’il se passe quelque chose. D’un point de vue sport, c’est moins intéressant, mais c’est mieux pour le spectacle. Et on sait à quoi s’attendre : tout !

Afin de savoir quel est le meilleur futur pour le sport automobile, je pense qu’il est important de bien délimiter ou se trouve le sport et où se trouve le divertissement. Car il y a fort à parier qu’en essayant de satisfaire les deux, le système pourrait imploser.

“Apff”

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