Les Total 24 Heures de Spa 2016 ont une fois de plus réuni un plateau alliant qualité et quantité. Le public ne s’y est pas trompé en venant assister en masse à la plus grande course GT au monde. Les temps forts ont été nombreux et peu d’observateurs auraient misé sur une victoire BMW. Deux M6 GT3 pour aller chercher la victoire contre 6 Mercedes-AMG GT3, 8 Audi R8 LMS, 3 Lamborghini Huracan GT3 et 3 McLaren 650S GT3. Pourtant, les deux BMW ont toujours été dans le coup comme les deux seules Bentley Continental GT3 en lice dans la classe ‘overall’. Comme quoi le nombre ne fait pas toujours le succès. Retour sur une édition 2016 qui va laisser des traces…
Mercedes-AMG chahuté avant le départ…
A trois heures du départ des 24 Heures de Spa, on ne connaissait toujours pas le grille de départ. La nuit de vendredi à samedi a été courte pour une partie du paddock. C’est d’abord Maxi Götz qui décrochait la pole avant de s’en faire déposséder par Clemens Schmid, ancien pilote junior Bentley, lui aussi pensionnaire HTP Motorsport. Le pilote DTM n’ayant pas respecté le drapeau jaune lors de l’arrêt de la McLaren en bord de piste, son cas a été vite réglé par la direction de course. “Je ne conteste pas a décision car c’est clairement inscrit dans le règlement” nous lâchait un patron d’équipe vendredi soir. “Cependant, un tel déclassement est injuste. Il aurait mieux valu lui redonner un tour. C’est une Superpole, donc tout le monde doit avoir une chance identique.” Götz out, c’est Schmid qui se voyait créditer du meilleur temps, offrant un 1-2-3-4-5-6 aux Mercedes-AMG qui tournaient environ 2s plus vite que lors de la Journée Test quelques semaines plus tôt. On vous laisse imaginer la tête de la concurrence.
Les commissaires techniques ont épluché les données récoltées sur les autos avant d’entendre les différentes parties, puis de rendre un verdict samedi à la mi-journée. Résultat : les six Mercedes-AMG GT3 reléguées et l’obligation de marquer un drive through de 5 minutes dans les 30 premières minutes de course. Un camouflet pour la marque qui sortait d’un triomphe aux 24 Heures du Nürburgring. Les plus folles rumeurs ont circulé le samedi matin : retrait de toutes les Mercedes-AMG GT3, pression d’Audi pour déclasser les autos, réclamation pour que la décision soit suspensive. C’est bien connu qu’il faut à chaque fois une théorie du complot. Philippe Graton tient le prochain scénario de Michel Vaillant.
Les mots ‘comportement anti-sportif’ sur la décision sportive font tout de même mal car beaucoup ont dit que Mercedes avait délibérément tenté de tricher. C’est aller un peu loin surtout que peu de gens connaissent réellement les détails. La décision précisant l’annulation de tous les temps de la Superpole des Mercedes-AMG GT3 mentionnait un temps de calage d’allumage non respecté. La pénalité de 5 minutes fait référence à un comportement anti-sportif pour avoir présenté une auto non conforme techniquement. Spa n’échappe pas la règle d’une course prestigieuse comme peuvent l’être Daytona et Le Mans. Il est de bon ton de ne pas tout montrer avant une telle course et d’en garder sous le pied. Comme la classification des pilotes, la BOP a montré ses limites. “On ne peut qu’accepter la décision” nous déclarait un pilote quelque peu dépité avant le départ. “Tous les constructeurs connaissent l’importance de cette course. C’est important pour le prestige et cela peut faciliter la vente de voitures. Il n’est pas question de parler de triche. Les ingénieurs essaient d’optimiser le tout mais par moment, la limite est dépassée. On le voit de temps à autre avec les GT3 équipées d’un moteur turbo.” La communication de Mercedes-AMG sur cette affaire en expliquant que le délai pour porter réclamation était dépassé ne fait tout de même pas très sérieux sachant que la marque n’engage pas elle-même les autos vu que les engagements officiels sont interdits. Imaginez que les équipes fassent appel, ce qui rend suspensif les décisions. Les Mercedes-AMG GT3 gardent leurs places sur la grille et on retrouve trois d’entre elles sur le podium à l’arrivée. Si les équipes gagnent en appel, tout va bien. En revanche, elles perdent l’appel. On a six voitures qui sont parties en course dans une mauvaise position de départ. Il faut donc pénaliser après coup et modifier le classement plusieurs semaines (voire plusieurs mois) après.
Les Mercedes-AMG GT3 ont donc été condamnées à remonter en course. Seules deux GT3 ont été capables de tourner en moins de 2.20 au tour en course avec l’Audi #28 (2.18.793) et la Bentley #8 (2.19.917). Chez Mercedes, on est passé de 2.17.651 durant les essais à 2.20.144 en course. Par chance, la pénalité a été marquée sous régime de FCY.
Une fois la course lancée, tout le monde s’est passionné pour la bagarre entre Audi, Bentley et BMW. Les équipes se sont marquées à la culotte car personne n’a réellement pris l’avantage. BMW a parfaitement construit sa victoire en appliquant une stratégie parfaite assortie d’une bonne gestion des neutralisations. Le stand ROWE Racing n’a jamais semblé inquiet où tout le monde est resté zen et détendu (en apparence). Il y a tout juste un an, les pilotes BMW ne semblaient guère confiants sur le potentiel de cette BMW M6 GT3. Une belle récompense en si peu de temps et avec si peu d’autos au départ. Maxime Martin tient enfin son succès dans les Ardennes belges, ce qui lui fera une belle histoire à raconter à son fils. Alexander Sims et Phillipp Eng n’ont pas démérité eux non plus.
Bentley Team M-Sport a bien donné le change et on comptait sur l’arrivée de Leena Gade pour donner un coup de boost à une équipe qui n’avait jusque-là guère été gâtée à Spa. La #8 de Soulet/Soucek/Reip a montré de belles choses mais la stratégie s’est enrayée. Christian Loriaux, directeur technique, n’a pas mâché ses mots dans la presse belge : “On a fait beaucoup d’erreurs élémentaires. Pilotes, mécaniciens, staff : on a tous commis des fautes. On a tout gâché avec nos bêtises. L’auto, elle, méritait la victoire. On a manifestement mal interprété certains détails du règlement. BMW et ROWE ont gagné et c’est amplement mérité. Ils n’ont pas mis un pied de travers, au contraire de nous, qui avons fait trop d’erreurs débiles.” On a vite senti de la fébrilité dans le stand Bentley avec beaucoup d’agitation. Les pénalités sont venues de toute part : temps de conduite dépassé, une roue mal relâché, un excès de vitesse sous FCY (118 km/h au lieu de 80), sans oublier une mauvaise interprétation du règlement sportif. Bentley a perdu tout seul la course.
Chez Audi, on avait de quoi renouer avec le succès. Audi Sport Team Phoenix a joué la gagne jusqu’à ce qu’une partie de la R8 ne parte en fumée. Les Belges de WRT avaient tout préparé pour gagner cette course mais là aussi la machine s’est enrayée. La #28 de Rast/Vanthoor/Müller a perdu 3 tours sur un accrochage et la 3ème place finale relève du miracle. La #1 de D/Vanthoor/Stevens/Vervisch a connu un souci de splitter et d’innombrables coupures moteur. Au final, l’équipage de la #1 s’est arrêté à 37 reprises. Le Saintéloc Racing et I.S.R (Pro-Am) ont fait mieux que de faire de la figuration avec une très belle prestation.
Outre Bentley, McLaren peut oublier Spa 2016 et se tourner vers la suite de la Blancpain GT Series. Dommage pour les 650S GT3 qui méritaient mieux. Décidément, Spa ne refuse toujours à la marque britannique. Même constat pour Nissan qui n’a jamais vu le jour avec une heure perdue pour changer la boîte de vitesses. Ferrari n’avait pas de quoi suivre le rythme des équipes de pointe et Porsche repart de Spa avec la victoire en Pro-Am grâce à IMSA Performance. Peut-être de quoi donner des envies pour le futur. Avec trois Huracan GT3 dans le top 15, Lamborghini a montré que l’auto était fiable. Emil Frey Racing n’a pas démérité, loin de là, au sein d’un plateau toujours plus relevé. Quant à Aston Martin, le peu d’autos au départ prouve qu’il faut donner une remplaçante à la V12 Vantage GT3. Un mot sur les deux Porsche 991 Cup du Groupe National engagées par RMS et Speedlover qui ont enchaîné les tours avec deux équipages entièrement gentlemen. Une bien belle performance pour les équipes et pilotes qu’il convient de saluer.
Les Total 24 Heures de Spa 2016 n’auront pas été de tout repos, elles ont eu le mérite de faire parler et d’être indécises jusqu’au bout. Rendez-vous en 2017 pour une nouvelle bataille dans les Ardennes belges…