En course automobile, et plus particulièrement aux 24 Heures du Mans, le stratégie pneumatique revêt une importance particulière. Jérôme Mondain, le manager de Michelin en Endurance, nous explique pourquoi.
Les arrêts, notamment pour changer de pneus, sont-ils plus pénalisants aux 24 Heures du Mans que lors d’une course de six heures ?
L’arrêt au stand ou le changement de pneus, compte tenu de la moyenne élevée des vitesses, coûte très cher en termes de temps, et plus encore sur le circuit des 24 Heures du Mans ! Le but est alors d’avoir un pneu très constant sur plusieurs relais afin que la voiture passe le plus de temps possible en piste. La longévité est un élément prépondérant pour performer aux 24 Heures du Mans.
Comment choisir les bons pneus en fonction de chaque situation, notamment météo ?
Nous mettons effectivement à disposition des équipes différents types de pneus et de gommes, pour leur permettre d’atteindre le plus haut niveau de performance en toutes circonstances. Pour sols sec et mouillé, évidemment, mais aussi en fonction de la température extérieure. Ensuite, chaque équipe utilise les séances de tests pour identifier les plages de fonctionnement idéales de chaque gomme, qui peuvent également varier en fonction des réglages de la voiture et du style de pilotage de chacun. C’est pour cela que le travail de préparation, les essais et le set-up (mise au point des réglages) sont déterminants.
Est-ce que cela veut que le remplacement des pneus est prévu pour toute la course avant que celle-ci ne démarre ?
La course n’est pas un long fleuve tranquille, mais il est exact que chaque équipe établit son plan de course idéal avant de prendre le départ. Elles savent en théorie quel type de pneumatique attribuer à une voiture, un pilote, à quel moment et pour combien de temps. Mais 24 heures, c’est long, il peut se passer beaucoup de choses, et elles doivent sans cesse se réadapter. C’est pour cette raison que nous attribuons à chaque partenaire un Conseiller Technique d’Ecurie, qui leur apporte des recommandations et des informations pendant toute la durée de la course.
Quel est le rôle précis du Conseiller Technique d’Ecurie ?
Au Mans plus qu’ailleurs, le CTE contribue à l’élaboration de la stratégie pneumatique. Il est à la fois le technicien et le conseiller, qui participe activement à l’établissement du plan de course. Pendant les 24 Heures du Mans, le vendredi est une grosse journée de travail pour les équipes, car bien que les voitures ne roulent pas, c’est à ce moment là que tout se décide pour la course du lendemain. A l’issue des réunions, les CTE de chaque team nous communiquent alors, en toute confidentialité les plans de course de chacun, de manière à ce que nos équipes puissent préparer et leur mettre à disposition les bons pneus au bon moment.
Est-ce que le CTE a autorité sur les pneumatiques à choisir en course ?
Rien ne se fait sans l’avis du CTE, car il connaît d’une part très bien les qualités de tous nos pneus, mais aussi les secrets du circuit du Mans. Il s’agit d’un poste important occupé par des hommes d’expérience. Mais, au final, c’est néanmoins l’ingénieur voiture qui est souverain sur le choix des pneus, après s’être appuyé sur les remontées d’information faites par le pilote. Au Mans, le circuit est tellement grand qu’il peut parfois pleuvoir à un endroit, et pas à un autre… Le binôme ingénieur/pilote est donc incontournable, tout autant que l’expertise du CTE, même si à la n un seul d’entre eux décide.
En matière de pneumatique, quel est le facteur clé pour maximiser ses chances ?
Il est très important de bien se préparer, et connaître parfaitement les plages d’exploitation de ses pneumatiques, afin de les utiliser au bon moment. En gardant le contrôle sur la stratégie à chaque moment de la course, on peut ainsi mettre toutes les chances de son côté a n de gérer à la fois la performance et l’usure, qui sont les deux clés de voûte de la longévité, qui permet au pilote de repousser au maximum son prochain passage au stand.
On recense davantage de crevaison au Mans qu’ailleurs ?
Les 24 Heures de Mans, c’est particulier. Il y a de nombreuses voitures très différentes, qui sont pilotées par des professionnels ou des gentlemen drivers, qui parfois s’accrochent entre elles ou peuvent passer par les bacs à graviers et souiller la piste. Le fait qu’il se passe beaucoup de choses en 24 heures est normal, mais pour toutes ces raisons on peut dire que les probabilités de crevaisons sont plus fortes au Mans qu’ailleurs, même si cela n’arrive pas très souvent.