Le Mans

Chris Amon : “Les courses d’endurance restent le test absolu pour l’homme et la machine”

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Chris Amon, même s’il n’a pas remporté un seul Grand Prix de F1, était sans conteste un des tout meilleurs pilotes des années 1960 et 1970. Le Néo-Zélandais a disputé 96 GP, fait 11 podiums et réalisé 5 poles, alors qu’il a souvent été malchanceux et il restera dans la postérité pour être avec son compatriote Bruce McLaren le premier pilote à avoir fait triompher Ford au Mans, en 1966, les deux Kiwis pilotant une GT40 MkII.

C’était il y a 50 ans et Chris Amon, pour commémorer cette victoire historique pour le constructeur américain, a remonté le temps…

Chris, avant cette course, quels étaient vos principaux adversaires : Ferrari ou les autres Ford GT40 ?

« Je pilotais avec Bruce McLaren la Ford GT40 n°2 et nous savions tous deux que nos principaux concurrents seraient les autres Ford. Nous avions couru au Mans avec la T40 et nous étions beaucoup plus rapides que les Ferrari avant que nous ayons eu des problèmes de fiabilité. Nous savions que Ferrari avait progressé, mais nous aussi, particulièrement sur le plan de la fiabilité, et cela s’est vérifié en course. »

FordGT40

Parlez-nous du départ…

“Bruce a fait les premiers relais. Je me souviens que la piste était humide et que nous roulions en Firestone intermédiaires et que, à 340/350 km/h dans la ligne droite, les pneus se délitaient un peu. J’ai pris le relais de Bruce et il a parlé à Firestone et ils ont généreusement dit que pouvions passer aux Goodyear avec lesquels les autres GT40 roulaient.”

Est-ce à ce moment-là qu’il a crié « Vas-y à fond »

« Oui, et il y a une petite histoire à propos de ça. Nous avions tous les deux piloté les deux premières 7 litres au Mans l’année précédente. Bruce avec Ken Miles et moi-même avec Phil Hill. On nous avait prévenu de faire attention aux boîtes de vitesses car elles étaient nouvelles et n’avaient pas fait leurs preuves, et les deux voitures avaient abandonné sur casse de la boîte. Le team Mclaren était chargé par Ford de construire une version plus légère de la GT40 pour une usage possible en 1966. J’en ai fait les essais et je l’ai pilotée sur quelques épreuves Can-Am aux USA à la fin de l’année 1965. A cette époque à Sebring et Daytona, j’ai également effectué des essais avec la version standard et j’ai eu quelques problèmes mécaniques. Ensuite, je suis allé à Daytona pour es 24 Heures, associé à Bruce. Je n’étais pas pleinement confiant du côté de la fiabilité au cas où nous devrions batailler dur pendant toute la course aussi j’ai suggéré à Bruce que nous adoptions un rythme prudent pendant la course et, alors que nous pourrions ne pas figurer dans le Top 3 en début de course, nous pourrions être les seuls à l’arrivée. Nous avons fini à la 5ème place… Notre attitude pour Le Mans, en raison du résultat de Daytona, a été évidemment différente. Nous avons décidé de prendre notre propre rythme, ce qui nous laisserait au contact avec la tête de la course et de foncer plus tard dans la course. Cette stratégie s’est effondrée lorsque nos pneus ont commencé à perdre de la gomme en début de course et que nous avons perdu un temps considérable. Bruce et moi étions sous contrat avec Firestone, donc c’était difficile pour Bruce de négocier un passage aux Goodyear. Quand j’ai été rappelé au stand pour le changement de pneus, je pense que la frustration de Bruce -ci-dessous en photo- avait atteint son paroxysme, il a passé sa tête à la portière et a dit « Vas-y à fond . »

LeMans, LeMans, France, 1967

Que c’est-il passé à l’arrivée ?

« L’idée, c’était que les Ford GT40 de tête franchissent la ligne d’arrivée ensemble, mais en pratique ce n’était pas possible d’avoir un “dead heat”. A la base nous n’étions pas sûrs de savoir qui avait gagné. »  

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Quel a été le moment le plus difficile de la course pour vous ?

« A l’époque, la vitesse maxi de la GT40 était de l’ordre de 160 km/h de plus que quelques autres voitures, aussi ce pouvait être délicat, particulièrement la nuit dans le brouillard, d’arriver sur ces voitures alors qu’on n’y voyait pas beaucoup. C’était piégeux de piloter au crépuscule car la lumière était très faible. Une autre chose, les voitures perdaient beaucoup d’huile au fur et à mesure que la course durait, et la pluie s’est mise à tomber, c’était très glissant. Notre accélérateur se bloquait aussi un peu, ce qui n’était pas ce qu’il fallait quand on avait besoin de négocier un virage. »

 24 Hours of LeMans, LeMans, France, 1966

Avez-vous dormi un peu ?

« Pas du tout. Nous nous arrêtions toutes les heures et demie pour ravitailler et nous n’avions pas le droit de conduire plus de quatre heure d’affilée. Bruce pouvait dormir n’importe quand, mais pas moi. Je prenais une douche quand je sortais de la voiture et changeais de combinaison car on était trempé de sueur quand on pilotait la GT40. J’ai également eu quelques intéressantes conversations avec Henry Ford II et sa femme Cristina pendant la nuit. »

Dites-nous un mot des célébrations sur le podium à l’arrivée…

« Je  dois admettre qu’à l’époque j’avais seulement 22 ans et j’étais impressionné par la situation. Henry était sur le podium et que crois que sa femme y était aussi. Je ne me souviens plus exactement de ce qui s’est dit mais c’était un moment très joyeux. »

24 Hours of LeMans, LeMans, France, 1966

Donc, qu’est-ce qui est le plus dur -Le Mans 1966 ou Le Mans 2016 ?

« C’est difficile à dire, parce que les différences de vitesse étaient plus importantes à mon époque et les voitures ne fournissaient pas autant de protection. Le circuit était également plus dangereux. Nos voitures n’avaient ni direction assistée, ni paddle shift, donc elles étaient physiquement très exigeantes à conduire. On avait d’énormes ampoules aux mains à force de changer de vitesses. Une autre chose : on devait réellement ménager les freins parce qu’au bout des Hunaudières, ainsi ils étaient froids et ensuite soumis à une chaleur terrible alors qu’on freinait à 350 km/h. Il y avait un risque réel que les disques cassent. A l’époque, c’était certainement plus dangereux, mais si vous vouliez courir, il fallait l’accepter. Je pense qu’aujourd’hui les pilotes doivent encaissent davantage de G et ils doivent aussi s’occuper de plusieurs réglages dans la voiture sont ils ont davantage de choses à penser pendant la course. En fin de compte, les courses d’endurance restent le test absolu pour l’homme et la machine. Les choses n’ont pas beaucoup changé au cours des cinquante dernières années. »

Cette victoire a-t-elle été le sommet de votre carrière ? 

“A ce moment-là j’étais probablement plus intéressé par la F1 que par l’endurance. On a dit que j’étais un pilote de F1 malchanceux parce que j’aurais dû gagner de nombreuses courses, mais le fait est que beaucoup de mes contemporains ont été tués en F1, donc je pense que j’ai la chance d’être encore là. Cela ne fait pas question, cette victoire du Mans avec Ford a été un moment très particulier dans ma carrière. »

Que signifierait pour vous une victoire Ford en 2016 ?

« Je serais ravi pour Ford. J’ai gagné avec Bruce et il n’est pas resté longtemps avec nous après cette course donc cela serait particulièrement poignant pour moi de voir l’histoire se renouveler. Je souhaite le meilleur au team. »

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