Le Mans

Doug Fehan (Corvette Racing) : “Il n’y a qu’un seul Le Mans…”

FIA WEC - Spa 2016
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Victorieux de la classe GTE-Pro en 2015 avec la Corvette C7.R n°64 de Oliver Gavin, Tommy Milner et Jordan Taylor, le Corvette Racing remet son trophée en jeu cette année, à nouveau avec deux autos. 

La veille de la Journée Test – lors de laquelle la Corvette n°63, pilotée par Antonio Garcia, a réalisé le meilleur chrono de la catégorie en 3’55”122-, Doug Fehan, Program Manager du Corvette Racing, nous a accordé un entretien pour évoquer avec nous quelques-uns de ses souvenirs du Mans et pour parler de l’édition 2016.

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Doug, quand êtes-vous venu au Mans pour la première fois ?

« La première année où je suis venu au Mans, ce devait être dans les années 90. C’était juste pour voir comment ça s’y passait. J’étais venu en simple spectateur, mais envoyé par General Motors. La première fois que je suis venu pour un programme compétition, c’était en 1996 où j’étais en charge du programme Oldsmobile, moteur qui équipait les Riley & Scott. Quelque temps après, nous avons démarré le programme Corvette… »

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Qu’avez-vous pensé du Mans lorsque vous êtes venu en tant que simple spectateur ?

« Ah, comment dire , colossal ! Au cours de ma vie, j’ai vu de nombreux circuits, j’ai assisté à de nombreux tours en course, mais dès la première minute où on arrive ici, ça vous donne la chair de poule ! Penser qu’on est là, dans un lieu de légende, vraiment le Saint Graal de la course automobile, et voir ce qui s’y passe, sa magnitude, l’ampleur de l’évènement, l’investissement, la participation des équipes d’usine, cela dépassait tout ce que j’avais pu voir auparavant. J’ai tout de suite senti que cet endroit était vraiment très spécial, unique… »

Le Mans est très différent de Sebring ?

« Oh oui, Sebring, j’y suis allé effectivement très souvent et depuis longtemps, depuis la fin des années 1970, mais ce n’est pas comparable. Daytona, c’est la même chose, il n’y a qu’un seul Le Mans ! »

Quels sont vos meilleurs souvenirs du Mans ?

« Bien sûr, il y en a plusieurs. Notre première victoire ici, en 2001 en GTS, a été très chargée d’émotion. Il avait plu pendant la majeure partie de la course, la course avait été vraiment très, très difficile pour tout le monde. Nous menions la course depuis sept heures et la voiture avait des problèmes de démarreur. Nous avions beaucoup d’avance, mais le règlement imposait que la voiture franchisse la ligne d’arrivée. Nous ne savions pas si nous avions le droit de changer le démarreur.  J’ai demandé à mon ami Benoît Froger, aux officiels car on ne voulait pas tricher et respecter l’esprit sportif. On nous a dit « pas de problème, vous pouvez changer », c’est donc ce qu’on a fait, mais on n’était pas très rassuré quand la voiture est repartie. On ne sait jamais ce qui peut se passer, la voiture peut faire un tête-à-queue et caler, ne plus pouvoir repartir. C’est pour cela que nous avons changé le démarreur. C’était vraiment très stressant ! Ensuite, je me rappelle du drapeau à damier qui saluait cette première victoire. C’était une émotion très intense avec tous les gens qui applaudissaient. Pour moi, c’était extraordinaire. C’était une année extraordinaire car nous avions remporté également les 24 Heures de Daytona au classement général. Donc, 2001, c’est mon souvenir numéro un au Mans.

Ensuite, je pense, c’est probablement quand on m’a décerné le Trophée « Spirit of Le Mans ». C’est quelque chose à laquelle je n’aurais jamais pensé, que je n’aurais jamais imaginé. Quand j’ai reçu la lettre du Président Fillon, il a fallu que je la lise trois fois ! C’est probablement ce qui m’est arrivé de plus grand au cours de ma carrière. »

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 Et vos pires souvenirs au Mans ?

« En fait, en y repensant, je n’en rangerais aucun. On apprend toujours du Mans. Les mauvaises expériences, ce sont aussi des expériences d’apprentissage. Le crève coeur d’une voiture qui casse à deux heures de l’arrivée, c’est dévastateur, mais on en tire des leçons, et on a envie de revenir, parce qu’on est passé si près. Une année, nous avons eu des problèmes de moteur, et les voitures n’étaient pas à l’arrivée. C’était dur, ce n’était jamais, jamais arrivé auparavant. C’était difficile, mais cela vous rend plus fort. Donc, je ne considère pas ces souvenirs comme des mauvais souvenirs, mais comme des moments d’apprentissage. »

Johnny O’Connell, qui a été longtemps un des piliers du Corvette Racing, est de retour au Mans, toujours avec une Corvette. Est-ce que sa présence représente quelque chose de spécial pour vous ?

« C’est très, très spécial, et je pense que c’est aussi très spécial pour lui de revenir ici. En réalité, c’est spécial pour nous tous. Johnny est un pilote fantastique, il ne s’est pas reposé sur ses lauriers, il vient de remporter quatre championnats avec Cadillac. Johnny, comme Ron Fellows, a été capable de surmonter le temps qui passe. Il s’est rendu compte qu’il était temps de passer à autre chose. Johnny a fait preuve d’une grande compréhension et de courtoisie. Le fait qu’il revienne ici, c’est bon pour lui, c’est bon pour Corvette, je suis vraiment très content qu’il soit là. »

Revenons à la course 2016. Que pensez-vous de la concurrence ?

« Pour la course, quand je regarde le poids des Aston Martin, je pense qu’elles devraient jouer un grand rôle ici. Elles sont peut-être moins lourdes  que nous de 110 livres, 110 livres, c’est important ! Vous fatiguez moins les freins, vous fatiguez moins les pneus…

Ferrari, je pense, a peut-être la voiture la plus rapide ici. Je pense qu’elle seront au moins aussi rapides que les Aston Martin. Je pense qu’elles pourraient avoir un rythme que personne ne pourrait tenir.

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Ford devrait être très, très bien. Je pense qu’elles seront bien meilleures que ce que les gens pensent, même si c’est une année d’apprentissage. Elles seront rapides et je pense qu’elles seront fiables. Elles ont une bonne chance de bien faire ici.

Porsche, c’est une voiture dont personne ne parle. On dit que c’est une voiture « old generation », mais Porsche est toujours là. Quand vous regardez le tour par tour, elles ne sont peut-être pas les plus rapides, mais elles sont toujours dans le même tour que le leader, et au fur et à mesure que le temps passe, à la douzième heure, à la seizième, à la vingtième, elles n’arrêtent pas, hop, hop, hop, de remonter dans le haut du tableau et on se demande d’où elles viennent… Elles sont toujours là.

En GTE, tout le monde -chaque team, chaque voiture- a les capacités pour remporter la course.

Quelles sont les différences entre la C7.R 2016 et la C7.R 2015 ?

« La différence fondamentale provient de la décision du législateur qui nous a permis de faire des changements aérodynamiques, à nous comme aux autres constructeurs. Donc, nous avons un nouveau splitter avant, un nouvel aileron arrière, plus large, l’aérodynamique dans son ensemble a été améliorée, la voiture devrait être plus rapide. Il n’y a pas de raison pour laquelle nous ne soyons pas bien cette année. Nous avons maintenant une très bonne compréhension des pneus, ça devrait être bien. »

Allez-vous essayer de faire un chrono en qualifications?

« Non, comme à chaque fois, nous allons passer la plus grande partie de notre temps à régler la voiture en configuration course. On ne fait jamais la course avec de nouveaux pneus et avec un réservoir vide, donc ça ne sert à rien de chercher un chrono. Depuis 16 ans que nous venons ici, nous avons peut-être fait la pole deux fois, trois fois peut-être, je ne me souviens pas, mais ce n’est pas là-dessus qu’il faut se concentrer. Nous avons gagné car nous nous sommes concentrés sur le développement de la voiture, pour qu’elle tourne en faisant des chronos très constants, en ménageant les pneus, c’est ce que nous faisons. On ne se soucie pas vraiment des chronos. »

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Avez-vous une anecdote spéciale à propos du Mans ?

« La première fois que nous sommes venus au ici, nous pensions que Corvette n’était pas réellement apprécié des gens en Europe, particulièrement en France. Les recherches que nous avions faites suggéraient que les Corvette soient associées aux dealers. L’image n’était pas bonne et nous avions qu’il fallait qu’on la change. Nous voulions courir, mais nous voulions aussi faire partie du Mans, d’être acceptés par Le Mans. Avec Gary Claudio, qui était en charge du programme marketing de Corvette, nous avons eu de nombreuses conversations pou voir comment nous pourrions faire face au problème et comment nous allions pouvoir travailler là-dessus. Nous avons décidé deux choses. Premièrement, quand nous avons amené les voitures dans le centre ville pour le Pesage, il y avait des centaines, des milliers de personnes qui étaient présentes pour voir les voitures. Nous avons laissé les gens approcher des voitures, prendre des photos, nous avions décidé de laisser les gens approcher au plus près. Il y avait aussi beaucoup d’enfants qui étaient là et nous avons fait ce que personne n’avait fait auparavant : nous avions observé les visages des gens et des enfants et leur intérêt, et nous avons laissé les enfants monter à bord des voitures. Ils avaient presque peur de monter dans la voiture, mais on les a encouragés à le faire et ils ont aimé ça…Vous auriez vu le sourire sur leurs visages !

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La seconde chose, après tout le dédale des Vérifications, les voitures ont été mises en position pour la traditionnelle photo officielle et nous nous tenions bien droit et ensuite les officiels nous ont dit qu’on pouvait partir, et on leur a dit « non, non, une minute ! » Gary Claudio avait acheté un stock de baguettes de pain, des bérets et des fausses moustaches. Nous avons enlevé nos chapeaux – nous avions des chapeaux de cow-boys- et nous avons mis les fausses moustaches et les bérets, et nous avons pris chacun une baguette. La foule s’est mis à applaudir à tout rompre, les gens étaient enthousiasmés.

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A ce moment-là, j’ai su qu’on était sur la bonne voie et cette histoire, ça a été la toute première étape pour que nous faisions partie du Mans à part entière. Il fallait vraiment que nous montrions au Mans à quel point nous apprécions le fait d’être là et de courir dans les 24 Heures. Je pense que maintenant, quand nous allons en ville, les gens qui nous regardent depuis leur fenêtre nous apprécient. De la même manière que les gens apprécient le son des Corvette, je sens que les gens du Mans nous aiment. »

 

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