Le sport automobile français sur circuit traverse actuellement une mauvaise passe. Le manque d’autos à Nogaro, les déclarations du coordinateur FFSA et l’annonce d’un championnat GT français a mis le feu aux poudres.
Malheureusement, notre sport automobile national n’avait pas besoin de cela par les temps qui courent. Nous ne sommes pas dans un pays où l’automobile se développe vu que les médias traditionnels ne parlent de sport auto qu’en cas d’accident.Nous avons donné la parole aux acteurs qui ont répondu à nos questions sans le moindre souci et avec le plus grand calme.
Le navire GT tricolore a pris l’eau à Nogaro avec 9 autos au départ de la course phare des Coupes de Pâques. Les deux faits de course du dimanche n’ont fait que renforcer les tensions. Il semble qu’à la FFSA on souhaite passer à autre chose que du GT en France. Le Supertourisme tient la corde pour une histoire de coût. Sans faire offense aux Mitjet améliorées, on est loin du standard GT3 qui a le vent en poupe dans le monde entier, mais pas en France.
On va nous dire qu’une GT3 coûte cher. A 380 000 euros (prix moyen), les constructeurs croulent sous les demandes. L’arrivée des LM P3 dans l’échiquier national a semé le trouble. Certains en voulaient, d’autres non. En France, c’est bien connu que quand on fait quelque chose, les gens gueulent, quand on ne fait rien les gens gueulent. Un pas en avant, deux pas en arrière. Certainement que le manque de communication du promoteur durant l’hiver n’a pas aidé à réunir un plateau car tout le monde a attendu pour signer. Les rumeurs d’annulation ont enflé dans le paddock et la machine s’est enrayée.
La formule magique n’existe pas. Tous les promoteurs ont connu des problèmes. SRO a souffert du World GT1, Peter Auto de l’European Le Mans Series, l’ACO de l’Asian Le Mans Series. Les trois ont travaillé et ont redressé la barre. Les trois ont tapé du poing sur la table en regardant droit devant. La France fait toujours exception où il ne faut vexer personne, faire attention aux susceptibilités des uns et des autres.
On aime ou pas le concept 2016 du GT Tour, mais Hugues de Chaunac était sur place pour répondre aux questions des uns et des autres. La FFSA était aussi sur place pour assurer la partie sportive et technique. Quid du président ? En même temps, on passe plus de 200 jours/an sur les circuits et on ne sait pas à quoi il ressemble. Croyez-le ou non mais on doit regarder sur Wikipédia pour voir s’il faut mettre un ‘s avant le ‘c’ sur son nom de famille. Quand on veut un entretien avec Jean Todt, Pierre Fillon, Gérard Neveu, Stéphane Ratel ou Hugues de Chaunac, on passe un appel ou on envoie un sms et l’affaire est réglée en 5 minutes. Pour la FFSA, on ne sait même pas qui est l’attaché de presse et donc à qui demander. Il a fallu attendre deux jours pour le voir en ligne le moindre article sur les Coupes de Pâques. On ne reçoit aucun communiqué de presse, aucune invitation à une quelconque remise des prix.
La question à se poser est de savoir pourquoi les équipes ont quitté le bateau. L’arrivée des LM P3 en a refroidi quelques-uns, le changement de format aussi. On ne peut pas dire que la stabilité soit présente. Le format de 2×1 heure fonctionne partout dans le monde, mais pas en France. Pourquoi ? Le passage à trois pilotes devait permettre de réduire les coûts pour un budget divisé par trois. Si on souhaite avoir 22 autos, cela demande 66 pilotes. Pas facile de trouvez 66 pilotes pour faire du GT sans dépeupler le voisin d’en face. La liste des pilotes en France n’est pas extensible. Ceux qui avaient un tout petit budget ne peuvent plus suivre même s’il faut arrêter de dire que les GT3 sont trop chères et que le LM P3 coûte moins cher quand on compare un plan financier d’une saison. Les GT3 qui roulent en France sont amorties depuis un bon moment et aucune nouvelle auto à noter. Les constructeurs ont eux aussi joué un rôle en aiguillant les teams à aller rouler dans tel ou tel championnat.
Les nouvelles équipes GT n’arrivent pas, la dernière en date étant le Duqueine Engineering. N’oublions pas que les équipes françaises sont des entreprises à faire vivre. Chacune fait son possible pour monter un programme. A titre d’exemple, Sport Garage fait une alliance avec Classic & Modern Racing, ce qui permet certainement de faire rouler plus de voitures et même de rouler sur la scène européenne. En seulement quelques années, Duqueine Engineering a bien développé ses activités. Et que dire de IMSA Performance, Saintéloc Racing, Sébastien Loeb Racing, Martinet by Alméras, TDS Racing ou Team AKKA-ASP. Est-ce que les équipes tricolores qui brillent en Blancpain GT Series, FIA WEC, VdeV ou ELMS sont récompensées par la Fédération Française du Sport Automobile ? Que dire des pilotes ? Quel est le retour à part payer la cotisation annuelle ? Et que dire des circuits qui ont fait des investissements… Le Val de Vienne a dépensé beaucoup d’argent pour avoir des installations modernes. Et quel est le résultat ? On ne veut pas piloter au Val de Vienne car il n’y a pas d’hébergement. Alors, n’allez pas à Sebring où il faut faire au bas mot 45 minutes de voiture chaque matin et chaque soir pour le trajet circuit/hôtel. Il nous reste encore quelques beaux circuits dans notre patrimoine, alors profitons-en.
La France dirige la FIA, la France a la plus grande course d’endurance au monde, la France est à la tête du FIA WEC, la France est aux commandes du plus beau championnat GT au monde, mais la France est incapable d’exister sur son territoire. La filière Circuit s’éteint petit à petit et l’arrivée possible du Supertourisme a peu de chance de changer les choses. Les fans viennent pour rêver. La France a fait rouler des stars qui ont déplacé les foules. Citons Luc Alphand, David Hallyday, Fabien Barthez, Christophe Dechavanne, Olivier Panis, Alain Prost, Jacques Laffite. Ce temps-là semble révolu.
Les championnats nationaux aménagent la catégorisation de pilotes établie par la FIA. En France, on fait mieux. On ôte les Platinum pour ne laisser que Bronze, Silver, Gold. Quand en British GT, Nissan a voulu imposer un équipage qui ne respectait pas le Pro-Am mis en place par SRO, le promoteur n’a pas cédé. Nissan ou pas, pas de GT-R au départ.
Caroline Diviès, directrice du circuit de Nogaro, explique le fond du problème : “Je pense qu’il faut repenser la façon dont on gère le sport automobile sur circuit en France. Il faut remettre l’église au milieu du village. Moi, j’alerte sur le fait que l’on gagne plus d’argent en louant le circuit pour des roulages qu’avec des courses. Or, ce n’est pas le but. Donc, on essaie de se mettre dans la peau du client en se demandant ce qu’on a à lui offrir et quelle est notre cible.”
Le meeting de Nogaro a connu deux faits marquants avec une violente sortie de piste d’une Ferrari et un pilote qui a emprunté la piste à contresens pour entrer dans la voie des stands. A notre connaissance, aucune enquête n’a été diligentée pour l’accident de la Ferrari et 1000 euros d’amende pour la piste à contresens. Chacun se fera une idée de qui a fait quoi et vu ce qu’on a lu sur les réseaux sociaux, on ne peut pas dire que ce soit d’un haut niveau. Entre règlements de compte et messages haineux, on a assisté à du grand n’importe quoi et on restera poli, ce qui n’a pas été le cas de tout le monde. Pitoyable ! Navrant ! N’oublions pas que l’on fait du sport automobile. Entre ceux qui accusent à tort, ceux qui sont hargneux, ceux qui n’ont rien compris au sport automobile et ceux qui n’ont jamais mis les pieds sur un circuit, il ne faut pas s’étonner que tout aille mal…