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Nissan GT-R LM NISMO : Fiasco sur la piste, réussite sur la com’

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L’annonce du retrait de Nissan du Championnat du Monde d’Endurance de la FIA pour la saison à venir n’a surpris personne. Depuis que la GT-R LM NISMO a mis ses roues sur la piste, rien ne s’est déroulé comme prévu. Si Nissan a perdu le pari de la piste, Nissan a en revanche gagné celui de la communication. Fiasco ? Désillusion ? Tromperie ? Certainement un mix. Retour sur un programme officiel qui a fait pschitt…

Après la DeltaWing qui a connu un vrai succès en Garage 56, le constructeur japonais, si tant est que l’on puisse dire que c’est bien lui qui était aux manettes, a sorti du carton une ZEOD RC électrique qui n’était qu’une DeltaWing rebadgée au niveau du look, ce qui a eu le “Don” de mettre Panoz dans une colère noire avec un procès à la clé. Dès juin 2014, la communication se voulait agressive avec un tour héroïque de la ZEOD RC durant le warm up des 24 Heures du Mans en mode électrique. La course a été plus compliquée avec un abandon dès la 23ème minute. Le deal entre l’organisateur était simple : venir avec la ZEOD RC pour préparer une arrivée en LM P1 l’année suivante.

C’est à Londres que Nissan a présenté son projet GT-R LM NISMO devant tout le gratin de l’endurance mondiale le 23 mai 2014 sans toutefois y présenter l’auto. A cette époque, tous les feux étaient au vert. Alors qu’il était encore vice-président exécutif de Nissan, Andy Palmer se voulait confiant : “Croyez-moi, je pense que la voiture restera dans les annales et qu’elle sera longtemps dans les mémoires, non seulement sur le fait qu’elle aura remporté les 24 Heures du Mans, mais aussi qu’elle aura réinitialisé le lien de NISMO entre la piste et la route.” Depuis mai 2014, les Nissan GT-R n’ont cessé de gagner des courses en SUPER GT et Blancpain Endurance Series. Pour la LM P1, l’histoire est différente malgré le remplacement de Darren Cox par Michael Carcamo qui a su amener ses compétences au projet. 

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Il aura fallu attendre jusqu’au 1er février dernier pour voir cette GT-R LM NISMO lors d’un spot diffusé acheté plus de dix millions de dollars durant la finale du Super Bowl. Nissan voulait faire différemment avec une auto non conventionnelle en mettant l’accès sur le marketing. “L’innovation marketing est importante pour nous et Le Mans est la plate-forme marketing idéale” souriait Darren Cox, employé multi-cartes du projet LM P1 qui n’a tout de même pas poussé le bouchon jusqu’à piloter l’auto lui-même.

Avec une LM P1 équipée d’un moteur à l’avant, des pneus de 14 pouces à l’avant et de 9 pouces à l’arrière, Ben Bowlby, concepteur de l’auto, n’a pas choisi la voie la plus facile. Vu que le but était de proposer quelque chose de différent, l’objectif a été atteint. On passera sur le fait que l’on n’a jamais trop su qu’elle était l’implication de NISMO capable de produire de vraies machines de guerre pour le GT500. Entre une conception de la LM P1 aux Etats-Unis, un simple atelier à Silverstone, la Nissan GT-R LM NISMO n’a pas foulé le sol japonais.

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Les débuts de l’auto face à la concurrence étaient attendus au Prologue FIA WEC, mais pas de GT-R LM NISMO dans le Var, pas plus qu’à Silverstone et Spa. C’est donc aux 24 Heures du Mans que la LM P1 a disputé sa première et unique course. Débuter avec un tel concept, qui plus est avec trois autos, sur la course la plus compliquée au monde était osé voire même gonflé. Les chronos ont vite parlé d’eux-mêmes : 3.16.887 pour la Porsche #18 contre 3.36.995 à la Nissan #22. Le calcul est clair : déficit de 20 secondes. On passera sur les problèmes à répétition en course qui ont vu une seule auto franchir la ligne d’arrivée non classée. Les neuf pilotes ont serré les fesses avec une auto pas très “safe” et l’équipe technique a fait tout ce qu’elle a pu pour donner la meilleure monture possible avec les moyens du bord. Sans l’indulgence des commissaires, les trois n’auraient même pas dû prendre le départ, n’étant pas dans les minimas requis.

A aucun moment la Nissan GT-R LM NISMO n’a séduit sur un plan sportif. Les essais bouclés depuis Le Mans n’ont strictement rien donné. On est loin de la force de frappe d’Audi, Porsche et Toyota. Quand les trois grands liment le bitume à Motorland Aragon, le petit poucet du LM P1 reste sur le territoire américain à Austin, Bowling Green ou NOLA.

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Malgré ce fiasco sur la piste, Nissan n’a pas tout perdu car le plan communication parfaitement rôdé a fonctionné à merveille. Grand “marketer” s’il en est, Darren Cox a su insuffler un souffle nouveau dans une catégorie LM P1 qui prend les mêmes travers que la F1. Chez Nissan, c’était opération portes ouvertes à la presse durant toute la semaine du Mans et de ce côté on ne s’en plaindra pas pour travailler. Toutefois, on ne peut pas nier que la communication de Nissan a été quelque peu arrogante à certains moments et c’est d’ailleurs cela que les fans regrettent. “Nous ne sommes pas là pour nous faire des amis et nous voulons être les bad boys du paddock” clamait Darren Cox au début du programme. Pour résumer, la pensée générale de la direction était de dire que nous on sait faire une voiture différente et qu’avec nettement moins d’argent on va gagner Le Mans. Quand l’une des Nissan a fait face à un problème de portière en course, la réponse ironique a été de dire que le pilote pouvait ainsi saluer le public.

Sitôt les 24 Heures du Mans terminées, le discours était quelque peu différent. “Nous avons appris beaucoup de choses” martelait Darren Cox en juin dernier. “Si les règles ne changent pas trop pour 2016, cela nous convient. Notre marque est “l’innovation qui excite”. Ce n’est pas “soyez très sérieux et faites de l’ingénierie” ou “Vorsprung durch Technik“. Lorsque nous serons bien avancés, nous pourrions même publier nos feuilles de set-up.” Dr Ullrich, vous pourriez nous faire passer le set-up de l’Audi R18 e-tron quattro ?

Quand les pilotes Porsche roulent en 911, les pilotes Nissan roulent en Juke et pas en GT-R. Comme quoi la boucle du marketing n’a pas été bouclée. Ce que Nissan a parfaitement réussi avec la GT Academy, c’est -à-dire montrer que le sport automobile pouvait être accessible au plus grand nombre, a échoué avec le programme LMP1, à savoir partir à l’opposé des autres constructeurs pour gagner Le Mans. Marc Gené a dit stop avant Le Mans et que l’on ne vienne pas nous faire croire que c’est à cause d’un programme chargé.

Pourtant, Nissan n’a pas tout perdu. Faites le test de demander à quelqu’un qui suit les courses d’endurance de très loin si la Nissan GT-R LM NISMO évoque quelque chose. On a essayé et la réponse est toujours la même. Tout le monde garde en souvenir une auto originale dont le concept n’a pas fonctionné. Nissan ne se laisse pas de temps supplémentaire puisque le projet est mis de côté pour 2016 et il y a peu de chance qu’il y ait une suite dans le futur quand on sait que Renault revient en Formule 1. Jusqu’au Mans, ni vous ni moi ne pouvions mettre en cause le fait de voir la GT-R LM NISMO tourner dans des temps similaires aux LM P1 hybrides 2014. Le chrono a rendu son verdict, et sans l’utilisation du système hybride. Carlos Ghosn a bien tiré la sonnette d’alarme après Le Mans, n’en déplaisent à certains. Personne n’a trop compris le message passé à travers certains médias comme quoi tout allait bien dans le meilleur des mondes…

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Finalement, la Nissan GT-R LM NISMO ne restera pas dans les annales pour les passionnés d’endurance mais elle a le mérite d’avoir fait parler. La question qui reste sans réponse est comment le board de l’alliance Renault-Nissan, 4ème constructeur mondial, a pu laisser faire et croire qu’il serait possible de gagner la course la plus exigeante au monde dans un programme de deux ans avec un concept si innovant. Porsche a préparé son retour durant plusieurs années, Audi est là depuis plus d’une décennie et Toyota tourne toujours autour du Mans malgré d’indéniables compétences. Certes, il fallait donner du temps à Nissan, mais on ne demande pas à un lapin de six semaines de gambader. Un véhicule sur dix vendu dans le monde est une auto de l’alliance Renault-Nissan. Les moyens sont là mais l’argent n’a pas été mis à la hauteur du projet. Donnez quelques centaines de millions d’euros à NISMO et ils vont vous montrer de quoi ils sont capables pour concevoir une LM P1 plus conventionnelle. Ceux qui sont allés suivre une manche de SUPER GT comprendront.

Les membres de l’équipe technique ont dû rendre leurs badges et plusieurs pilotes vont devoir se recaser. On espère que tout ce beau monde pourra retrouver du travail car des personnes compétentes ont travaillé d’arrache-pied jour et nuit pour que cette LM P1 ne soit pas la risée de la grille. La seule victoire de cette Nissan GT-R LM NISMO aura été d’en voir trois sur la grille des 24 Heures du Mans au même titre qu’Audi et Porsche. Pour le reste, la mission de l’innovation est inachevée. Le fameux Hastag #eatsleepRACErepeat s’est transformé en #eatsleepRACEstop. Ironie du sort, le programme est stoppé quelques jours avant Noël et force est de constater que les deux têtes pensantes du projet ont cru au Père Noël jusqu’au Mans…

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